Le Judaïsme considère avec un intérêt non négligeable l’ensemble des sujets existentiels, matériels et moraux vécus par l’Humanité.
Le Judaïsme demeure terrifié face au jusqu’au-boutisme des idées et s’évertue à vouloir offrir à la vie une réalité harmonieuse, sans trop, ni trop peu. Toujours en quête d’un monde où le temps et la mesure se conjuguent selon les commandements et le système des valeurs de la Torah.
Prenons le cas du ‘nazir’ qui se prohibe aux fruits de la vigne et autres délices bienfaisants durant ses vœux d’abstinence. Ce n’est certainement pas un hasard si la Torah requiert, à la fin de son serment, l’apport d’un sacrifice d’expiation et autres obligations. La Loi ne prône pas l’ascèse comme mode d’existence, elle tente de parvenir au bon équilibre de la vie entre un hédonisme d’une part et une attitude ascétique d’autre part.
La Torah reste consciente qu’il n’est guère aisé de parvenir à une telle stabilité de tout temps et par conséquent, il faudra non seulement s’adapter aux circonstances, mais aussi à la nature de la société et du temps. Confronté aux générations qui se dégénèrent, on peut être tenté par l’ascétisme et, ainsi, pouvoir se justifier de sa bonne foi. Un seul bémol, la Torah ne considère nullement cela comme un idéal pour la nation hébraïque.
Au Moyen Age, l’ermite était devenu un modèle parmi la curie catholique et, dans une certaine mesure, parmi les masses populaires. L’utilisation de la douleur et des privations exprimaient la foi normative de la religion béate.
Malgré les ordonnances talmudiques concernant les jours de jeûne, il n’y avait là aucune référence à une quelconque forme de mortifications. Le corps doit être traité avec respect et délicatesse, et ne jamais pouvoir être abusé. Néanmoins, et sûrement en raison des influences du moment, nous rencontrons à cette époque des piétistes juifs prescrivant des comportements ascétiques. Certains affirment alors que cela contribue au pardon des péchés commis, et ils seront d’ailleurs souvent soutenus par la pensée kabbalistique. Malgré tout, ces manières ne seront jamais totalement admises dans le monde juif et l’esprit sain reprendra très vite le dessus, bien que…
Autre temps, autre épopée, voici qu’apparaissent des faux messies aux tendances rigoristes et parfois mystérieusement corrompus à la débauche et à une sauvage insouciance.
Plus tard, les adeptes, ultras, du mouvement ‘Moraliste’ s’exhorteront également, au sein individuel et communautaire, à une forme d’ascèse, mais là aussi les proportions restèrent très limitées. La frontière entre la modération dans le comportement et l’austérité est parfois difficile à trouver, mais il demeure omniprésent dans les rangs du peuple juif.
En clair, la recherche d’une abstinence pure et dure n’a jamais trouvé ses lettres de noblesse parmi le peuple d’Israël, car sans aucune équivalence avec les valeurs juives et une manière Toranique de vivre sa vie.
Toutefois, dans une époque comme la nôtre où la règle d’or est devenue la permissivité absolue, une portion congrue et bien dosée de retenue paraît être la meilleure des recettes pour un bienheureux vécu, bon pour une vie de Torah équilibrée.
La Torah encourage l’esthétisme. La beauté, l’harmonie et la propreté font partie du quotidien des Hébreux. Nous reconnaissons la magnificence de la Création tout autour de nous, et cela conforte notre intime conviction de gratitude envers le Créateur de l’Univers.
De superbes édifices jalonnent notre Histoire, les arts, sous toutes leurs formes, occupent une place prépondérante, les questions environnementales restent une préoccupation fondamentalement juive.
Nous pouvons affirmer, sans l’ombre d’un doute, que notre sentiment à l’égard des qualités esthétiques de la vie participe pleinement à l’inspiration de notre foi qui au demeurant reste le fondement de la vie juive.
Durant les longues années de sècheresse nationale, perdu dans les méandres de l’exil, notre rapport à l’esthétisme fut pratiquement insignifiant. Les causes en furent nombreuses: la perte de notre pays,la pauvreté, les persécutions et notre dispersion parmi les sociétés d’accueil et surtout de cercueils.
Les «gentils» ne supportaient aucunement l’expression artistique des Juifs, ces derniers se singularisaient par une propension obligée à l’affreux et au repoussant. La pauvreté des masses juives n’arrangea rien, elle contribua à leur déchéance et détruisit le sens de leur appréciation des normes esthétiques et de l’art créatif.
Au début du XXème siècle, et surtout depuis la renaissance de l’identité collective d’Israël, le sujet a considérablement évolué, nous sommes confrontés à un regain d’intérêt, une recherche et une créativité sans borne dans le monde juif et israélien.
Concluons avec les propos rapportés par le Pr. Yossef ben Shlomo dans son «Introduction à la pensée du Rav Kook» : «La création artistique – la littérature, la peinture et la sculpture – met en mouvement toutes les idées spirituelles enracinées dans la profondeur de l’âme humaine. Et tant qu’une seule aspiration reste encore cachée au fond de l’âme, tant qu’elle ne s’est pas encore exprimée concrètement, l’art doit tout mettre en œuvre pour la porter au jour».
Par Rony Akrich pour Alyaexpress-News