L’homme commencerait son existence en tant que prisonnier dans la matière. Son regard est tourné vers l’extérieur, domaine des ombres qui apparaissent et disparaissent sur le mur en face de lui. Les objets qu’il voit sont des objets fabriqués, issus de la matière, et de ce fait à la fois fragiles, inertes et périssables car dépourvus d’une âme, et donc de permanence. Le but de l’existence de l’homme est de retrouver son intériorité, perdue de vue dans l’obscurité de la caverne. Il devra faire un retour sur lui-même, chemin allégoriquement représenté par la sortie de la caverne et son ascension vers le domaine des idées. Il devra contempler son âme au plus profond de lui-même, domaine représenté par la figure du soleil qui lui permettra de voir le réel tel qu’il est vraiment, et non des bribes de réel enchâssées dans des représentations déformatrices et fallacieuses. Cette dichotomie entre matière et spiritualité se reflète dans notre conception de ce qu’est l’intelligence. En effet nous distinguons entre une intelligence opératrice et mécanique d’un côté et une intelligence intuitive et consciente d’elle-même et de l’autre.

Nous trouvons une réponse particulièrement réfléchie à ce dilemme: l’objectif de l’homme sur terre est de parfaire l’histoire humaine dans le monde ici-bas, qui est aussi nommé par les Kabbalistes, le monde de l’action. Quant au monde de la Vérité, celui du spirituel, il existe déjà dans sa perfection, sans toutefois être accessible. Notre rôle est justement d’imprégner notre monde terrestre de spiritualité par le biais de nos agissements, afin de l’améliorer et l’élever au-dessus de sa condition matérielle. Autrement dit: les anges sanctifient le nom divin dans les cieux mais nous, êtres de chair et de sang, devons le sanctifier sur terre.

Les termes « matière et spiritualité » sont généralement compris comme antonymiques. Ils s’opposent comme « extérieur et intérieur, inanimé et animé, inerte et vivant ». Ainsi la spiritualité est pensée comme étant avec l’homme et en lui depuis l’aube de son apparition, alors que la matière – action est seconde. La spiritualité serait l’essence de l’homme, manifeste ou cachée selon le cas, sa dignité et son but ultime. La matière – action au contraire serait une forme d’aliénation, une manière pour l’homme de s’égarer dans autre chose que lui, de se perdre de vue et de tomber – chute originelle s’il y en a – dans la matière morte au lieu de se tourner vers la vie qui l’anime, son Dieu, contexte culturel au sein duquel on le somme de retrouver le bon chemin.

La torah vient nous mettre en garde contre toute attitude exclusivement contemplative, car la contemplation doit avoir pour vocation de se révéler dans le monde de l’action, seul univers à notre portée, dans lequel il nous est possible de procéder à la réparation des mondes. Même s’ils comptent parmi les plus épris de torah, les plus érudits et les plus Sages, les étudiants assidus des textes sacrés doivent faire valoir leur étude dans le domaine concret: elle ne doit en aucun cas devenir un prétexte pour se dérober à leurs responsabilités face à l’humanité ou face à Dieu.

SHABAT AGUADOL A BEERSHEVA A LA MEMOIRE DU RAV, CONTACTEZ CLAUDE AU 052 521 65 03