A TOUT MON PEUPLE, MON AMOUR ! – Par Rony Ackrich

7 juin 1967: AprÚs une bataille acharnée, les soldats de Tsahal ont libéré la Vieille Ville de Jérusalem. Soldats au repos contre les imposantes pierres du Mur du Kottel. (Crédit: BaMachaneh)

 

Je souffre tes souffrances et me réjouit de tes joies.

Que sommes-nous capables de donner Ă  notre pays ? Chacun de nos soldats rĂ©pond avec simplicitĂ©, dans un quotidien oĂč la rigueur climatique, la fatigue, la tension du danger, conduiraient naturellement vers le repli sur soi. Eux ont choisi de dĂ©velopper, au cours de longues annĂ©es de formation et d’aguerrissement, cette capacitĂ© Ă  agir collectivement, Ă  s’épauler dans les Ă©preuves, Ă  se protĂ©ger mutuellement. Ils allaient vers la grandeur sans la rechercher. Simplement parce que leur cƓur les poussait vers ce rĂŽle qui s’inspire du meilleur de la Nation et de l’idĂ©al d’IsraĂ«l.

L’injonction de conquĂ©rir sa terre est liĂ©e Ă  un impĂ©ratif certain du don de soi. D’une maniĂšre ou d’une autre, nous espĂ©rons une fin satisfaisante pour notre terre mais malheureusement la paix n’est pas une rĂ©alitĂ© prochaine.

Tout au long des siĂšcles, la terre d’IsraĂ«l n’a Ă©tĂ© prĂ©servĂ©e puis revivifiĂ©e que parce que des Juifs ont Ă©tĂ© prĂȘts Ă  donner leur vie pour cette cause. La construction de notre Etat passe Ă  travers le dĂ©vouement des Juifs! Il ne s’agit pas seulement d’une donnĂ©e thĂ©orique. Habiter sur notre terre, c’est le fondement de notre vie, et l’unique moyen concret de construire notre nation.

Servir son pays, aux ordres des autoritĂ©s politiques Ă©lues pour dĂ©cider du bien commun, notre soldat a, lui confiance en elles et se nourrit de l’exemple de ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©. Autres temps, autres guerres, autres sacrifices, toujours avec le sentiment qu’IsraĂ«l le requiert et que son avenir en dĂ©pend. Filiation de ceux qui, toutes origines mĂȘlĂ©es, ont trouvĂ© dans la complicitĂ© des combats le meilleur de l’ñme humaine: l’abnĂ©gation, la solidaritĂ©, le goĂ»t de l’effort, l’aptitude au sacrifice, le respect et l’humilitĂ© au service de la collectivitĂ©.

Soudaine prise de conscience de ce qu’il y avait de grand dans l’engagement de nos enfants et qui nous pousse dans ces moments de deuil au recueillement total. Des IsraĂ©liens, derniers d’une longue lignĂ©e, tombĂ©s au nom de valeurs qui dĂ©passent l’intĂ©rĂȘt individuel! Rude rappel pour ceux qui dĂ©priment dans un environnement minĂ© par les petits Ă©goĂŻsmes et le jeu nausĂ©abond des bassesses sectaires. La grandeur d’un peuple se nourrit de la preuve, renouvelĂ©e sans cesse, de sa capacitĂ© Ă  payer le prix de la libertĂ©.

Je me rĂ©pĂšte et rĂ©itĂšre, que tout au long des siĂšcles, la terre d’IsraĂ«l n’a Ă©tĂ© construite que parce que des Juifs ont Ă©tĂ© prĂȘts Ă  donner leur vie et il est impossible de concevoir autrement la construction d’une nation. En cas de conflit entre la vie de la nation et la vie des individus, la collectivitĂ© a le pas sur le particulier et la vie du peuple. Ainsi, les paroles de Nahmanide, loin d’ĂȘtre hypothĂšse d’école, ont reçu confirmation au cours des cent ans de sionisme qui ont vu la crĂ©ation de l’Etat d’IsraĂ«l et toutes ses rĂ©alisations.

Le don n’est pas seulement un devoir « moral », c’est encore plus radical. Le don se situe dans l’intĂ©rioritĂ© vivante, dans le rapport de soi Ă  soi qui fait que la vie est proprement vivante au sein de sa Manifestation. Le don n’est pasla reprĂ©sentation d’une nĂ©cessitĂ© « intellectuelle ». Le don se situe en deçà des calculs et des reprĂ©sentations de l’intellect, le don appartient au cƓur. Le don vĂ©ritable dĂ©coule de l’amour. C’est en ce sens seulement que le comportement idĂ©al est fondĂ© sur le don. Le secret du don est aussi d’ĂȘtre une ouverture proposĂ©e Ă  l’ego qui permet justement d’éclore l’égoĂŻsme.

Il est dans la nature mĂȘme de la vie de toujours s’octroyer Ă  elle-mĂȘme et de quĂ©rir sa propre croissance. C’est indubitablement en cela qu’elle est vivante, parce qu’inlassablement se donnant dans son Ă©preuve de soi et pour son propre enrichissement. C’est pour cette raison transcendante et fondamentale que donner est une joie ; car donner c’est aller dans le courant qui porte la vie, qui supporte la vie.

Un soldat s’engage pour son pays, et non pour une politique. La politique varie, son engagement reste, prĂȘt au sacrifice suprĂȘmepour la terre et le peuple d’IsraĂ«l. C’est pourquoi, quelle que soit la politique menĂ©e, l’abnĂ©gation du soldat mĂ©rite le respect. Ce qui n’empĂȘche d’ailleurs pas la critique de la politique qui a abouti Ă  ce sacrifice, mais c’est une autre histoire, Ă  chacun ses responsabilitĂ©s. Les grandes gueules qui ont la raillerie si facile devraient examiner les choses avec un peu plus de dĂ©cence; combien d’entre nous sommes disposĂ©s Ă  risquer notre vie pour une cause qui nous dĂ©passe ?
Les arguties des sentencieux pĂšsent bien peu face au sacrifice volontaire d’un homme et, au fond, n’apparaissent que pour ce qu’ils sont: des loques camouflant, au choix, l’inconscience, la bĂȘtise ou la lĂąchetĂ©. Que vaut un pays pour lequel nul n’est prĂȘt Ă  pĂ©rir ? Si l’existence de l’homme n’avait rien qui le surpasse, si l’objectif des hommes Ă©tait leur continuation optimale, quelle chagrin, quelle langueur, quelle consternation.