D’anciens détenus palestiniens – critiques, activistes, opposants politiques – parlent de menaces et de passages à tabac, notamment d’être forcés de rester dans des positions douloureuses pendant des heures.

Un rapport sur les droits de l’homme publié mardi accuse à la fois l’Autorité palestinienne et le Hamas de procéder régulièrement à des arrestations injustifiées et à la torture systématique de dissidents présumés et d’opposants politiques, et de développer des « Etats de police parallèles » respectivement en Judée Samarie et dans la bande de Gaza.

Le rapport de Human Rights Watch de 149 pages, basé sur des entretiens avec 147 témoins, détaille une méthode courante d’abus et de torture connue sous le nom de shabeh – utilisée à la fois par l’Autorité palestinienne et le Hamas – dans laquelle les détenus sont placés dans des positions physiques pénibles pendant de longues périodes. De telles pratiques causent de la détresse et des traumatismes aux détenus, tout en laissant souvent “peu ou pas de traces sur le corps”, indique le rapport.

La fréquence de ces brutalités indique que « la torture est une politique gouvernementale à la fois de l’Autorité palestinienne et du Hamas », a déclaré HRW.

Les techniques de Shabeh consistent à forcer les détenus à s’accroupir, à étirer puissamment leurs bras au-dessus ou à l’arrière de ceux-ci et à les laisser debout ou assis sur une chaise à la taille d’un enfant pendant des heures.

Dans un exemple à Gaza, «un fonctionnaire de l’Autorité palestinienne, arrêté après qu’un ami l’ait étiqueté dans un message sur Facebook appelant à manifester contre la crise de l’électricité, a passé la plupart de ses jours au centre de détention de la sécurité intérieure à Gaza-Ville soumis à des abus de position… lui causant «de fortes douleurs dans les reins et la colonne vertébrale» et comme si son cou «se brisait» et que son «corps se déchirait à l’intérieur» », indique le rapport.

En Judée Samarie, un journaliste détenu avait les mains liées par une corde au plafond d’une salle de détention tandis que les policiers «tiraient lentement sur la corde pour exercer une pression sur ses bras, ce qui lui causait tellement de douleur qu’il devait demander à un officier de remonter son pantalon après avoir utilisé les toilettes car il ne pouvait pas le faire lui-même.

Selon le rapport, «les forces palestiniennes en Judée Samarie et à Gaza ont régulièrement recours aux menaces de violence, aux railleries, à l’isolement cellulaire et aux coups, notamment au fouet et à la flagellation des pieds des détenus, pour obtenir des aveux, punir et intimider les militants».

Le rapport, intitulé « Deux autorités, une voie, zéro dissidence », cite plus de 20 cas dans lesquels des militants ont été arrêtés pour avoir critiqué des articles de presse ou des publications sur les médias sociaux, ainsi que pour appartenance à certains groupes ou mouvements désapprouvés par les autorités. Le Hamas et l’Autorité palestinienne ont régulièrement maltraité leurs militants dans les territoires qu’ils contrôlent, a-t-il ajouté.

HRW a appelé les États-Unis, l’Union européenne et les autres puissances internationales à suspendre toute aide aux agences palestiniennes responsables de persécutions et d’abus – y compris les Forces de sécurité préventives de l’Autorité palestinienne, les Services de renseignements généraux et le Comité de sécurité mixte, ainsi que le Comité de sécurité intérieure dirigé par le Hamas – « Jusqu’à ce que les autorités mettent fin à ces pratiques et tiennent les auteurs d’abus responsables de leurs actes ».

Tom Porteous, directeur adjoint du programme chez HRW, a déclaré que «les appels lancés par des responsables palestiniens pour protéger les droits des Palestiniens sonnent creux lorsqu’ils écrasent leur dissidence».

L’Autorité palestinienne et le Hamas ont nié les accusations et les témoignages, affirmant que tous les cas d’abus étaient des «cas isolés» et que les responsables étaient punis. HRW a rejeté leurs revendications.

«Les arrestations arbitraires systématiques et la torture constituent une violation des principaux traités relatifs aux droits de l’homme auxquels la Palestine a récemment adhéré», a déclaré le groupe de défense des droits de l’homme, soulignant que «la pratique systématique de la torture par les autorités palestiniennes pourrait constituer un crime contre l’humanité passible de poursuites devant la Cour pénale internationale».