La tempête s’intensifie au cœur même de la coalition. Alors que le gouvernement tente désespérément de faire avancer la nouvelle loi sur la conscription, une révolte inattendue éclate dans les rangs du sionisme religieux : trois députés ont annoncé qu’ils voteront contre le texte. Un séisme politique qui compromet la fragile majorité de Benjamin Netanyahou, déjà affaiblie par la défection des partis ultra-orthodoxes et plusieurs frondeurs du Likoud.
Dans un paysage politique israélien sous tension depuis la guerre, les équilibres parlementaires n’ont jamais été aussi instables. L’annonce successive de Mikhale Woldiger puis de Moshe Solomon, suivie de la décision du ministre Ophir Sofer qui doit formaliser publiquement son opposition, fait vaciller la ligne dure que tentait d’imposer Yossi Bismuth, chargé de faire passer la loi. Le texte, destiné à restructurer le modèle de conscription et à intégrer progressivement une partie de la population haredie dans l’effort militaire national, se heurte à des résistances plus vastes que prévu.
Le sionisme religieux, qui compte sept sièges mais dont Bezalel Smotrich a quitté la Knesset pour conserver son portefeuille ministériel, se retrouve désormais avec quatre voix encore incertaines : Rothman, Sukkot, Tal et la ministre Struk. Si Rothman et Sukkot avaient affirmé par le passé soutenir la loi “par pragmatisme”, estimant qu’elle constitue un premier pas pour faire entrer les ultra-orthodoxes dans le système militaire, rien n’indique que leur soutien sera suffisant pour compenser l’ampleur de l’opposition interne.
Le problème est beaucoup plus profond : la coalition ne compte officiellement que 68 députés depuis le départ des haredim et d’Avi Maoz (Noam). En théorie, la majorité reposait déjà sur un équilibre extrêmement fragile, dépendant à la fois des compromis internes et des pressions politiques extérieures. Avec trois voix du sionisme religieux désormais perdues, et une série de contestations qui s’ajoutent au Likoud — notamment Yuli Edelstein, Dan Illouz et Sharen Haskel (qui, depuis le parti de Gideon Sa’ar, s’aligne sur le camp des opposants) — la perspective d’obtenir une majorité devient presque irréaliste.
Le front ultra-orthodoxe, lui aussi, rejette vigoureusement le texte. Plusieurs députés d’Agoudat Israël, comme Meir Porush, et de Deguel HaTorah, dont Uri Maklev et Moshe Gafni, ont déjà fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas le projet de loi dans sa forme actuelle. Ils considèrent qu’il s’agit d’une atteinte directe à l’intégrité des études talmudiques et à l’équilibre historique entre armée et Torah. C’est un revers majeur pour Netanyahou, qui cherche à préserver l’alliance traditionnelle avec les partis haredim tout en répondant aux attentes de l’opinion publique sur la redistribution des charges militaires.
Les tensions internes sont telles que plusieurs observateurs politiques estiment que la coalition pourrait entrer dans une zone de turbulences inédite. Le Premier ministre espérait présenter la loi comme un pas symbolique vers l’universalité du service, sans brusquer ses partenaires religieux. Le résultat est tout l’inverse : la fracture droite-religieuse apparaît au grand jour. À cela s’ajoute la pression croissante de l’opposition, menée par Yair Lapid, qui a d’ailleurs surpris récemment en déclarant : « Je ne suis pas de gauche », cherchant à repositionner son parti au centre patriotique et à capitaliser sur la confusion gouvernementale.
Dans les couloirs de la Knesset, les estimations les plus prudentes indiquent qu’il manque désormais entre six et dix voix pour faire passer la loi. Un gouffre politique, dans un Parlement où chaque siège est devenu une arme stratégique. Les analystes soulignent qu’aucune réforme de la conscription n’a jamais réussi à réunir une majorité durable, tant le sujet touche à l’identité profonde de la société israélienne : l’équité, la sécurité nationale, la place de la religion, les obligations citoyennes et la nécessité opérationnelle de Tsahal.
Cette crise révèle aussi un paradoxe : plusieurs membres du sionisme religieux, réputés pour leur engagement sécuritaire, s’opposent à une loi pourtant présentée comme un outil de renforcement de l’armée. Leur rejet repose sur l’idée que le projet actuel n’est pas suffisamment ferme, qu’il ne compense pas les exemptions des étudiants des yeshivot et qu’il pourrait même affaiblir la cohésion nationale.
Dans ce contexte explosif, Yossi Bismuth tente de sauver le texte, mais les chances sont minces. Même un scénario de compromis semble difficile : les ultra-orthodoxes exigent une quasi-immunité, les frondeurs de droite veulent une loi plus stricte, et le Likoud est incapable d’imposer une discipline interne. Rien n’indique que le Premier ministre puisse rallier les dissidents sans provoquer un nouvel éclatement de sa base.
À mesure que les débats s’intensifient, l’incertitude domine. La loi sur la conscription, censée unifier la société, risque au contraire de devenir l’élément déclencheur d’une crise politique majeure — peut-être la plus grave depuis le début de la guerre. Et dans les rangs de Tsahal, où la demande de renforts est constante, l’absence de solution durable pourrait peser lourd dans les mois à venir.
Sources :
Selon les informations de Srougim News, déclarations des députés concernés, archives Knesset 2025, communiqués publics du Likoud et du sionisme religieux.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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