Vacances sous tension : pourquoi certains Israéliens « explosent » à l’étranger

Des plages de Thaïlande aux rues animées d’Europe de l’Est, les médias rapportent de plus en plus souvent des incidents impliquant des Israéliens en voyage à l’étranger. Arrestations, expulsions, violences liées à l’alcool, altercations avec des locaux, troubles dans des fêtes ou comportements jugés déplacés : ces épisodes alimentent le malaise autour de l’image de « l’Israélien laid » et suscitent une question dérangeante. Comment expliquer que ces débordements surviennent דווקא loin de la maison, dans un cadre censé être celui du repos et de l’évasion ?

La réponse, selon de nombreux spécialistes, dépasse largement la simple question du savoir-vivre. La société israélienne vit depuis plusieurs années dans un état de tension quasi permanent. La pandémie de Covid, suivie par une guerre longue et traumatisante, des vagues de mobilisation massive des réservistes et une exposition continue à des informations anxiogènes ont créé un climat de survie prolongée. Pour beaucoup, partir à l’étranger n’est plus seulement une envie de vacances, mais une tentative de fuite psychologique, un besoin urgent d’échapper à une pression devenue difficilement supportable.

Traditionnellement, le voyage après le service militaire a toujours occupé une place particulière dans la culture israélienne, comme un rite de passage permettant de relâcher la pression et de retrouver une forme de contrôle sur sa vie. Mais aujourd’hui, ce phénomène ne concerne plus uniquement de jeunes soldats démobilisés. Des réservistes épuisés par des mois de combat, des familles marquées par les absences prolongées, voire par des pertes, cherchent elles aussi une pause hors d’Israël. Or, ce déplacement géographique ne signifie pas nécessairement un apaisement intérieur.

De nombreux Israéliens arrivent à destination avec leurs bagages… et avec leurs tensions intactes. Les réseaux sociaux regorgent de vidéos montrant des comportements excessifs, parfois filmés par les intéressés eux-mêmes. La Thaïlande, destination emblématique de l’après-service militaire, concentre une grande partie de ces récits. Des milliers d’Israéliens s’y retrouvent, recréant parfois des micro-communautés fermées au sein de sociétés locales très différentes. Ce regroupement procure un sentiment de sécurité et d’appartenance, mais peut aussi accentuer une déconnexion des normes locales et un sentiment d’impunité.

Selon le psychologue social Itzik Alfasi, la clé réside dans la notion de « relâchement sous anonymat ». À l’étranger, certains Israéliens ont l’impression de pouvoir se comporter sans conséquences, comme si les règles étaient suspendues. Cette illusion d’anonymat agit comme une soupape : des émotions accumulées, de la colère, de la peur ou de la frustration se libèrent soudainement. « C’est une tentative de reprendre le contrôle », explique-t-il. « Après une longue période de stress et de survie, certains cherchent à ressentir à nouveau de la puissance ou de la liberté, parfois de manière inadaptée ».

Les jeunes adultes sont particulièrement vulnérables à ce type de dérives. Leur capacité de régulation émotionnelle est encore en construction, et des situations de stress prolongé peuvent conduire à des comportements immatures ou extrêmes. Mais le phénomène ne s’arrête pas là. Des Israéliens plus âgés, y compris des parents, peuvent eux aussi se retrouver dépassés par une surcharge émotionnelle qu’ils n’avaient jamais vraiment traitée.

À cela s’ajoute un facteur de plus en plus présent : la montée de l’antisémitisme et de l’hostilité envers Israël dans de nombreuses régions du monde. Même dans des pays réputés accueillants, le sentiment d’être jugé, observé ou rejeté peut provoquer des réactions défensives. Chez certains, cela se traduit par un repli discret. Chez d’autres, par une attitude provocatrice, comme une manière de défier un environnement perçu comme hostile.

Un autre élément central est la question du traumatisme. Des milliers d’Israéliens souffrent aujourd’hui de stress post-traumatique, parfois sans diagnostic officiel. Des bruits, une foule dense, une odeur ou une situation anodine peuvent suffire à déclencher une réaction disproportionnée. Selon les données du ministère de la Défense, plus de 10 000 cas de traumatismes liés à la guerre actuelle ont déjà été reconnus, auxquels s’ajoutent des milliers d’anciens combattants des conflits précédents. Beaucoup n’ont pas encore demandé d’aide, et les symptômes peuvent apparaître des années plus tard, y compris lors d’un voyage censé être réparateur.

Partir à l’étranger ne signifie donc pas laisser la guerre derrière soi. La conscience israélienne reste profondément connectée au pays, à la menace et à l’angoisse collective. Pour certains, cette tension se manifeste par un comportement excessif qui choque autant les locaux que les autres touristes israéliens.

Cette réalité ne justifie en rien les débordements, mais elle invite à une lecture plus nuancée du phénomène. Les pays visités ne sont ni des exutoires ni des terrains de défoulement. Comprendre ce qui se joue sur le plan psychologique, reconnaître les fragilités et chercher des mécanismes d’apaisement avant et pendant le voyage sont devenus des enjeux essentiels. Dans un monde déjà tendu, le respect de l’autre et du lieu visité reste une responsabilité individuelle, même – et surtout – lorsque la société d’origine traverse une période de profonde turbulence.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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