« De grâce, Seigneur! Qu’on lui donne l’enfant vivant, qu’on ne le fasse pas mourir. » (Rois1-2,26). Une célèbre requête, formulée durant l’épisode du Jugement de Salomon, qui demeure tout aussi probante dans le cadre national du peuple Hébreu.
Selon le Rav Kook, premier Grand-Rabbin d’un Israël ressuscitant sur son propre terroir, celui-ci apparaîtrait comme le tendre chérubin de son Père Créateur.
Dès le milieu du dix-neuvième siècle, les Juifs de diaspora se divisèrent et s’abimèrent un peu plus lorsqu’ils se définirent, pour certains, de stricte observance et pour d’autres, d’un strict sécularisme.
En 1868, au cœur de l’empire austro-hongrois, se réunit une Assemblée constitutive du Judaïsme hongrois. La toute nouvelle émancipation faisait des ravages au sein de l’antique communauté, c’est un Judaïsme libéral et reformé qui risquait de laminer, par ses décrets, les Juifs restés fidèles à la religion. En conséquence, ces derniers convinrent de créer une organisation distincte et autonome, ces «dissidents» estimaient très certainement leurs coreligionnaires galvaudés, mais dépités et n’ayant aucune autre issue, ils considérèrent la scission comme une nécessité. Lorsque la maladie se répand et détruit peu à peu membres ou organes, la chirurgie s’impose sans l’ombre d’un doute.
En 1876, à Francfort-sur-le-Main, le célèbre Rav Shimshon Raphaël Hirsch trancha de la même manière et ordonna la sécession tout en affirmant la prépondérance religieuse de sa congrégation. Faire partie de la petite communauté orthodoxe qu’il venait de créer de toutes pièces devenait donc indispensable à ses yeux. Pourtant, cette attitude ne plaira guère à tous, nombre de Sages refuseront d’y participer.
Une haute et éminente autorité de la Loi Juive, le Rav Yitzhak Dov Bamberger de Wurtzbourg, récusa une quelconque adhésion à toute politique séparatiste à l’intérieur de la communauté. Il réclama haut et fort l’engagement de chacun à rester au sein de la grande communauté, composée tout autant de gens pieux que de personnes mécréantes.
La position du Rav Naftali Tsvi Yéhoudah Berlin fut identique, pour lui tout organisme morcelé incarne cruellement les chairs lacérées de la nation. Cette image rappelle une explication du Rav Kook en rapport au dilemme : est-il préférable de provoquer un schisme parmi les enfants d’Israël, en départageant radicalement les Juifs pieux des non-religieux entêtés, ou bien privilégier la sérénité intime, envers et contre toutes autres déférences? Selon lui, ces deux tendances sont tout à fait comparables à nos deux belligérantes qui manifestèrent à l’audience royale de Salomon. Pour instruire quelle était la véritable génitrice, le souverain conçut, dans sa sagesse, l’épreuve du sabre : «Apportez-moi un sabre… Coupez en deux l’enfant vivant et donnez une moitié à l’une de ces femmes, et l’autre moitié à la seconde.» (Rois 1, 24-25).
La mère corrompue criera : « Coupez ! » Exprimant toute la tragédie de sa souffrance, elle révèle dans un même souffle une forte propension à l’annihilation : « Ni toi, ni moi ne l’aurons, coupez ! » (26) Alors que la vraie mère, instinctivement indulgente, s’écriera: « Qu’on lui donne l’enfant vivant, qu’on ne le fasse pas mourir ! » (27)
«Les dommages spirituels provoqués par une telle division, à l’échelle du peuple juif, sont énormes », avertit le Rav Kook. Toutefois, il se hâte de compléter son propos : «ce fractionnement, tel que l’évoquent les impitoyables chirurgiens voulant défigurer le Peuple juif, est irréalisable et n’aura jamais lieu» (Oroth, Les Lumières de la renaissance Ch. 20).
Un enfant découpé est un enfant mort. Une nation divisée est pareillement en danger de mort. Nous souffrons du prix de la scission, des guerres civiles, du schisme du royaume d’Israël, tous nous ont menés vers la destruction de nos royaumes, et vers un exil dramatique.
Aujourd’hui, nous vivons passionnés par l’espoir d’harmonie, et nous réalisons ô combien de patiences et de tolérances restent nécessaires pour générer un tel bonheur.
Malgré tous les débats qui partagent l’opinion, nous trouverons les solutions sans nul besoin de diviser.
Nous nous souviendrons à jamais que notre dénominateur commun à tous est considérablement plus substantiel que ce qui nous partage.
Nous repousserons avec assurance toutes tentatives extrémistes, d’où qu’elles viennent, tous penchants au séparatisme.
Le chérubin ne sera jamais découpé, il vivra éternellement.
Par Rony Akrich pour Alyaexpress-News