Le cœur est déchiré devant l’agonie des familles des enlevés, il est difficile de digérer les témoignages de ceux qui sont revenus de captivité. Le cœur juif israélien cherche à envelopper, à embrasser et à partager la douleur de ces héros. Mais regarder la situation à travers les jumelles de l’ennemi montre une image différente. Le discours public israélien, et en particulier le discours médiatique, nourrit le Hamas et le renforce. Il y puise de la force, mais aussi du plaisir et un sentiment de victoire.
Yahya Sinwar et Muhammad Daf (celui qui s’est récemment révélé debout sur ses deux pieds) sont au courant de chaque détail du terrain, lisent les journaux israéliens et regardent religieusement les studios couvrant du lever au coucher du soleil les conflits au sommet de l’élite politique, les débats entre ministres du gouvernement et hauts responsables militaires, les appels à un changement de gouvernement et la position des chefs, et la protestation pour le retour des personnes enlevées.
Le Hamas fera tout pour intensifier les divisions dans la société israélienne, pour creuser et approfondir les fissures chez « l’ennemi sioniste ». Il savait que les civils kidnappés – femmes et enfants, jeunes et vieux – constituaient son arme la plus puissante. Plus que les roquettes, plus que les terroristes de Nuh’ba. Les personnes enlevées sont l’air que le Hamas peut respirer. Les dirigeants de l’organisation savaient également, sur la base des accords d’échange de prisonniers conclus par Israël ces dernières années, et notamment celui de Gilad Shalit, que les personnes enlevées deviendraient des symboles et que ceux qui voudraient libérer un symbole devraient payer le prix fort. Les hauts responsables de l’organisation identifient qui est le plus « important », qui retient l’attention et suscite l’émotion, et cacher toute information sur leur situation dans le pire des cas, ou publier une terreur psychologique dans le pire des cas.
Ainsi, l’atmosphère publique israélienne qui comprend la pression, l’urgence, la colère, une campagne médiatique et une protestation publique qui représente une position tout à fait humaine – « Ramenez les personnes enlevées chez elles maintenant » – tout cela permet au Hamas de dicter le rythme des négociations. Elles lui permettent d’exiger des compromis sans précédent de la part d’Israël, et même de mettre la partie médiatrice, l’Égypte et le Qatar, dans une sorte d’impuissance. Parce que si Israël veut « ici, maintenant et immédiatement », alors le Hamas dispose d’un temps et d’une patience infinis. Ils ont attendu 16 ans pour cette campagne, que pensent-ils de quelques mois de plus pour atteindre l’objectif ?
La perception culturelle est la différence. Lorsque nous examinons les prochaines étapes, nous devons nous rappeler que, aux yeux d’un côté, la valeur de la vie est une force, aux yeux de l’autre, c’est une faiblesse qui doit être exploitée. Les nazis le pensaient dans les années 1940, le Hamas partage la même idée aujourd’hui. Une grande partie de l’opinion publique israélienne considère la libération des personnes enlevées, même à tout prix, comme une victoire dans la guerre. En pratique, en raison du point de vue déformé du Hamas, cela entraînera des dommages psychologiques pour des générations.
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