A lire et partager cette critique de 2007 de la révolution judiciaire israélienne par un expert juridique américain estimé

En 2007, The New Republic a publiĂ© un article de Richard A. Posner passant en revue  The Judge in a Democracy  par l’ancien juge en chef israĂ©lien Aharon Barak, qui avait dirigĂ© la rĂ©volution judiciaire que beaucoup en IsraĂ«l veulent maintenant faire marche arriĂšre.
Posner est l’un des juristes les plus influents des États-Unis et le juriste le plus citĂ© du XXe siĂšcle.
Cela vaut la peine de lire sa critique assez cinglante d’il y a 16 ans, car les problĂšmes auxquels se dĂ©battent IsraĂ«l sont les mĂȘmes que ceux que Barak a justifiĂ©s dans son livre.
Despote éclairé
Aharon Barak, un juge de longue date (par la suite juge en chef) de la Cour suprĂȘme d’IsraĂ«l, qui a rĂ©cemment atteint l’ñge de la retraite obligatoire, est un Ă©crivain prolifique, et c’est son livre le plus rĂ©cent. Il s’agit d’un document important, moins pour ses mĂ©rites intrinsĂšques que pour sa pertinence Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme la piĂšce A expliquant pourquoi les juges amĂ©ricains devraient ĂȘtre extrĂȘmement prudents lorsqu’ils citent des dĂ©cisions judiciaires Ă©trangĂšres. Barak est un juge de renommĂ©e mondiale qui a dominĂ© sa cour aussi complĂštement que John Marshall a dominĂ© notre Cour suprĂȘme. S’il y avait un prix Nobel de droit, Barak serait probablement l’un des premiers rĂ©cipiendaires. Mais bien qu’il soit familier avec le systĂšme juridique amĂ©ricain et qu’il se suppose en quelque sorte en phase avec les juges libĂ©raux amĂ©ricains, il habite en fait un univers juridique complĂštement diffĂ©rent – et, pour un AmĂ©ricain, Ă©trangement diffĂ©rent. Barak « établit un record mondial d’orgueil judiciaire « , il est passĂ© trĂšs prĂšs de la vĂ©ritĂ©.
Barak est John Marshall sans constitution Ă  exposer – ou Ă  « étendre », comme Barak a une fois citĂ© de maniĂšre rĂ©vĂ©latrice une phrase cĂ©lĂšbre de Marshall (« nous ne devons jamais oublier que c’est une constitution que nous exposons »). IsraĂ«l n’a pas de constitution. Il a des « lois fondamentales » adoptĂ©es par la Knesset, le parlement israĂ©lien, que Barak a assimilĂ©es Ă  une constitution en soutenant que la Knesset ne peut pas les abroger. C’est une idĂ©e Ă©tonnante : notre CongrĂšs pourrait-il adopter une loi autorisant chaque AmĂ©ricain Ă  porter une arme dissimulĂ©e, et la Cour suprĂȘme dĂ©clarer que la loi ne pourrait jamais ĂȘtre abrogĂ©e ? Et seulement un quart des membres de la Knesset ont votĂ© pour ces lois !
Ce que Barak a créé de toutes piĂšces Ă©tait un degrĂ© de pouvoir judiciaire insoupçonnĂ© mĂȘme par nos juges les plus agressifs de la Cour suprĂȘme.Il met Marshall, qui a fait moins avec plus, dans l’ombre. Parmi les rĂšgles de droit que les opinions judiciaires de Barak ont ​​contribuĂ© Ă  crĂ©er et qui n’ont pas d’équivalent dans le droit amĂ©ricain, il y a que les juges ne peuvent pas ĂȘtre rĂ©voquĂ©s par la lĂ©gislature, mais seulement par d’autres juges ; que tout citoyen peut demander Ă  un tribunal de bloquer une action illĂ©gale d’un fonctionnaire du gouvernement, mĂȘme si le citoyen n’est pas personnellement affectĂ© par celle-ci (ou n’a pas « qualitĂ© » pour poursuivre, au sens amĂ©ricain) ; que toute action gouvernementale « dĂ©raisonnable » est illĂ©gale (« en termes simples, l’exĂ©cutif doit agir raisonnablement, car un acte dĂ©raisonnable est un acte illĂ©gal »); qu’un tribunal peut interdire au gouvernement de nommer un fonctionnaire qui a commis un crime (mĂȘme s’il a Ă©tĂ© graciĂ©) ou qui est autrement contestĂ© sur le plan Ă©thique, et peut ordonner la destitution d’un ministre parce qu’il fait l’objet de poursuites pĂ©nales ; qu’au nom de la « dignitĂ© humaine », un tribunal peut contraindre le gouvernement Ă  rĂ©duire l’itinĂ©rance et la pauvretĂ© ; et qu’un tribunal peut annuler les ordres militaires, dĂ©cider « s’il faut empĂȘcher la libĂ©ration d’un terroriste dans le cadre d’un « accord global » apolitique » et ordonner au gouvernement de dĂ©placer le mur de sĂ©curitĂ© qui empĂȘche les kamikazes d’entrer en IsraĂ«l depuis la Cisjordanie .
Ce sont des pouvoirs qu’une nation pourrait accorder Ă  ses juges. Par exemple, de nombreux pays europĂ©ens et mĂȘme certains États des États-Unis autorisent une rĂ©vision constitutionnelle « abstraite », c’est-Ă -dire la dĂ©termination judiciaire de la constitutionnalitĂ© d’une loi sans attendre une poursuite par une personne rĂ©ellement lĂ©sĂ©e par la loi. Mais ce n’est qu’en IsraĂ«l (pour autant que je sache) que les juges s’attribuent le pouvoir de contrĂŽle abstrait, sans bĂ©nĂ©ficier d’une disposition constitutionnelle ou lĂ©gislative. On se souvient de NapolĂ©on prenant la couronne des mains du pape et la mettant sur sa propre tĂȘte.
Barak ne tente pas de dĂ©fendre sa pratique judiciaire en se rĂ©fĂ©rant Ă  des documents juridiques orthodoxes ; mĂȘme les « lois fondamentales » ne sont mentionnĂ©es qu’en passant. Sa mĂ©thode, dĂ©pourvue de toute rĂ©fĂ©rence incidente aux dispositions adoptĂ©es, peut sembler la mĂ©thode de la common law (le droit jurisprudentiel qui continue de dominer de nombreux domaines du droit anglo-amĂ©ricain, tels que les contrats et les dĂ©lits), sauf que les rĂšgles de common law sont assujetties Ă  la dĂ©rogation lĂ©gislative, et ses rĂšgles ne le sont pas. La signification de ce point semble lui Ă©chapper. Il tient pour acquis que les juges ont le pouvoir inhĂ©rent d’outrepasser les lois. Une telle approche peut justement ĂȘtre qualifiĂ©e d’usurpative.
Barak fonde sa conception de l’autoritĂ© judiciaire sur des principes abstraits qui entre ses mains sont des jeux de mots. L’abstraction principale est la «dĂ©mocratie». La dĂ©mocratie politique au sens moderne signifie un systĂšme de gouvernement dans lequel les principaux responsables se prĂ©sentent aux Ă©lections Ă  des intervalles relativement courts et sont donc responsables devant les citoyens. Un systĂšme judiciaire qui est libre d’annuler les dĂ©cisions de ces fonctionnaires restreint la dĂ©mocratie. Pour Barak, cependant, la dĂ©mocratie a une composante « substantielle », Ă  savoir un ensemble de droits (« droits de l’homme » ne se limitant pas aux droits politiques, tels que le droit de critiquer les fonctionnaires, qui soutiennent la dĂ©mocratie), appliquĂ©s par le pouvoir judiciaire, qui les ailes des Ă©lus. Ce n’est pas une justification pour un systĂšme judiciaire hyperactif, c’est simplement une dĂ©finition de celui-ci.
Un autre mot-valise dont Barak abuse est « interprĂ©tation », qui est pour lui Ă©loignĂ©e d’une recherche du sens voulu par les auteurs de la lĂ©gislation. Il dit que la tĂąche d’une lĂ©gislature en adoptant des lois est « de combler le fossĂ© entre le droit et la sociĂ©tĂ© », et que la tĂąche du juge dans l’interprĂ©tation d’une loi est de « s’assurer que la loi comble effectivement le fossĂ© entre le droit et la sociĂ©tĂ© ». . » C’est trĂšs Ă©trange – la loi n’est-elle pas la loi, plutĂŽt que l’intermĂ©diaire entre la loi et la sociĂ©tĂ© ? Ce qu’il semble vouloir dire, comme le suggĂšre en outre sa dĂ©claration selon laquelle « quiconque applique une loi applique l’ensemble du systĂšme juridique », c’est qu’une loi doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de maniĂšre Ă  ĂȘtre en harmonie avec l’esprit ou les valeurs du systĂšme juridique dans son ensemble, ce qui, en pratique, signifie avec le juge »
Cette comprĂ©hension de l’approche de Barak est en outre suggĂ©rĂ©e par sa dĂ©claration selon laquelle un juge, en plus de considĂ©rer la langue et le contexte et le but apparent d’une loi, devrait considĂ©rer son « but objectif 
 de rĂ©aliser les valeurs fondamentales de la dĂ©mocratie ». Cela ouvre un vaste domaine au jugement discrĂ©tionnaire (l’antithĂšse d’« objectif ») ; et lorsqu’un juge a le pouvoir discrĂ©tionnaire d’interprĂ©ter une loi, le «conseil de Barak est que 
 le juge doit aspirer Ă  obtenir justice». Ainsi, un rĂšglement autorisant la censure militaire des publications que le censeur « juge susceptibles de nuire Ă  la sĂ©curitĂ© de l’État, Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la paix publique » a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© par le tribunal de Barak comme signifiant « crĂ©erait une quasi-certitude d’atteinte grave Ă  la sĂ©curitĂ© de l’État, Ă  la sĂ©curitĂ© publique ,C’est donc le tribunal qui Ă©tablit la loi statutaire d’IsraĂ«l, en utilisant les statuts eux-mĂȘmes comme avant-projets que le tribunal est libre de réécrire.
Barak invoque la « sĂ©paration des pouvoirs » comme appui supplĂ©mentaire Ă  sa conception agressive du rĂŽle judiciaire. Ce qu’il entend par sĂ©paration des pouvoirs, c’est que les pouvoirs exĂ©cutif et lĂ©gislatif ne doivent exercer aucun contrĂŽle sur le pouvoir judiciaire. Ce que nous entendons par sĂ©paration des pouvoirs, en ce qui concerne l’autoritĂ© judiciaire, c’est que quelque chose appelĂ© le pouvoir judiciaire des États-Unis a Ă©tĂ© confiĂ© au pouvoir judiciaire. Cela ne signifie pas que la branche est indĂ©pendante des autres branches. Si chacun des pouvoirs (exĂ©cutif, lĂ©gislatif et judiciaire) Ă©tait administrĂ© par une branche totalement indĂ©pendante et pouvant ainsi ignorer les autres, le rĂ©sultat serait le chaos.Les branches doivent ĂȘtre mutuellement dĂ©pendantes, afin de forcer la coopĂ©ration. Ainsi, la « sĂ©paration des pouvoirs » implique des « contrĂŽles et contrepoids », et le pouvoir judiciaire doit ĂȘtre contrĂŽlĂ© par les autres pouvoirs, et pas seulement faire le contrĂŽle. Ainsi, plutĂŽt que notre systĂšme judiciaire ne soit une oligarchie auto-entretenue, le prĂ©sident nomme et le SĂ©nat confirme (ou rejette) les juges fĂ©dĂ©raux, et le CongrĂšs fixe leurs salaires, rĂ©glemente la juridiction d’appel de la Cour suprĂȘme, dĂ©cide de crĂ©er ou non d’autres tribunaux fĂ©dĂ©raux, dĂ©termine la budget de la justice fĂ©dĂ©rale et peut rĂ©voquer des juges par le biais de la procĂ©dure de destitution. De plus, le pouvoir judiciaire des États-Unis ne peut ĂȘtre exercĂ© que dans des poursuites intentĂ©es par des personnes qui ont qualitĂ© pour poursuivre en ce sens qu’elles ont un grief tangible auquel le tribunal peut remĂ©dier. Et parce que le pouvoir judiciaire n’est pas le seul pouvoir fĂ©dĂ©ral – il existe Ă©galement des pouvoirs exĂ©cutifs et lĂ©gislatifs de dignitĂ© constitutionnelle – le pouvoir judiciaire ne peut pas dire au prĂ©sident qui nommer Ă  son cabinet.
Dans la conception de Barak de la sĂ©paration des pouvoirs, le pouvoir judiciaire est illimitĂ© et la lĂ©gislature ne peut pas rĂ©voquer les juges. (Et en IsraĂ«l, les juges participent Ă  la sĂ©lection des juges.) Munis d’abstractions telles que « dĂ©mocratie », « interprĂ©tation », « sĂ©paration des pouvoirs », « objectivitĂ© », « caractĂšre raisonnable » (c’est « le concept de caractĂšre raisonnable » qui Barak aurait l’habitude de statuer sur le « package deal » pour la libĂ©ration du terroriste), et bien sĂ»r la « justice » (« J’essaie d’ĂȘtre guidĂ© par mon Ă©toile polaire, qui est la justice. J’essaie de faire converger le droit et la justice, afin que la justice rende justice »), un juge est une loi en soi.
Rien de tout cela ne signifie que la rĂ©forme judiciaire poussĂ©e par le gouvernement israĂ©lien est la bonne rĂ©ponse, mais en mĂȘme temps, personne ne peut affirmer que le statu quo qui donne un pouvoir illimitĂ© au systĂšme judiciaire israĂ©lien non Ă©lu n’a pas sĂ©rieusement besoin d’ĂȘtre rĂ©formĂ©.

RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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