Cette idée donc se fait jour, qu’il appartient à l’homme de rétablir l’unité, de réincarner la vérité céleste, de combler la fissure naturelle, fissure qui est devenue naturelle par suite de ce que l’on peut appeler la faute, et que cette tentation du choix ne peut être dépassée que par la continuité d’un immense effort dans le temps.
Un temps hébreu qui lui est rédemption active. Bergson, que nous pensons être très juif en cela, disait que « le temps est jaillissement continu d’imprévisible nouveauté », que « le temps ne serait rien s’il n’était invention et création. »
La Contemplation et l’Action, ces deux échappées sur la vérité peuvent s’aliéner dans le mensonge dès lors qu’elles perdent leur unité et leur complémentarité essentielles. Elles sont les deux pôles de l’efficace humaine et cette efficace est brisée dès lors qu’un des pôles s’isole de l’autre.
Il ne suffit pas de dire le « Shema », de proclamer l’unité divine chaque jour; l’unité divine doit se vivre dans l’effort humain pour l’actualiser. La contemplation pure peut être narcissique ou abolir l’efficace dont nous sommes porteurs. L’action pure est souvent aveugle, affirmation de soi plus ou moins animale. La contemplation active et l’action éclairée sont la mise en œuvre de toutes les forces de l’homme vers la vérité.
Il appartient à Israël de rappeler à tous les peuples de la terre cette révélation humaine à laquelle ils participent tous. C’est pourquoi du reste dans cette fonction de rappel, Israël est si souvent mal accueilli, mal reconnu. Il est mémoire, il est rappel, mémoire de la contemplation dans l’action, et des nécessités de l’action dans la contemplation. Il est contemplatif dans l’action, actif dans la contemplation, car il est, même lorsqu’il a des défaillances, le signe vivant de l’unité. Sa conscience est sans cesse en éveil, et c’est pourquoi peut-être quelque chose, une force obscure, a porté nos sages à se poser cette question fondamentale, à laquelle l’accule le spectacle du monde. Le judaïsme, comme l’écrit Heschel, « est le souvenir de Dieu dans la forêt vierge de l’oubli ».
L’action qui enrichit le monde spirituel, de celui de l’homme individuel, de la famille, de l’état et des autres institutions sociales, comme celle qui accroît le monde des biens matériels, artistiques et techniques et les transforme pour le bien spirituel et matériel de l’homme, passent immédiatement par une action extérieure et même par des instruments matériels. Cependant tous ces biens sont radicalement des biens de l’esprit, parce que les uns et les autres s’enracinent dans la vérité et le bien qui les alimentent. Ils y puisent non seulement leur existence, leur raison d’être, mais aussi leur orientation, dans l’intériorité de la contemplation de l’intelligence et par la force créatrice de la volonté libre.