Deux ans jour pour jour après le massacre du 7 octobre, de nouvelles révélations publiées par le journal panarabe Asharq Al-Awsat lèvent le voile sur les dissensions internes qui ont précédé l’attaque terroriste contre Israël. Selon des sources proches du Hamas, du Hezbollah et d’autres factions du « camp de la résistance », l’idée d’une offensive coordonnée contre Israël a mûri dès 2021 — mais Téhéran aurait initialement rejeté le plan, jugeant qu’il risquait de déclencher une guerre régionale incontrôlable.
Le rapport, fondé sur des entretiens avec des responsables palestiniens et arabes, retrace les origines du projet. Après l’opération israélienne Gardien des Murailles (Shomer HaHomot) en mai 2021, les dirigeants du Hamas et du Hezbollah avaient conclu que « les forces armées palestiniennes, libanaises, irakiennes et syriennes pouvaient simultanément pénétrer en Israël depuis Gaza, le Liban et la Syrie », avec l’objectif de « s’emparer de villes majeures — Haïfa, Tel-Aviv, Ashkelon et Jérusalem — et d’imposer un retrait israélien complet de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ».
Ces discussions, rapportées par le quotidien saoudien, prévoyaient un scénario d’une ampleur apocalyptique. Des officiers du Hezbollah auraient même dressé la liste des cibles prioritaires : les douze centrales électriques et usines de dessalement d’eau d’Israël, l’aéroport Ben-Gourion, les ports de Haïfa, Ashdod et Eilat, ainsi que les bâtiments du gouvernement à Jérusalem. « Israël ne prendrait pas le risque de bombarder massivement Gaza ou Beyrouth, craignant de plonger le pays dans le noir total », aurait affirmé un commandant du Hezbollah cité par le journal.
Mais tous ne partageaient pas cet optimisme. Selon Asharq Al-Awsat, les responsables iraniens, prudents, auraient exprimé de fortes réserves : « Une attaque d’une telle ampleur devait être coordonnée et approuvée par l’ensemble des partis de l’axe de la résistance. » Téhéran craignait qu’une opération surprise ne provoque une riposte occidentale immédiate et n’entraîne l’Iran dans un affrontement direct avec les États-Unis.
Le rapport précise que Yahya Sinwar et Mohammed Deif, chefs du Hamas à Gaza, ont finalement décidé de passer à l’action sans prévenir ni le Hezbollah ni les Gardiens de la Révolution. Cette décision unilatérale, motivée par « la conviction que l’Iran hésiterait à agir », aurait provoqué de vives tensions internes. Sinwar aurait déclaré à ses proches : « Les Palestiniens doivent frapper les premiers. Quand les autres verront notre succès, ils nous rejoindront. »
La suite est connue : le 7 octobre 2023, le Hamas lance son attaque barbare contre les kibboutzim et le festival Nova, massacrant plus de 1 200 civils israéliens et enlevant plus de 250 otages. Mais les paris stratégiques du Hamas se révèlent désastreux. Ni le Hezbollah, ni l’Iran, ni les Houthis du Yémen ne se joignent à une guerre régionale totale. Israël, au contraire, riposte avec une puissance inédite, éliminant successivement le chef adjoint du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth, puis le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah et son successeur Hashim Safi al-Din.
Selon Asharq Al-Awsat, cette chaîne d’événements a profondément bouleversé la relation entre Téhéran et le Hamas. Les Iraniens auraient reproché aux dirigeants de Gaza d’avoir « déclenché trop tôt une confrontation pour laquelle l’axe n’était pas prêt ». Une source proche des services iraniens citée par le journal affirme : « L’Iran ne voulait pas d’une guerre régionale sous commandement palestinien. Le Hamas a agi seul, et le prix a été terrible. »
Un autre élément clé révélé par le journal : une lettre secrète, déjà évoquée cet été par le journaliste israélien Ben Caspit, où les chefs du Hamas — Sinwar, Deif et Marwan Issa — présentent leurs excuses à Nasrallah et au général Saïd Izadi (commandant du “corps Palestine” des Gardiens de la Révolution, tué plus tard à Qom). Dans ce courrier, ils admettent ne pas avoir informé leurs alliés du moment exact de l’attaque « en raison des capacités de renseignement de l’ennemi ».
Après l’échec de ses espoirs d’un soulèvement régional, le Hamas aurait révisé sa stratégie. Selon le journal, le mouvement chercherait désormais à négocier une issue politique qui lui permettrait de « stopper la guerre, obtenir un retrait israélien de Gaza et garantir la survie du mouvement ». Dans ce cadre, il aurait accepté d’aborder plusieurs sujets tabous : le sort des otages israéliens, la question de la gouvernance à Gaza et même la supervision sécuritaire de l’Autorité palestinienne.
Un diplomate arabe cité par Asharq Al-Awsat résume ainsi la nouvelle ligne : « Le Hamas veut paraître pragmatique, mais il ne renoncera jamais à son arsenal. Il espère simplement obtenir un accord qui stoppe la guerre et restaure sa légitimité. »
En Israël, ces révélations confirment ce que de nombreux analystes affirmaient depuis deux ans : le massacre du 7 octobre n’a pas été le fruit d’un “axe uni”, mais d’une aventure isolée menée par Sinwar et Deif — une folie stratégique qui a surpris jusqu’à Téhéran. Le “camp de la résistance” a volé en éclats, et l’Iran, désormais prudent, cherche à se désolidariser publiquement d’une opération dont l’horreur continue de hanter le Moyen-Orient.
Pour Israël, cette reconnaissance implicite de l’échec iranien n’efface rien : le 7 octobre demeure une date gravée dans la mémoire nationale, celle du jour où le monde entier a vu jusqu’où peut mener l’idéologie du fanatisme.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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