Jeudi dernier, les avocats de la société organisatrice du salon d’armes d’Eurosatory ont comparu devant le tribunal de la ville de Bobigny et ont tenté d’utiliser toutes les raisons juridiques pour empêcher la décision qui a provoqué un tollé en Israël ce dernier jour . La discussion a porté sur une pétition d’un groupe d’organisations non gouvernementales juridiques pro-palestiniennes et d’organisations luttant contre le commerce des armes, qui exigeaient non seulement d’empêcher les entreprises israéliennes d’exposer à l’exposition – une « bombe politique » annoncée par le gouvernement français le 31 mai – mais aussi d’ empêcher tout Israélien ou même un représentant lié aux industries de défense israéliennes d’accéder à l’exposition, qui commence lundi.

La discussion de ce jeudi était la phase de discussion de la pétition présentée par le groupe de ces organisations dix jours auparavant. Le raisonnement juridique des pétitionnaires était basé sur l’annonce officielle du ministère français de la Défense, qui liait l’interdiction imposée à Israël à son opération militaire à Rafah et, implicitement, à la crainte d’être impliqué dans des crimes de guerre. Puisque l’action est en cours et que des crimes de guerre, voire un génocide, sont suspectés, ont-ils soutenu, l’interdiction gouvernementale doit être interprétée de manière large, et la société Coges responsable de l’organisation de l’exposition ne le ferait pas si elle permettait aux représentants israéliens d’entrer dans l’exposition, même sans exposer.

Les avocats de Coges, selon les médias français, ont énuméré une série de demandes reconventionnelles. Tout d’abord, ils estiment que le tribunal de Bobigny n’a pas compétence pour statuer sur cette question, le siège social et le siège social de la société étant situés dans le 17e arrondissement de Paris. La société organisatrice est une filiale du groupement français des industries de défense Gicat. En outre, ils ont affirmé que l’entreprise avait suivi les instructions du ministère français de la Défense et que, conformément à son ordre, « nous avons dû annuler les stands et les expositions de 60 entreprises (israéliennes, AA) ». Le jury, selon les informations,  a tenté de mener une discussion approfondie et sérieuse et a demandé à l’un des membres de l’auditoire de couvrir la chemise « Boycott d’Israël » qu’elle portait.

« Interdire l’entrée aux Israéliens serait discriminatoire »

L’argument principal était qu’une politique d’interdiction d’entrée constituerait une discrimination à l’égard des Israéliens. « Interdire l’entrée aux Israéliens serait discriminatoire », a déclaré l’une des avocates, Bernice de Warenne, selon un article du « Parisien ». Elle a évoqué l’embargo sur les armes contre l’Iran, affirmant au tribunal que l’exposition n’avait jamais refusé d’admettre des représentants iraniens. En outre, elle a déclaré que l’exposition elle-même n’est pas le lieu où les ventes d’armes sont signées ou même négociées. « Nous n’avons rien à nous reprocher, nous ne participons pas à la vente, mais seulement à la présentation des produits », a-t-elle souligné.

D’autre part, deux avocats ont affirmé que les sociétés israéliennes envisageaient de contourner l’interdiction annoncée en visitant et en participant aux stands d’autres sociétés, en tant que représentants de filiales non israéliennes (mais détenues en partie par des sociétés israéliennes) ou même en tant que représentants non israéliens d’entreprises liées à Israël. En fait, la coalition juridique pro-palestinienne a déposé une pétition avant même la décision française, exigeant d’empêcher l’entrée de toute entité israélienne liée aux industries de défense. L’annonce française du 31 mai lui est tombée entre les mains comme un fruit mûr, et elle s’est empressée de préciser qu’elle lancerait une pétition pour tenter de l’élargir le plus possible.

Il s’agit entre autres des organisations pro-palestiniennes ASER, « Al-Haq », « Union de solidarité avec la Palestine – AFPS », « Avocats pour la paix », « Arrêtez d’armer Israël » et bien d’autres encore. Leurs représentants ont évoqué les audiences de la Cour internationale de Justice à La Haye, la demande de mandats d’arrêt contre le Premier ministre et le ministre de la Défense par le procureur général de la Cour pénale internationale, l’annonce du ministère français de la Défense et la plainte qu' »au moins sept entreprises israéliennes envisagent de participer à Eurosatory grâce à des subventions ». « Il existe une réelle crainte d’être impliqué dans des crimes de guerre », si le tribunal l’autorise, affirment les pétitionnaires. L’audience a débuté à 09h30 du matin (heure française), la décision a été annoncée dans l’après-midi.

Une discrimination d’image qui mène les relations Israël-France au plus bas

Le jury a accepté les affirmations des pétitionnaires et a complètement rejeté les arguments de l’avocat de Coges, selon les médias français et les propres annonces des pétitionnaires, célébrant leur victoire. En outre, les juges ont également déterminé que de grands panneaux seraient placés à l’entrée de l’exposition sur lesquels il serait officiellement et clairement indiqué qu’il est interdit aux entreprises, représentants ou intermédiaires israéliens d’y entrer. Hier, la société organisatrice a envoyé des messages aux Israéliens et aux représentants des entreprises israéliennes déclarant qu’elle ne pouvait pas garantir leur entrée lundi. Elle a promis de « faire appel au plus vite », mais l’exposition ouvrira déjà dans les conditions existantes. De toute façon, le mal est déjà fait.

Israël a ainsi subi une discrimination d’image, ce qui a conduit les relations israélo-françaises à un point bas. La décision politique d’interdire la participation israélienne, qui a maintenant été prolongée par le tribunal, se traduit par le fait qu’Israël devient un État assigné dans le domaine commercial des affaires de sécurité aux yeux de la France. La distance jusqu’aux sanctions commerciales n’est pas aussi grande qu’on l’avait estimé précédemment. Contrairement à la situation aux Pays-Bas, par exemple, où le gouvernement s’est opposé à la pétition visant à interdire l’exportation de pièces de F-35 vers Israël, mais a été victime de discrimination devant les tribunaux (un appel est toujours en cours), en France, c’est le la décision du gouvernement elle-même qui a été utilisée comme justification des réalisations anti-israéliennes. La bataille juridique contre Israël devant les tribunaux européens est en train de devenir un front où Israël subit discrimination après discrimination.