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Etymologiquement l’éducation se traduit en latin par : educare, « nourrir », dans une seconde acception par educere, « conduire hors de ». Mais pour qu’il ne s’agisse pas simplement d’une reproduction qui vise à inculquer un contenu, il faut encore que cette nourriture permette à l’être humain de grandir de manière libre et créatrice dans sa dimension spirituelle. Il ne s’agit pas de faire de la génération nouvelle l’avorton tardif d’un passé glorieux qu’elle devrait répéter religieusement. C’est la vie qu’il convient de nourrir avec soin pour lui permettre de grandir, comme l’arbre doit être nourri à sa racine qui, dès la jeune pousse, deviendra le tronc majestueux. D’ailleurs, de manière ironique, educere pointe dans cette direction. Conduire « hors du monde », sortir de l’ornière, hors d’un monde qui n’est que répétition du passé sans recréation du présent.

L’éducation doit s’entendre comme un chemin, une aventure, une conquête qui est d’abord celle de soi-même. C’est ce que nous oublions toujours au profit de la seule formation et de l’information, de sorte qu’à force de former et d’informer nous finissons par déformer et nous empêchons la maturation de l’être humain. On comparait le travail de l’éducateur à celui du jardinier qui sait entourer de soins la jeune plante, qui lui apporte la nourriture, les éléments qui lui permettent de grandir. Mais ce n’est pas le jardinier qui « crée » pour autant la plante développée ; de la même manière, le médecin ne crée par la santé. Le médecin aide le corps à se guérir lui-même, l’éducateur aide un être humain à se construire lui-même. C’est la vie qui se construit elle-même, mais, comme elle est dans l’enfance fragile, il est bon d’apporter un environnement favorable à sa croissance. Et ce n’est pas par hasard si le même mot « culture » se retrouve dans le domaine éducatif ou dans le domaine de « l’agriculture ». Il y a des similitudes et un prolongement.

Pour agir profondément sur le cœur de l’homme, il faut toujours utiliser la parole. Or il existe une voie spécifique susceptible d’influencer chaque cœur en particulier: parfois il faut savoir parler au cœur des hommes avec dureté, et parfois avec douceur.

L’essence de la stabilité de toute communauté humaine, et donc d’une nation, repose avant tout sur la parole. Le Rav Kook écrit à ce propos qu’il ne faut pas utiliser la violence même envers un « rocher muet ». En fait, le profond secret de l’épisode de la frappe du rocher nous révèle selon lui que Moïse – le cerveau le plus géant de l’humanité, l’âme la plus limpide qui ait jamais existé – a cependant fléchi, l’espace d’un instant, en voulant mettre en valeur une tendance quelque peu « individualiste ». Et cette pulsion, si infime fut-elle, au cœur de la personnalité du plus grand des prophètes, l’a amené à frapper le rocher au lieu de lui parler. Cette apparition de l’individualisme a en même temps neutralisé sa parole et entraîné un acte de violence muet.

La Parole est l’expression vivante de la conscience qui donne une âme au langage. L’intention de signification qui donne naissance au cours de la Parole n’a pas son origine dans le langage, et elle déborde aussi de beaucoup la seule élocution verbale. Je signifie avec la parole, comme je signifie par ma posture, mon regard, avec tout mon corps. Autrui se signifie avec la moindre de ses attitudes corporelles, le moindre de ses regards. Non seulement cela, mais chacun d’entre nous se signifie autant consciemment que nous pouvons aussi nous signifier inconsciemment, l’être humain par sa seule existence s’exprime à la fois dans le champ verbal et non-verbal. L’expression humaine est comme une gestuelle, une danse qui emporte avec elle son sens. « La parole est un véritable geste, et elle contient son sens comme le geste contient le sien ».

Si nous communiquons les uns avec les autres, c’est que nos paroles ne sont pas de simples mots. Ce qui est reçu par autrui, ce ne sont pas des mots, c’est une signification dans une totalité que forment le mot et son sens. Mais cette totalité n’est pas seulement celle du signifiant et du signifié, elle a sa provenance originelle dans la totalité de soi donnée à même l’expression. Le mot peut-être répété et enregistré par un magnétophone comme un simple son. Mais le magnétophone ne comprend pas. Il n’appréhende pas la signification, il n’est pas sensible au sens, à la vibration d’une voix, à sa chaleur et à ce qu’exprime une présence à travers les mots. Il faut une intelligence pour constituer le signe et lui donner un sens, il faut une conscience sensible pour appréhender une présence. C’est la présence qui est intelligente et qui se communique dans les mots.

Par Rony Ackrich pour Alyaexpress-News