Rina Dee est un cliché.
Vous savez on dit toujours des victimes du terrorisme, « elle était si différente » ou « c’était une personne tellement incroyable, quelle perte terrible »
Rina Dee *était* si différente.
Rina *était* une personne tellement incroyable.
Rina, qui était l’une des meilleures amies de ma fille Hila, était une personne incroyable, mure, responsable, attentionnée et surtout GENTILLE.
 Le genre d’amie qui, en tant que parent, vous sécurise et vous tranquillise à l’intérieur, sachant que votre enfant est amie avec quelqu’un comme elle.  Parce que – pardonnez encore un autre cliché – vous savez qu’elle sera toujours là pour votre enfant.  Qu’elle sera toujours là pour l’écouter, être la voix de la raison, lui remonter le moral lorsqu’il traverse une période difficile.
Le genre d’amie avec qui, en tant que parent, vous vous sentez reconnaissante quand elle frappe à la porte, parce que c’est le genre de personne avec qui votre enfant passe son temps.
La première fois que Rina est venue chez nous, c’était il y a des années, avant qu’elle ne soit de bonnes amies.  Hila était victime d’harcèlement à l’école, l’une des filles meneuse de la classe lui a déclaré un « cherem » (pacte que personne ne doit être ami avec elle) – et c’est pourquoi Rina est venue.  Parce qu’elle ne supportait pas le harcèlement.
Rina était responsable, la plus fiable, la plus organisée.  Hila avait prévu de la rencontrer dans le nord ce lundi, après-demain.  Elle m’a dit aujourd’hui « ce n’est pas vrai. Cela ne peut pas être réel. Nous avons prévu de nous voir lundi. Si Rina dit qu’elle me rencontrera quelque part, elle se sera là, toujours, juste à l’heure. Vous pouvez toujours compter sur elle. Parce que  c’est Rina. »
Je n’arrive toujours pas à comprendre qu’elle est partie et que la lumière douce, chaleureuse et inébranlable dans la vie de ma fille est partie. Qu’elle ne laissera plus de longs messages Whatsapp parlant de tout et de rien sur son téléphone. Qu’elles ne remonteront plus jamais dans le nord ensemble. Qu’elle ne sera pas l’amie avec qui Hila voyagera dans quelques années, car vous savez qu’elle est responsable et qu’avec elle, elles seront organisées et en sécurité.
Je tremble devant la profondeur de la perte que subit la famille Dee – perdre Rina et sa sœur en même temps.  Et priant pour sa belle et adorable mère Lucy, לאה בת ציפורה qui est toujours dans un état critique (elle est décédée apres la rédaction de cette lettre).
Et je ne peux pas comprendre.  Je ne peux pas commencer à comprendre comment ces belles âmes nous sont arrachées, une par une – ou deux par deux, deux frères, deux frères de plus, et maintenant deux sœurs – assassinées par des bêtes violentes à forme humaine.  Perte après perte.  Tragédie brutale après tragédie brutale, laissant des trous géants dans le tissu même de notre être.
Allons-nous faire comme si de rien n’était ?  Car comment pouvons-nous?
Arrêtons-nous et pleurons-nous chaque perte ?  Car comment faire cela, comment se laisser tomber dans le gouffre de chaque tragédie, sans sombrer dans le désespoir le plus total ?
Hila m’a raconté une conversation d’adolescente israélienne effroyablement typique qu’elle a eue avec Rina et une autre amie il y a quelques mois.  Cela peut sembler fou pour les étrangers, mais en tant qu’adolescente pendant la Seconde Intifada, je me souviens très bien d’avoir eu ce genre de conversations avec des amis. Elles discutaient d’aller ou non en ville avec toutes les attaques terroristes en cours, et ont décidées d’y aller.
 « Si je me fais tuer », leur a dit Rina, « Assurez-vous qu’ils utilisent une bonne photo de moi. Ils utilisent toujours des photos moche pour les victimes du terrorisme. »
Et hier après-midi, après avoir appris la nouvelle, après avoir crié et pleuré et appelé ses amis pour crier et pleurer avec eux, lorsqu’elle était allongée sur le canapé en tremblant, Hila a commencé à faire défiler son téléphone, à travers les quelque 4000 photos qu’elle a avec Rina, parce que Rina a toujours pris des photos à chaque fois qu’elles sortait ensemble, parce qu’elle a dit que dans quelques années, ce serait amusant de regarder tous les souvenirs.  Et Hila a commencé à mettre toutes les bonnes de côté, pour s’assurer qu’ils posteraient une bonne photo d’elle, et a pleuré parce qu’elle ne savait pas si c’était bien de les envoyer.
Nous avons donc été soulagés quand ils ont finalement envoyé l’annonce officielle du meurtre d’elle et de sa sœur Maya, et ils ont utilisés une bonne photo d’elle.
Mais elle n »était pas assez bonne. Parce qu’aucune photo ne pouvait capturer à quel point Rina était une personne belle, belle, belle.
Traduit de l’anglais de la mère d’une amie de Rina par Yoram Halberstam – lien original en fin de poste**
 ארץ אל תכסי דמן
(Sara Daniel)