Simone Veil est décédée vendredi matin à son domicile à l’âge de 89 ans, a appris le JDD de source sûre. Figure de la vie politique française, rescapée de la Shoah, ancienne ministre et ex-présidente du Parlement européen, elle était depuis l’adoption de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) en 1975 une figure des droits des femmes.
Simone Veil est décédée vendredi à 8h15 à son domicile, situé dans le 7e arrondissement de Paris, a appris le JDD de source sûre. Agée de 89 ans, elle était une figure de la vie politique française. Rescapée de la Shoah, ancienne ministre et ex-présidente du Parlement européen, elle était depuis l’adoption de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975 l’un des symboles des droits des femmes. Elle était aussi l’une des personnalités préférées des Français, selon le classement bi-annuel du JDD. Retour sur son parcours hors du commun.
Sa lutte pour donner aux femmes le droit d’avorter
Ministre de la Santé entre 1974 et 1979, elle fait voter par une droite frondeuse, et avec le soutien de la gauche, la loi sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse). « Je voudrais vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement… », déclare-t-elle dans un discours resté historique. Certains croiront même la voir pleurer en retournant sur les bancs de l’Assemblée, harassée par les attaques de la droite. Interrogée par L’Express, trente ans plus tard, elle dément : « Eh bien, non, je n’ai pas du tout le souvenir d’avoir pleuré. »
Arrêtée à 16 ans, puis déportée
Simone Veil est née, en 1927, à Nice. Ses parents ont quitté Paris pour s’y installer. Son père, André Jacob, est architecte. Sa mère, Yvonne Steinmetz, est mère au foyer. Ils seront quatre enfants élevés au sein d’une famille juive non pratiquante : Madeleine, Denise, Jean et Simone. Le mari a exigé que son épouse arrête ses études. La mère de Simone Veil inculquera à ses filles la nécessité des études, du savoir, de l’indépendance pour une femme. La crise de 1929 met à mal les affaires du père. Ils s’adaptent. La Seconde Guerre mondiale éclate. Ils tentent de survivre alors que la ségrégation des lois antijuives rend le danger de plus en plus prégnant. Simone Veil passe son baccalauréat en 1944. Elle est arrêtée, à 16 ans, dans les rues de Nice. Le reste de la famille est également arrêté par la Gestapo. Sa sœur Denise Vernay, résistante à 19 ans, est déportée à Ravensbrück. Son père et son frère sont déportés en Lituanie par le convoi 73. Simone Veil est envoyée à Auschwitz-Birkenau, avec sa sœur Madeleine (21 ans) et sa mère (43 ans). Elle se liera d’amitié, dans cet enfer, avec Marceline Loridan. Sa mère adorée meurt du typhus le 13 mars 1945. Les trois sœurs, Simone, Madeleine et Denise, sont les seules survivantes de la famille Jacob. Simone Veil attendra des années pour parler de la déportation de sa famille.
Elle épouse Antoine Veil, en 1946, avec qui elle aura trois fils. Jean (né en 1947), Nicolas (né en 1948 et mort en 2002), Pierre-François (né en 1954). La famille fut, tout au long de sa vie, son port d’attache. Dès son mariage, Simone Veil se souvient des conseils de sa mère. « Faire des études pour pouvoir travailler et être indépendante financièrement. » Elle passe le concours de la magistrature et poursuit une brillante carrière de haut fonctionnaire. Elle devient en 1974 ministre de la Santé dans le gouvernement de Jacques Chirac, sous Valéry Giscard d’Estaing.
Simone Veil mettra aussi sa popularité au service de l’Europe. Elle sera notamment élue présidente du Parlement européen en 1979. Elle est ministre de la Santé dans le gouvernement d’Édouard Balladur de 1993 à 1995 puis siège au Conseil constitutionnel de 1998 à 2007.
« Vous offrez une image républicaine et morale »
En mars 2010, Simone Veil était entrée à l’Académie française, devenant ainsi immortelle. « La clé de votre popularité, il faut peut-être la chercher, en fin de compte, dans votre capacité à emporter l’adhésion des Français. Cette adhésion ne repose pas sur je ne sais quel consensus médiocre et boiteux entre les innombrables opinions qui ne cessent de diviser notre vieux pays. Elle repose sur des principes que vous affirmez, envers et contre tous, sans jamais hausser le ton, et qui finissent par convaincre. Disons-le sans affectation : au cœur de la vie politique, vous offrez une image républicaine et morale », avait alors déclaré Jean d’Ormesson lors du discours de réception. « Je considère votre parcours et je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l’histoire », ajoutait-il alors.
La même année, dans un sondage Ifop pour le JDD, réalisé à l’occasion du 100e anniversaire de la journée des droits de la femme, Simone Veil était désignée ‘femme préférée des Français’. « Il ne s’agit pas juste de popularité mais d’un témoignage de confiance qui me touche beaucoup. On me dit souvent que j’incarne la cause des femmes », réagissait-elle alors, appelant à avancer sur le chemin de l’égalité hommes-femmes.