À New York, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a surpris en déclarant que l’offensive israélienne à Gaza a « dépassé les limites » et en annonçant le soutien de Rome à « certaines » sanctions européennes contre Israël. La volte-face, perçue comme une capitulation devant la rue et la pression diplomatique, ravive une querelle fondamentale : peut-on reprocher à l’État d’Israël d’avoir voulu répondre à la pire série d’attentats de son histoire par une action visant à neutraliser une organisation terroriste qui se sert de civils comme boucliers ?
Giorgia Meloni a pris la parole à l’Assemblée générale de l’ONU en des termes qui marquent une rupture par rapport à sa posture antérieure — elle a affirmé que la campagne israélienne « a impliqué de manière disproportionnée la population civile palestinienne » et que Rome soutiendrait « certaines des sanctions proposées par la Commission européenne ». (Eunews) Ce geste s’inscrit dans un moment de forte pression populaire : des manifestations massives pro-palestiniennes ont secoué l’Italie ces derniers jours, parfois émaillées d’affrontements avec la police. (ABC)
Sur le fond, la formule de « disproportion » renvoie à un concept juridique et politique lourd de sens. Le droit international humanitaire encadre la conduite des hostilités — principe de distinction, nécessité militaire et proportionnalité — mais il suppose une lecture concrète des faits : qui a déclenché le conflit, quelles sont les cibles légitimes, comment protéger les civils quand l’adversaire opère depuis des zones densément peuplées et utilise délibérément des infrastructures civiles pour ses opérations ? Rappeler la règle n’équivaut pas toujours à tracer une ligne morale claire lorsque l’agresseur est une organisation qui a perpétré des massacres, kidnappé des civils et proclamé la guerre totale.
La décision de Rome a un coût politique interne et externe. À l’intérieur, Meloni tente d’équilibrer une opinion publique déchirée : la contestation de la rue réclame une ligne dure contre Israël, tandis qu’un électorat conservateur et pro-occidental reste attaché au soutien à l’État juif. À l’étranger, Paris et plusieurs capitales européennes poussent à des gestes symboliques — reconnaissances, pressions diplomatiques, voire sanctions ciblées — tandis que Washington et Jérusalem mettent en garde contre des mesures qui affaibliraient la capacité d’Israël à neutraliser le Hamas et à garantir la sécurité de ses citoyens. Rome a d’ailleurs posé une condition politique à toute reconnaissance rapide d’un État palestinien, en liant l’acte à la libération des otages et à l’exclusion du Hamas du jeu politique — position officielle rendue publique la semaine dernière. (Reuters)
Pour les défenseurs d’Israël, la déclaration de Meloni apparaît comme une incompréhension de la séquence causale : la violence ignoble du 7 octobre — qui a frappé civils, femmes et enfants, et pris en otage des innocents — a imposé une réponse militaire déterminée. Interpréter cette riposte comme une « disproportion » sans rappeler le contexte initial, est pour eux une lecture partiale, voire dangereuse, susceptible d’encourager l’impunité des groupes terroristes qui exploitent la compassion internationale pour alimenter leur récit victimaire. Plusieurs commentateurs pro-israéliens voient dans le geste de Rome une capitulation aux manifestations et aux pressions européennes, plus qu’une évaluation juridique neutre. (blogs.timesofisrael.com)
La dimension stratégique est aussi lourde : si des États membres de l’Union européenne adoptent des sanctions ciblées, le précédent créé fragilisera la solidarité politique occidentale face aux menaces régionales — et pourrait légitimer demain des pressions similaires contre d’autres démocraties en situation de défense face au terrorisme. Les soutiens d’Israël mettent en garde contre une instrumentalisation de la rhétorique humanitaire pour exercer un chantage politique.
Reste que la position de Meloni expose un dilemme réel pour les démocraties : comment concilier empathie pour les victimes civiles palestiniennes et ferme soutien au droit d’un État à se défendre ? La réponse ne sera pas purement rhétorique. Elle exigera des gestes concrets pour protéger les civils — corridors humanitaires, facilitation de l’aide, contrôles sur l’emploi des armes — tout en maintenant la détermination à démanteler les capacités terroristes qui ont plongé la région dans l’horreur.
En fin de compte, la crise diplomatique provoquée par les mots de Meloni rappelle une vérité simple et inconfortable : les grandes décisions de politique étrangère se prennent à l’intersection du droit, de la morale et de la géopolitique. Rome a choisi, hier, de pencher la balance vers la retenue critique. Israël et ses alliés jugeront bientôt si ce choix est un revers passager dicté par la pression de la rue ou le signe d’un basculement européen plus profond.
(Eunews)
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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