Un adolescent israélien de 14 ans espionnait pour Al-Qaïda : l’émergence du djihad numérique en Israël

L’affaire a provoqué la stupeur à Tel-Aviv et dans tout l’appareil sécuritaire israélien : un adolescent de 14 ans, habitant du centre du pays, a été inculpé pour avoir collecté des informations sensibles et planifié des attaques terroristes au profit d’Al-Qaïda. Selon l’acte d’accusation dévoilé par N12 et Haaretz, le jeune garçon aurait été recruté en ligne par un agent étranger et intégré un réseau de « cyber-jihadistes » opérant à travers des plateformes chiffrées.

Les enquêteurs du Shin Bet affirment que le mineur, se présentant sous le pseudonyme de « l’espion d’Allah », a rejoint via l’application Signal un groupe intitulé Cyber & Jihad Movement. Ce canal, dirigé par un recruteur affilié à Al-Qaïda, servait à endoctriner des adolescents issus de divers pays arabes, mais aussi d’Israël. Les membres y prêtaient serment d’allégeance à l’organisation terroriste et recevaient des « missions » : filmer des sites sensibles, repérer des cibles et collecter des coordonnées GPS.

Dans les messages interceptés, le jeune Israélien se vantait de vivre « au cœur de l’ennemi sioniste » et d’être capable de « servir la cause du djihad mondial depuis Tel-Aviv ». Il a photographié deux anciens bâtiments militaires désaffectés, relevé leurs emplacements précis et transmis les images à son supérieur virtuel, lequel lui aurait ensuite demandé de repérer une station de police. Le mineur a également enregistré des vidéos destinées à être utilisées comme propagande dans une future opération revendiquée par Al-Qaïda.

Les enquêteurs ont mis au jour un processus de radicalisation rapide : isolé socialement, le garçon aurait passé des heures sur des forums islamistes, lisant des manuels de fabrication d’explosifs et regardant des vidéos d’attentats. Il aurait exprimé le désir de mourir en martyr et d’assassiner le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qu’il qualifiait de « chef du serpent sioniste ». Le parquet affirme que ses conversations montrent une préparation logistique réelle, même si le projet n’a pas abouti.

Fait encore plus inquiétant, l’adolescent aurait tenté d’entrer en contact avec le Hamas pour rejoindre « le front de la résistance » à Gaza. Si la tentative a échoué, elle illustre la porosité croissante entre les réseaux salafistes mondiaux et les factions locales. L’acte d’accusation retient plusieurs chefs : mouchardage pour une organisation étrangère, contact avec un agent ennemi et transmission d’informations à l’ennemi – des crimes passibles, même pour un mineur, de plusieurs années de détention.

Devant le tribunal des mineurs de Tel-Aviv, la procureure a insisté sur la gravité de cette affaire : « Cet adolescent a agi avec conscience, détermination et idéologie. Ce n’est pas un enfant égaré, mais un instrument recruté par un réseau terroriste. » Le juge a ordonné son placement en détention dans un centre fermé, tout en exigeant une évaluation psychiatrique complète.

Les experts en sécurité estiment que ce cas représente un tournant. Le professeur Ron Ben-Israël, de l’université de Bar-Ilan, y voit « la première manifestation concrète du djihad 3.0 – celui des réseaux cryptés et de l’endoctrinement individuel ». Il explique : « Al-Qaïda et ses satellites n’ont plus besoin de former des cellules. Un téléphone portable et une application chiffrée suffisent à créer un soldat virtuel prêt à frapper. »

Le Shin Bet observe depuis un an une recrudescence d’activités suspectes sur les applications Telegram et Signal. Ces canaux, souvent présentés comme « éducatifs » ou « religieux », servent à diffuser des manuels de sabotage, des appels au meurtre et des prêches enflammés. En septembre, une unité spéciale de cyber-renseignement israélienne a déjà démantelé un groupe similaire, recrutant de jeunes internautes arabes israéliens sous couvert d’enseignement du Coran.

L’actuel chef d’Al-Qaïda, Saïf al-Adel, avait d’ailleurs appelé en 2024 ses partisans à « se rapprocher de l’Iran et du Hamas pour cibler les intérêts sionistes ». Les services israéliens craignent que ces consignes ne trouvent un écho croissant parmi les adolescents en quête d’identité ou fascinés par la violence idéologique.

Face à ce phénomène, le ministère de l’Éducation israélien a annoncé une campagne de prévention dans les écoles secondaires. Des modules sur la radicalisation en ligne et la manipulation numérique seront intégrés au programme civique dès 2026. « Nous devons apprendre à nos enfants que l’écran peut devenir une arme, et que derrière un message religieux peut se cacher un recruteur terroriste », a déclaré la ministre de la Sécurité intérieure.

Cette affaire met en lumière les nouveaux champs de bataille de la guerre contre le terrorisme : la chambre d’un adolescent, un smartphone, une connexion cryptée. Le djihad n’a plus besoin de frontières, ni de camps d’entraînement : il se nourrit du désœuvrement, de la colère et de l’illusion d’héroïsme que vendent les réseaux. Pour Israël, ce cas n’est pas seulement un avertissement — c’est le signal que le terrorisme a muté, et qu’il parle désormais la langue du code, du pixel et de la solitude.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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