Korban Haeda: R. David ben Naftali Hirsch Frankel (1707-1762)
Cet autre refuse dâaccepter la violence du rĂ©citâŠ.
Selon lui, les Ă©tudiants de ShammaĂŻ ont seulement menacĂ© les Ă©tudiants de Hillel de ne pas monter les escaliers. Ils se tenaient avec des lances et des Ă©pĂ©es les empĂȘchant de monter, afin quâil obtienne la majoritĂ© des voix mais, que Dieu nous prĂ©serve, aucun crime nâeut lieu.
Ainsi, lisons-nous chez ces deux principaux commentateurs des opinions divergentes, malgrĂ© un fait indĂ©niable et aggravant: la prĂ©sence dâarmes, entre les mains dâun seul clan, dans la maison dâĂ©tude!
Le Meiri: R. Menaâhem ben Shlomo Hameâiri (1249 â 1306/15)
Le Meiri apprĂ©hende lâĂ©noncĂ© comme une information authentique concernant le meurtre des Ă©tudiants de Beit Hillel. Il dĂ©clare que les dix-huit lois promulguĂ©es, ce jour-lĂ , ne seront jamais retirĂ©es parce que des vies ont Ă©tĂ© perdues Ă ce moment-lĂ . Il ajoute que ce nâĂ©tait pas seulement les Ă©tudiants de Hillel qui furent victimes de meurtre, impliquant ici que les homicides Ă©taient chose courante. (TraitĂ© de Avoda Zara P. 35b(.
Rav Saadia Gaon et le KaraĂŻte:
Rav Saadia Gaon traduit cela comme une mĂ©taphore. Il fut attaquĂ© verbalement par les KaraĂŻtes et notamment par Shlomo ben Yeruhâam Ă propos de cette violence criminelle prĂ©sumĂ©e dans le Talmud. Rav Saadia nie toute trace de meurtre.
Rav IsraĂ«l Eisenstein Ă©crit dans son commentaire « Amoudei Yerushalaim » sur âguilayon Yerushalmiâ traitĂ© de Shabbat: « âŠĂ ce propos les karaĂŻtes lui rĂ©pondirent que le texte du Talmud de JĂ©rusalem Ă©tait on ne peut plus clair Ă ce sujet. »
Notons toutefois que les preuves historiques dans leur ensemble convergent dans le sens des écrits du Talmud de Jérusalem: il y aurait bien eu violence et meurtre.
Un fragment trouvĂ© dans la Geniza du Caire dĂ©crit cette mĂȘme violence et rapporte quâune pĂ©riode de deuil fut effectivement instituĂ©e Ă lâĂ©poque des auteurs de la Mishna.
« Le 9 du mois de Adar, un conflit Ă©clata entre les Ă©tudiants de ShammaĂŻ et dâHillel et beaucoup furent tuĂ©s. » (Mordechai Margaliot, Hilchot Eretz Yisrael min Hageniza, 142.)
Cette preuve contredit de nombreuses déclarations rabbiniques selon lesquelles les débats entre les deux Sages étaient bien intentionnés, pacifiques et «plein de piété». (Avot 5:17)
Le Talmud babylonien raconte:
« Bien que Beit ShammaĂŻ et Beit Hillel ne soient pas dâaccord, Beit Shammai ne sâest pas abstenu dâĂ©pouser des femmes de Beit Hillel et Beit Hillel nâa pas non plus renoncĂ© Ă se marier avec celles de Beit Shammai. Ceci pour nous apprendre quâils ont montrĂ© de lâamour et de lâamitiĂ© les uns envers les autres, mettant ainsi en pratique le texte biblique: « Aimez la vĂ©ritĂ© et la paix. » (Zacharie 8:16) » (Eruvin 13b.)
Le Tour et le Chulchâan Aruch (Orachâ HaĂŻm, Hilchot Taanit 580.) enregistrent le neuviĂšme jour du mois dâAdar (la source de la Gniza marque le 4 Adar) comme un jour dramatique car Hillel et ShammaĂŻ Ă©taient en dĂ©saccord, mais sans plus de dĂ©tails. Rabbi Yosef Karo, auteur du Chulchâan Aruch, ajoute par ailleurs quâil nâavait jamais connu de jeĂ»ne ce jour-lĂ .
LâEliyah Rabbah, (R. Eliyahu Shapiro 1660-1712), un des commentaires sur le Choulchâan Aroukh, Ă©crit que le neuviĂšme jour dâAdar, une rĂ©elle violence Ă©clata, entraĂźnant la mort de trois mille personnes. (En rĂ©fĂ©rence aux morts ayant suivis lâĂ©pisode du veau dâor.)
Peut-ĂȘtre, la comprĂ©hension dâune perspective historique pourrait nous apporter un certain Ă©clairage:
Les Ă©vĂ©nements dont nous traitons se sont dĂ©roulĂ©s Ă lâĂ©poque du roi HĂ©rode (-173 Ă + 4), « lâami et lâalliĂ© de Rome », comme on le surnommait. Il entretenait dâexcellentes relations avec le pouvoir Romain et ses propres enfants partirent Ă©tudier Ă Rome. Cette politique de collaboration instaura une pĂ©riode de calme relatif et permit au roi dâengager dâĂ©normes travaux: parmi les plus cĂ©lĂšbres, le Caveau des Patriarches Ă HĂ©bron et le Temple de JĂ©rusalem.
Selon Rabbi Avraham Zacuto (1452-1515), lâun des premiers Ă©crivains juifs Ă Ă©crire un livre dâhistoire, le «Sefer Yohâassin»: âHĂ©rode construisit un Temple dâune beautĂ© qui dĂ©passa celui de Salomon.â Cependant, cet Ă©talage de la dĂ©mesure esthĂ©tique et matĂ©rielle a apportĂ© des sentiments mitigĂ©s parmi les rabbins parce quâils craignaient cette nouvelle influence sĂ©culaire grecque. Il semble, cependant, que Hillel fut assez favorable Ă HĂ©rode tandis que ShammaĂŻ se sentait menacĂ© par le cosmopolitisme laĂŻc. R. Zacuto continue: « En effet, HĂ©rode respectait grandement Hillel, car il soutenait son rĂšgne ⊠Les disciples de lâĂ©cole de ShammaĂŻ tuaient les disciples de lâĂ©cole de Hillel et menaçaient leurs vies. » (Sefer Yohâassin, traduit par IsraĂ«l Shamir et Ă©ditĂ© par le Prof. Joseph Kaplan, p. 18.)
Selon le Rav Benyamin Lau: « A ce stade, les forces juives ont Ă©tĂ© divisĂ©es et se sont retournĂ©es les unes contre les autres dans une guerre civile entre les partisans dâHĂ©rode et les partisans des HasmonĂ©ens. » (Les Sages â CaractĂšre, Contexte et CrĂ©ativitĂ© Vol 1, par Benyamin Lau. 3eme partie: Hillel, ShammaĂŻ et leurs Ă©tudiants, p. 180)
Au-delà des différences politiques, Shammaï fut toujours trÚs radical dans ces décisions face à un Hillel plus ouvert.
Pour exemple: lâun enseignait que les enfants ne pourraient manger un jour de jeĂ»ne, lâindulgence et lâinnovation de Hillel firent que le jeĂ»ne ne serait observĂ© quâaprĂšs la pubertĂ©. (Tossefta, Yom Kipourim 5: 2)
ShammaĂŻ nâaccepta dâenseigner quâaux «personnes Ă©minentes», Hillel estimait, quant Ă lui, le devoir dâenseignement pour tous. (Avot de Rabbi Natan, ch. 4.)
Lorsque ce dernier arriva en IsraĂ«l, il trouva un monde de Torah fermĂ© sur lui-mĂȘme et Ă©litiste, nous connaissons tous la cĂ©lĂšbre histoire oĂč il dĂ» monter sur le toit enneigĂ©, glacĂ© par le froid, aux seules fins dâĂ©couter une leçon de Torah. Les portes de la salle dâĂ©tudes lui furent fermĂ©es puisquâil ne pouvait payer les frais dâentrĂ©e, ajoutons que le gardien Ă lâentrĂ©e Ă©tait aussi le sĂ©lecteur sans cĆur et plein de reproches.
Nos deux Tanayim Ă©taient les derniers des cinq couples de Maitres qui dirigĂšrent les JudĂ©ens pendant deux cents ans (-170 Ă +30). Ces couples occupaient respectivement les fonctions de Nassi (PrĂ©sident) et dâAv Beit Din (Chef de la Cour de justice).
Hillel Ă©tait le Nassi, tandis que ShammaĂŻ Ă©tait lâAv Beit Din.
Sous la direction de ces deux derniers, les Sages se sont davantage penchĂ©s sur lâensemble de la loi juive, que lors des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, ce qui dĂ©clencha lâĂ©mergence de la contestation, des divergences, des dĂ©bats et des prises de bec.
Ils deviennent ainsi les symboles de lâĂ©change musclĂ© et de la controverse Talmudique et lĂ©gislative.
Cependant, nos sources montrent effectivement que leurs diffĂ©rents furent emplis de fortes tensions allant mĂȘme parfois jusquâĂ mettre en danger les corps prĂ©sents.
Câest dans ce contexte quâil nous faut interprĂ©ter les Ă©vĂ©nements dans la salle dâĂ©tude.
Au vu et au su de notre leçon, il me parait Ă©vident quâun fait dramatique a eu lieu Ă cette Ă©poque entre nos protagonistes. Manifestement nombre de nos Sages usĂšrent dâun vocabulaire accusateur pour signifier ce malheur et le commĂ©morer dans le temps. Plusieurs autres, certainement outragĂ©s et bouleversĂ©s par cette information, tentĂšrent de lâexpliquer comme un propos mĂ©taphorique, face Ă lâincroyable et lâhorreur.
Il est fort possible que lâon ait voulu oublier, effacer.
Si, par cette allĂ©gorie, lâĂ©vĂšnement en question reflĂ©tait uniquement la rĂ©alitĂ© de dĂ©bats passionnĂ©s, alors certes de tels Ă©changes pourraient se continuer. Cependant, si cette histoire, comme lâaffirme le Talmud de JĂ©rusalem et de trĂšs nombreux Sages, est un fait avĂ©rĂ©, nous voici confrontĂ©s Ă un tsunami quant Ă lâHistoire du dĂ©bat talmudique.
La pĂ©riode de ShammaĂŻ et Hillel est gĂ©nĂ©ralement perçue comme le premier temps du dĂ©bat tolĂ©rant, le JudaĂŻsme rabbinique passait dâune pĂ©riode dâingĂ©rence dans le conflit politique Ă une rĂ©flexion autour du dĂ©bat savant, Ă lâintĂ©rieur de la maison dâĂ©tude oĂč rĂ©gnaient la dĂ©fĂ©rence et la sĂ©rĂ©nitĂ©. Il est toutefois fort possible, lors des prĂ©cĂ©dents dĂ©sordres politiques dans lequel les dirigeants rabbiniques jouĂšrent un rĂŽle actif non nĂ©gligeable, que certains comportements aient refait surface durant la pĂ©riode plus paisible du dĂ©bat lĂ©gislatif.
Lâunique dĂ©sĂ©quilibre fut que la violence nĂ©e dans lâarĂšne politique et conflictuelle aurait dĂ» y rester. Malheureusement elle trompa, pĂ©nĂ©tra et abusa certains lors des dĂ©bats concernant la loi dâIsraĂ«l, de tout IsraĂ«l surtout.
Je perçois de grandes figures trĂšs laides dĂšs quâil sâagit de dĂ©battre ou dâĂ©changer sur nos idĂ©es, nos croyances ou bien notre vision du monde.
Lâhydre tentaculaire et hideuse de tout extrĂ©misme apparait dans notre quotidien trop souvent, elle touche toutes les factions croyantes ou non.
Oui et mille fois oui, nous avons un lourd passif de violence!
Les Ă©tudiants de ShammaĂŻ se sont convaincu quâils agissaient au nom de la Foi, persuadĂ©s de protĂ©ger le JudaĂŻsme de la corruption, des influences Ă©trangĂšres et sĂ©culaires.
Les leçons Ă©manant de Hillel, de par son lien avec HĂ©rode et la culture grecque, portaient le germe dĂ©cadent du pluralisme et de lâindulgence.
En conséquence, légiférer selon Hillel signifiait, pour eux, vouloir inoculer un virus apte à détruire le devenir du Judaïsme.
Relisons ensemble cette célÚbre Mishna malgré un sens littéral mille fois explicité!
« Toute controverse qui a vocation dâhonorer les Cieux connaĂźtra un aboutissement perdurable ; et celle qui nâa pas vocation dâhonorer les Cieux ne connaĂźtra pas dâaboutissement perdurable. Quelle est la controverse qui a vocation dâhonorer les Cieux ? Câest la controverse entre Hillel et Shammaï⊠» (Pirkei Avot: ch5 M.17)
Lorsque les hommes spĂ©culent et agissent selon leur seul entendement, au nom dâun soi-disant amour de la foi, de la croyance et de lâidĂ©al, tout cela devient suspect et dangereux. Il est pratiquement impossible de contenir ou dâĂ©viter ce quâils considĂšrent comme des actions nĂ©cessaires et indispensables. Ce ressentiment angĂ©lique rĂ©sulte dâune pensĂ©e tronquĂ©e, redoutablement ancrĂ©e dans la mĂ©moire collective de lâhomo- sapiens, ils sont eux et eux seuls Ă la droite du seigneur, porteurs de lâunique vĂ©ritĂ©, les soldats du messianisme.
Sages! Prenez gardes Ă vos paroles !! (Pirkei Avot: ch1 M.11)
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RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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