La chaîne 12 israélienne a révélé dimanche un document interne des services de renseignement du Hamas, transmis à son chef Yahya Sinwar environ un mois avant l’attaque du 7 octobre 2023. Ce rapport analytique de onze pages, retrouvé dans la bande de Gaza au cours de la guerre, offre un éclairage rare sur la manière dont le Hamas analysait la stratégie israélienne et sur les conclusions qui ont précédé l’une des attaques les plus meurtrières de l’histoire du conflit.
Selon ce document, les analystes du Hamas estimaient que le gouvernement israélien, dirigé par Benjamín Netanyahou, ne cherchait pas à renverser le mouvement islamiste à Gaza, mais à en limiter les capacités tout en maintenant une forme de stabilité contrôlée. Le rapport affirme que le Premier ministre israélien n’a jamais proclamé publiquement son intention d’éliminer totalement le Hamas, car il était conscient, selon l’analyse du mouvement, du prix humain, militaire et politique qu’une telle décision impliquerait.
Le document décrit cette approche israélienne comme une doctrine de « gestion du conflit », visant à préserver une dissuasion suffisante tout en évitant une confrontation totale. Les rédacteurs du rapport considéraient que cette stratégie constituait une faiblesse exploitable, en ce qu’elle réduisait la probabilité d’une action décisive contre le Hamas.
Le texte revient longuement sur l’évolution stratégique du Hamas depuis l’opération « Bordure protectrice » de 2014. À partir de cette période, Israël a intensifié ses efforts pour neutraliser les tunnels transfrontaliers reliant Gaza à son territoire. Face à cette menace, le Hamas aurait conclu qu’une infiltration massive par la barrière de sécurité constituait une alternative plus efficace. Les « marches du retour » sont décrites comme une phase d’expérimentation, durant laquelle des centaines de jeunes Gazaouis ont été envoyés vers la barrière afin de tester sa résistance et d’évaluer la réaction israélienne.
Alors que le débat faisait rage en Israël sur la légitimité de l’ouverture du feu contre des manifestants s’approchant de la clôture, le Hamas, selon le document, tirait des enseignements concrets sur la quantité d’explosifs nécessaire pour percer les infrastructures de sécurité et sur les délais de réaction des forces israéliennes.
Le rapport identifie ensuite l’opération « Gardien des murailles » de mai 2021 comme un tournant majeur. Pour la première fois, le Hamas aurait perçu l’impact régional et interne de ses actions, notamment à travers les violences survenues dans certaines villes mixtes en Israël. Le document affirme que cette confrontation a brisé un schéma d’action établi, en provoquant une dynamique de mobilisation populaire et armée bien au-delà de Gaza.
La conclusion adressée à Yahya Sinwar et à Mohammed Deif est particulièrement explicite. Les auteurs recommandent une gestion du conflit fondée sur l’imprévisibilité, afin de rompre avec les modes d’action attendus et de plonger la direction israélienne dans un état d’incertitude stratégique. Cette approche devait, selon eux, créer les conditions d’un bouleversement profond de l’équilibre existant.
Des analystes israéliens estiment aujourd’hui que cette lecture stratégique, combinée à l’absence perçue d’une volonté israélienne d’éliminer le Hamas, a contribué à pousser Yahya Sinwar vers la décision fatale de lancer l’attaque du 7 octobre.
Le document soulève enfin une interrogation plus large, aujourd’hui au cœur du débat public en Israël : avant cette date, la société israélienne était-elle prête à accepter les pertes considérables qu’aurait entraînées la destruction totale du régime du Hamas à Gaza ? La doctrine du « calme contre le calme », largement acceptée pendant des années, apparaît rétrospectivement sous un jour beaucoup plus problématique.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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