Un message posté sur Facebook a suffi à mettre le feu aux poudres dans le monde académique italien. À l’origine de la controverse : un professeur de droit de l’Université de Palerme, qui a proposé une forme de « boycott social » visant explicitement les Juifs. Selon ses propres mots, il s’agissait de « retirer l’amitié Facebook à vos amis juifs » afin de les « faire se sentir seuls » en réponse à ce qu’il qualifie d’« Holocauste palestinien ». Une formulation d’une rare violence, qui a immédiatement provoqué une avalanche de critiques, d’accusations d’antisémitisme et de condamnations officielles.
La déclaration, rapportée par le Corriere della Sera, ne laissait guère de place à l’interprétation. Le professeur écrivait : « Nous commençons à faire en sorte que les amis juifs se sentent seuls, supprimons leur amitié sur Facebook. Même les « bons », qui se disent éloignés de la politique israélienne. Qu’ils se retrouvent face à face avec la monstruosité dont ils sont complices. » Derrière ce post, se dessine une rhétorique dangereuse, celle de la culpabilité collective, où tous les Juifs, indépendamment de leurs positions ou de leur vie personnelle, sont désignés comme responsables de la guerre à Gaza.
La réaction de l’Université de Palerme a été rapide. Le recteur a dénoncé une « initiative personnelle culturellement dangereuse et aux antipodes des principes de notre université », affirmant que sur des sujets aussi sensibles que le conflit au Moyen-Orient, la seule voie légitime restait « celle du dialogue et de la confrontation critique, et non celle de l’isolement ou de la censure idéologique ». En se désolidarisant publiquement, l’institution a cherché à éviter que le scandale ne ternisse son image nationale et internationale.
La ministre italienne de l’Université, Anna Maria Bernini, a également condamné fermement ces propos, estimant qu’ils ne visaient pas seulement les Juifs mais « toutes celles et ceux qui croient aux valeurs du respect et de la coexistence civile ». Elle a rappelé que les conflits « se surmontent par le dialogue, pas par l’isolement », et que seule une approche constructive pouvait contribuer à bâtir une paix durable.
Face au tollé, l’enseignant a tenté de se défendre en dénonçant une « interprétation exagérée » et en niant toute intention antisémite. Selon lui, son objectif était de « stigmatiser le silence des Israéliens » face à la guerre et non de s’en prendre à l’ensemble du peuple juif. « J’ai été submergé par une avalanche d’insultes et de menaces », a-t-il ajouté, estimant que la polémique avait pris des proportions démesurées. Mais ses explications n’ont fait que renforcer l’impression d’un double discours, où la justification se mêle à l’attaque.
Cette affaire, symptomatique d’une dérive inquiétante, révèle à quel point l’antisémitisme se diffuse désormais à travers les canaux académiques et numériques. Derrière le masque d’un « geste symbolique », c’est en réalité l’appel à l’exclusion sociale des Juifs qui est légitimé, rappelant de sombres précédents historiques en Europe. Dans un contexte marqué par une montée des actes antisémites, de la France à l’Allemagne en passant par l’Italie, ce type de déclaration nourrit un climat délétère où la haine s’habille de pseudo-engagement politique.
Pour Israël et la diaspora juive, ce genre de dérive académique n’est pas anodin. Comme l’explique un éditorial publié sur Rak BeIsrael, « chaque mot prononcé par un enseignant résonne auprès des jeunes générations. Lorsqu’un professeur légitime l’exclusion des Juifs, il ouvre la voie à une banalisation de l’antisémitisme ». À terme, ce sont les campus européens qui risquent de devenir des terrains de radicalisation idéologique plutôt que des lieux de savoir et de débat équilibré.
L’onde de choc dépasse donc le cadre italien. Les organisations juives internationales ont déjà demandé des sanctions disciplinaires contre le professeur, tout en alertant sur le climat d’insécurité qui s’installe pour les étudiants juifs dans de nombreuses universités. À l’échelle diplomatique, Israël suit de près l’affaire, rappelant que l’Europe porte une responsabilité historique particulière dans la lutte contre l’antisémitisme.
Au-delà du scandale ponctuel, cette polémique illustre une réalité dérangeante : l’obsession anti-israélienne qui s’exprime aujourd’hui dans certains cercles universitaires débouche sur une stigmatisation globale des Juifs, réduits au rôle de « complices » supposés des décisions politiques de l’État hébreu. En filigrane, c’est la frontière entre critique légitime d’un gouvernement et haine antisémite qui s’efface dangereusement.
En conclusion, l’affaire de Palerme n’est pas seulement un dérapage individuel mais le symptôme d’une tendance plus large : la normalisation de discours excluants et hostiles, sous couvert d’engagement politique. La condamnation ferme des autorités universitaires et gouvernementales italiennes constitue un signal rassurant, mais la vigilance reste de mise. Car si la haine des Juifs trouve désormais sa place jusque dans les amphithéâtres, c’est la crédibilité même du monde académique européen qui est menacée.
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