La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé l’interdiction de l’abattage casher par la Belgique, dans un arrêt publié jeudi.
Le tribunal a rejeté les arguments des groupes juifs et musulmans selon lesquels la Belgique viole leurs droits religieux en les obligeant à étourdir les animaux avant de les tuer, contrairement à leurs préceptes religieux.
La décision crée un précédent qui pourrait conduire à une vague de lois contre la shechita, le sacrifice rituel juif, dans toute l’Union européenne.
La réglementation européenne interdit l’abattage sans étourdissement préalable, mais fait une exception pour l’abattage religieux. Dans le même temps, ces réglementations stipulent que les pays peuvent établir leurs propres lois pour réduire la souffrance des animaux.
Le tribunal a estimé que les lois exigeant que les animaux soient étourdis et établissent «un juste équilibre entre l’importance accordée au bien-être des animaux et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion».
La raison invoquée par le tribunal pour que la loi soit équilibrée est qu’elle autorise «l’étourdissement réversible». Le tribunal a également déclaré que la loi limite un aspect spécifique de l’acte rituel d’abattage, et non l’acte d’abattage lui-même, et en tant que tel ne compte pas comme une ingérence dans la pratique religieuse.
Cependant, les principales autorités juives et musulmanes n’autorisant aucune forme d’étourdissement avant l’abattage des animaux pour la viande, le tribunal a déterminé que l’interdiction de la production de viande pour ces communautés est un juste équilibre entre les droits des animaux et les droits des juifs et des musulmans.
« Cette ingérence [dans l’abattage rituel] répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union européenne, à savoir la promotion du bien-être animal », a déclaré le tribunal.
Le tribunal n’a pas accepté l’argument selon lequel la chasse et la mise à mort d’animaux lors « d’événements culturels ou sportifs » comme la Tauromachie sont toujours autorisées par la loi, même si les animaux ne sont pas étourdis avant d’être tués.
«Les événements culturels et sportifs se traduisent, au mieux, par une production de viande qui n’est pas économiquement significative. Par conséquent, on ne peut raisonnablement comprendre que ces événements sont une activité de production alimentaire, ce qui justifie qu’ils soient traités différemment de celui du massacre », précise le jugement.
Le tribunal a pris la décision inhabituelle de se prononcer contre l’avis du conseiller juridique européen.
L’avocat général Gerard Hogan a déclaré en septembre que les États membres de l’UE « sont tenus de respecter les croyances religieuses profondément ancrées des adhérents aux religions musulmane et juive en autorisant l’abattage rituel des animaux », et qu’ils exigent un étourdissement dans le pays. Le processus d’abattage « compromettrait l’essence des garanties religieuses » fournies par l’UE.
Les régions flamandes néerlandophones et wallonnes francophones de Belgique ont adopté des lois en 2017 interdisant l’abattage sans étourdissement préalable, même dans le cadre de rites religieux, tels que l’abattage casher, connu sous le nom de shechita.
La Cour constitutionnelle belge a transmis le procès, déposé par le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), à la Cour de justice de l’Union européenne l’année dernière pour déterminer si les lois enfreignent les règlements de l’Union européenne.
Le président du CCOJB, Yohan Benizri, qui est également vice-président du Congrès juif européen, a déclaré : «Aucune démocratie ne peut exister lorsque ses citoyens se voient refuser les droits humains et civils fondamentaux. Nous prévoyons de rechercher toutes les ressources juridiques pour corriger cette erreur ».
Brooke Goldstein, directrice exécutive du Lawfare Project, qui a aidé Benizri dans la contestation judiciaire, a averti que « la liberté religieuse de millions d’Européens a été mise en danger par cette décision embarrassante ».
Le grand rabbin russe Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens, a déclaré que la décision de jeudi « va à l’encontre des récentes déclarations des institutions européennes selon lesquelles la vie juive doit être chérie et respectée ».
« La Cour est habilitée à statuer que les États membres peuvent ou non accepter des dérogations à la loi… mais essaie de définir la shechita, notre pratique religieuse, est absurde », a déclaré Goldschmidt. «La décision de la Cour européenne de justice d’appliquer l’interdiction des meurtres non étourdissants dans les régions flamandes et wallonnes de Belgique se fera sentir dans les communautés juives du continent. Les interdictions ont déjà eu un impact dévastateur sur la communauté juive belge, provoquant des pénuries d’approvisionnement pendant la pandémie, et nous sommes tous bien conscients du précédent que cela crée qui remet en question nos droits de pratiquer notre religion. «
Goldschmidt a déclaré qu’historique-ment, les interdictions de la shehita étaient une tentative de contrôler la population d’un pays, remontant au 19ème siècle, lorsque la Suisse a tenté d’empêcher les Juifs fuyant les pogroms d’entrer dans leur pays, ainsi que de Allemagne nazie. En 2012, a-t-il déclaré, les politiciens aux Pays-Bas ont tenté d’interdire les égorgement d’animaux pour arrêter la propagation de l’islam.
«Les dirigeants européens nous disent qu’ils veulent que les communautés juives vivent et réussissent en Europe, mais ils n’offrent aucune protection à notre mode de vie. L’Europe doit réfléchir au type de continent qu’elle veut être. Si des valeurs telles que la liberté de religion et la vraie diversité sont globales, alors le système de lois actuel ne reflète pas cela et doit être révisé d’urgence », a déclaré le rabbin.