Une paix imposée au prix du silence ? La fracture politique face à la « proposition Trump »

La divulgation d’une « proposition en 21 points » présentée par la Maison-Blanche pour obtenir la libération rapide des otages et une sortie de la guerre à Gaza a ravivé, en Israël, un débat incandescent : vaut-il mieux accepter un échange immédiat — avec retrait progressif des troupes et garanties internationales — ou poursuivre l’offensive jusqu’à la « décision totale » contre le Hamas, au risque de perdre à jamais les captifs ? La rencontre imminente entre Benjamin Netanyahu et Donald Trump promet d’être le moment décisif d’une décision lourde de conséquences. (www.israelhayom.com)

Les faits — Ce week-end, la Maison-Blanche a multiplié les signaux d’une avancée possible : selon des fuites et communiqués, le plan — transmis à des responsables arabes et exposé verbalement par le président américain — prévoit la remise de tous les otages sous 48 heures après la signature d’un accord, contre une retrait progressif des forces israéliennes et une série de garanties politiques régionales. À la conférence générale des Nations unies, Donald Trump a affiché un optimisme mesuré : « It’s looking like we have a deal on Gaza », a-t-il déclaré avant de s’envoler pour d’autres rendez-vous diplomatiques. En parallèle, le Hamas a déclaré ne pas avoir reçu officiellement la proposition, ce qui ajoute à l’incertitude. (Reuters)

Réactions politiques en Israël — L’annonce a instantanément polarisé la classe politique. À droite, des responsables comme Itamar Ben-Gvir ont fustigé toute perspective de « mettre fin à la guerre sans l’anéantissement total du Hamas », estimant que céder reviendrait à permettre à l’organisation de se reconstituer. Au centre-gauche, Yair Lapid a tenté de désamorcer la polémique en affirmant détenir, dit-il, une « réseau de sécurité » politique pour soutenir une transaction de libération des otages et mettre en garde contre les « cris d’orfraie » des extrêmes. Le gouvernement Netanyahu se retrouve ainsi coincé entre la pression internationale pour un accord rapide et la pression intérieure des factions qui réclament la poursuite de l’opération jusqu’à la « décision ». (The Jerusalem Post)

Pourquoi la tentation d’un accord est forte — Trois leviers militent pour la voie diplomatique : la priorité humanitaire et politique de ramener les otages au plus vite ; la fatigue d’un État qui porte depuis près de deux ans les coûts humains, économiques et diplomatiques d’un conflit ; enfin, la pression alliée — américaine en tête — qui propose des garanties et un cadre multilatéral susceptible de réduire le risque d’un vide sécuritaire immédiat. Pour des familles exténuées et pour l’opinion publique internationale, la promesse d’un retour des captifs sous 48 heures pèse lourd. (Reuters)

Les risques d’une reddition partielle — Pourtant, accepter une transaction aujourd’hui présente des risques évidents. Les voix critiques soulignent que la libération rapide des otages ne garantit ni la disparition du Hamas, ni la neutralisation de ses capacités militaires et industrielles enfouies — tunnels, ateliers et cellules clandestines. Abandonner l’ambition d’une « décision totale » pourrait, selon ces analystes, permettre à l’organisation de se reconstituer, de réarmer et, à terme, de menacer à nouveau la sécurité d’Israël. À leurs yeux, l’Histoire enseigne que les replis précipités laissent des vides que d’autres acteurs — État islamique localisé, djihadistes affiliés — sauraient exploiter. (Le Monde.fr)

Conséquences stratégiques et morales — Le dilemme est autant stratégique que moral : quel prix politique et moral est-on prêt à payer pour la vie des otages ? Accepter un accord négocié implique de peser la responsabilité de permettre à des leaders hostiles de survivre politiquement à une défaite apparente ; refuser, c’est mettre en balance la possibilité que des otages restent en captivité — voire soient tués — et l’érosion progressive du soutien international et domestique. Ce choix n’est pas seulement une décision militaire, il interroge la conception même de la souveraineté et de la finalité de l’action d’État en temps de guerre. (Reuters)

Dimension internationale — La médiation américaine, relayée par acteurs régionaux tels que le Qatar et certains pays arabes, illustre un point central : la guerre à Gaza est devenue, de facto, un dossier international où chaque geste a des répercussions globales — humanitaires, diplomatiques et sécuritaires. Washington propose des garanties pour éviter l’« effet d’aspiration » d’un retrait israélien, mais ces garanties reposent sur des hypothèses de coopération régionale parfois fragiles. L’isolement diplomatique croissant d’Israël sur certaines scènes rend la perspective d’un accord d’autant plus tentante pour ceux qui souhaitent restaurer des alliances et alléger la pression extérieure. (Le Monde.fr)

Scénarios possibles et enjeux futurs — Trois scénarios dominent la réflexion : 1) signature d’un accord rapide — les otages libérés, retrait graduel, mais risque de résilience du Hamas ; 2) poursuite de l’offensive jusqu’à une destruction supposée plus large des capacités adverses — retour probable d’une partie des captifs seulement après nouveaux engagements militaires ; 3) impasse diplomatique — négociations interrompues, nouvelle escalade, et un Pays aux prises avec un effet de polarisation interne durable. Chaque voie comporte des coûts élevés — militaires, diplomatiques et humains — et aucune ne garantit une sécurité durable. (www.israelhayom.com)

À l’aube de la rencontre entre Benjamin Netanyahu et Donald Trump, Israël doit trancher entre deux conceptions du devoir d’État : celle qui place la vie des otages et la désescalade immédiate au sommet des priorités, quitte à accepter un compromis politique risqué ; et celle qui subordonne toute négociation à la destruction des capacités ennemies, au risque d’y sacrifier des vies et une patience internationale déjà entamée. Il s’agit d’un pari historique — choisir la paix aujourd’hui pourrait signifier tolérer un danger demain ; choisir la guerre pourrait contraindre la nation à supporter encore des pertes irréparables. La difficulté de ce choix, lourde et irréductible, se mesurera dans les heures qui viennent, derrière les portes closes de la Maison-Blanche. (Reuters)


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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