« Je suis à mon Bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi… » (Chir Hachirim VI, 3)… Ce passage du Cantique des Cantiques décrit parfaitement la relation d’Israël à Hachèm : l’Amour avec un grand « A ». Aussi bizarre que cela puisse paraître, cet Amour est aussi l’explication à tous les coups qui nous frappent car le bien comme le mal viennent, l’un et l’autre, du Créateur et affirmer le contraire transformerait le monothéisme en polythéisme : D-ieu est Un et il ne peut exister de dualité avec ce que les chrétiens nomment « Lucifer » ! Je devine certains d’entre nous, qui ont particulièrement souffert, sursauter et d’autres même ricaner « Ben, mon vieux ! C’est l’amour vache alors ? ». Pourtant, nous devons nous rendre compte que ce que nous estimons, au jour le jour, « le mal » ne s’inscrit, à notre courte vue, que dans une période de temps donné faisant abstraction du passé et du futur. Car la Création a une finalité heureuse et tout ce qui se passe dans ce monde nous mène – bon gré, mal gré – vers un but qui est « l’Union parfaite » avec notre Bien-Aimé. Que diable (Oups… Pardon !), nous ne sommes pas de ces 70 peuples qui ne vivent que dans – et pour – l’instant présent, pour le « paraître » ! Replongeons-nous donc d’abord dans nos racines pour regarder se développer le tronc qui mènera bientôt à la splendeur du « (h)être ».
Si D-ieu nous appelle Ses « fils » (Hochéa II, 1), Ses « enfants » (Dvarim XIV, 1), Son « premier-né » (Chémoth IV, 22), c’est pour souligner que le lien existant avec Lui ne pourra jamais être récusé : un parent ne peut divorcer d’avec son enfant et celui-ci ne peut nier cette filiation, basée sur la foi car il n’était pas conscient de cette parenté lorsqu’il a vu le jour. Mais, dans Son souci du détail, Il introduit aussi une notion d’Amour – « Tu M’appelleras “mon Mari” » (Hochéa II, 18), « Je t’épouserai à tout jamais » (Hochéa II, 21), ainsi que tout au long du Chir Hachirim où la liaison d’Israël avec Hachèm est comparée à l’amour d’un mari pour son épouse – rapport plus fort que celui de parent/enfant étant donné que des époux se sont intentionnellement unis lorsqu’ils étaient « majeurs et vaccinés ». Bien sûr, l’union parfaite est basée sur la connaissance de l’autre, de ses désirs, de son « moi »… et aussi de soi-même, de son aptitude à le satisfaire et de la force des sentiments. Pour nous, cette « Connaissance » de l’Aimé, c’est la Torah qui nous permet de l’appréhender. Cependant, c’est souvent dans l’épreuve que l’on découvre sa propre capacité à l’abnégation en faveur de l’autre, qu’on peut lui prouver qu’on l’aime vraiment et nos Patriarches l’avaient déjà compris ! Ainsi Avraham, lorsque Hachèm lui annonce que sa postérité « sera asservie et opprimée durant quatre cents ans » (Béréchith XV, 13), ne plaide pas notre cause et il en a été de même pour Yaacov qui, bien qu’il aurait pu gravir l’échelle de son rêve (Béréchith XXVIII, 12), refuse d’y monter alors que, ce faisant, il nous aurait évité les quatre exils (Vayikra Raba XXIX, 1)… tout comme, plus tard , Moché Rabbénou qui interrompt – sous peine de Le forcer à accéder à sa requête – ses cinq cent quinze prières pour implorer D-ieu afin de pouvoir entrer en Eretz Israël car, s’il en avait été ainsi, il y aurait construit le Beit ha-Mikdach (Temple) et le monde aurait atteint sa perfection sans que des infortunes nécessaires ne puissent y préparer notre peuple (Or ha’Hayim, Bémidbar XX, 8 ; Iyoun Yaacov, Berakhoth 32b ; Rav Ezriel Tauber, « Des ténèbres à la lumière ») ! « A quelque chose, malheur est bon ! » et ceux qui nous frappent, tout au long de notre Histoire, ne sont donc pas des « châtiments » mais sont plutôt destinés à affermir notre relation d’Union et à faire d’Israël un am ségoula, le peuple chéri de D-ieu.
« Il a été enseigné à l’Ecole d’Eliyahou : ce monde est destiné à durer six mille ans, soit deux mille ans de vide et de perplexité (Tohou vé Bohou), puis deux mille ans de Torah, et enfin deux mille ans pour l’époque où le Machiah’ devrait venir (Yémoth ha-Machiah’ – Les jours du Messie) » (Sanhédrin 97a). Nous sommes aujourd’hui en 5774 et déjà la Guémara nous traçait ici toute l’Histoire universelle, c’est-à-dire – selon les calculs donnés par Rachi – deux mille ans depuis la Création du monde jusqu’au jour où Avraham a amené certains de ses contemporains à la foi en D-ieu, deux mille ans depuis Avraham jusqu’à la destruction du Beit ha-Mikdach et, enfin, deux mille ans où – à chaque instant – le Machiah’ peut se révéler (car il s’agit d’un temps maximal). Ne parlons pas des deux premiers millénaires, sans intérêt pour notre élan amoureux : « l’Hyménée » future se profile avec notre premier Patriarche !
Dans une humanité retournée à l’état sauvage, sans valeurs et sans buts, remplie d’idoles et de superstitions, son cœur tressaille à la rencontre de Hachèm. A ses yeux, le monde s’éclaire alors, n’existe que par – et pour – Lui à qui il se dévoue désormais malgré les dures épreuves que cela entraîne. Pour Le satisfaire, il abandonne son pays, son lieu natal, la maison de son père et Le suit jusqu’au lieu où Il établira Sa résidence. La Brith ben ha-Bétarim (« L’Alliance entre les Morceaux » – Béréchith XV) scelle entre D-ieu et Avraham comme une promesse de mariage, comparable à la parole de s’épouser que se donnent deux jeunes gens*. A partir de là, et jusqu’à l’esclavage égyptien, s’étale une période où nos ancêtres prouvent leur fidélité bien que, comme Sœur Anne dans son donjon, la plupart d’entre eux « ne voient rien venir ». Horreur ! Soudain, le seigneur chez lequel ils avaient trouvés abri se métamorphose en monstre, le refuge qu’ils croyaient protecteur devient un infâme goulag à ciel ouvert. Vont-ils céder à la concupiscence de Pharaon ? Non, ils résistent ! Soudain, alors qu’ils sont à bout de force, qu’ils s’apprêtent à tout céder de guerre lasse, apparaît l’envoyé du Bien-Aimé qui les invitent à le suivre pour rejoindre Celui-Ci, et ce, pendant que ce Dernier (Qui est aussi le Premier et l’Unique !) envoie comme messages à leur geôlier « Pas touche à Ma future ! »… et Il le fait « d’une main forte », accompagnée de quelques horions bien placés. Et c’est la sortie d’Egypte !
Petites hésitations de la jeune fille, chose bien compréhensible la vieille d’un mariage : « Que me réserve l’avenir ? N’aurais-je pas mieux fait de faire bouillir la marmite (Qu’à l’époque on appelait le fleshpot !), même en captivité, plutôt que de m’enfoncer dans l’inconnu ? Certes, mon Promis a prouvé Sa puissance, Sa capacité à me protéger, Son Amour prodigieux pour moi, mais… » Et vas-y que j’te joue les vierges effarouchées jusqu’au moment des épousailles où l’Elu de notre cœur nous apparaîtra dans toute Sa Gloire : le Matan Torah (« Don de la Torah ») reçu sous le mont Sinaï (Chémoth XXIV, 7). Eh, oui ! « Sous » le Mont Sinaï. Car D-ieu en a ras-le-bol de nos atermoiements : tout ce qu’Il a créé ne l’a été qu’en vue de l’accomplissement futur de cet Union et, si celui-ci devait ne pas exister, autant qu’Il détruise tout Son travail**. Mais voilà : ce faisant il y a eu menace or, selon la Torah, le mariage implique que les deux parties veuillent s’unir de plein gré et, si celui-ci a été réalisé sous la contrainte, il n’a absolument aucune validité. Par ailleurs, même s’il ne s’agit – comme l’affirme le Maharal – que d’un sens figuré, la Révélation du Sinaï était si puissante qu’on ne pouvait rien faire d’autre que d’accepter, ce qui équivaut aussi à une sorte de viol du libre consentement. Il en va ainsi pour un tas d’autres raisons qui auraient pu être considérées comme des séductions dolosives. Au passage de la Mer de Joncs (Yam Souf ), Hachèm avait ouvert les sept sphères célestes et S’était révélé dans toute Sa magnificence, Son ineffable beauté : comment donc résister ? Dans le désert, pendant sept semaines depuis la sortie d’Egypte, Hachèm nous combla de miracles et, isolés du monde, nous étions totalement dépendants de Lui pour les éléments vitaux tels que l’abri, l’eau et la nourriture : comment refuser la proposition en sachant que, s’Il nous retirait un seul de ces éléments, nous aurions péri ? L’isolation ne réduit-elle d’ailleurs pas également le libre-arbitre en empêchant de se mêler à d’autres, de s’informer et d’établir des comparaisons ? L’Union avec Hachèm pèche donc par une absence du plein accord de la kala (« fiancée »), le H’atan ayant Lui prouvé son Amour par la force de la Révélation, la direction de Moché, les miracles quotidiens du Beit ha-Mikdach, les paroles et les actes des prophètes, etc… jusqu’à la destruction du Temple. L’acceptation libre et totale d’Israël, elle, ne viendra que pendant les deux mille ans qui suivront. Pour nous laisser pleinement le choix, D-ieu cache alors Sa Présence : Il est là, nous inflige épreuves sur épreuves pour tester notre élan vers Lui… mais nous protège discrètement en cas de trop fort danger. Nos Sages affirment que cet acceptation pleine et entière s’est réalisée du temps d’Esther et il est en effet symptomatique que jamais, dans ce Livre, le Nom de D-ieu n’apparaisse (Mais Il s’y trouve dissimulé !) semblant nous avoir volontairement laissé seuls prendre notre décision. Pourtant, bien que l’Union soit à présent « légalement » établie, à chaque fois que notre Bien-Aimé revient frapper à notre porte, nos yeux s’égarent par la fenêtre se demandant qui donc, parmi les passants, pourrait Le remplacer et nous tardons à Lui ouvrir. S’apercevant que nous ne sommes pas encore prêts, Il s’éloigne alors à nouveau en nous laissant « apprécier » les problèmes de la solitude. La douleur de cette séparation, les maux que nous subissons dans l’attente de Sa Présence, renforcent alors notre désir qui se porte vers Lui…
Mais…j’entends déjà Ses pas qui se rapprochent ! Ouvrons-Lui vite !
Par Yéh’ezkel Ben Avraham pour Alyaexpress-News
* Le mariage juif se déroule en trois temps. Le premier, nommé wort en yiddish, est le moment où l’on s’affirme mutuellement son désir de se marier. Puis viennent les fiançailles officielles et ensuite c’est la cérémonie du mariage, sous le dais nuptial : la h’oupa. Nous retrouvons ce parallèle dans l’Histoire de notre peuple : la promesse divine à Avraham, c’est le wort ; la sortie d’Egypte, les fiançailles ; la célébration du mariage, elle, a débuté au moment de la promulgation de la Torah au mont Sinaï. La cérémonie nuptiale comprend deux partie : les kidouchines (remise de l’anneau nuptial) et les nissouïnes (cérémonie finale). Au mont Sinaï, c’est les louh’oth (Tables de la Loi) qui faisaient office de « bague » (kidouchines) et la montagne suspendue servait de h’oupa (nissouïnes).
** Il existe beaucoup d’autre explications de ce passage. Prenons trois exemples : d’abord, selon Tanh’ouma, parachath Noah’ 3, en déclarant juste avant « Nous le ferons et nous l’écouterons (comprendrons) », cela ne concernait que la Torah écrite et nous n’étions pas prêts à accepter la Loi orale que nous ne connaissions pas encore… c’est pourquoi Hachèm dû recourir à l’intimidation ; selon les Tossafoth (Chabbath 88a), Israël aurait eu peur du poids de la responsabilité que nous endossions envers l’humanité en acceptant cet Union ; le Maharal de Prague, lui, explique (Tiféreth Israël, ch. 32) que, ce faisant, Hakadosh-baroukh-Hou – qui est astreint à Ses propres Lois – s’est ainsi retiré tout droit de nous répudier ensuite car la Torah explique que, si un homme viole une femme, il doit – si elle le désire – l’épouser et ne peut la répudier ensuite !