Chronique d’un « antisĂ©mitisme-express »par Shraga Blum

 

 

La dĂ©finition d’un « antisĂ©mite » est devenue aujourd’hui l’objet d’interminables discussions souvent empreintes de mauvaise foi d’autant plus que l’hostilitĂ© Ă  l’Etat d’IsraĂ«l s’est parĂ©e de l’habit de « l’anti-sionisme » pour couper court Ă  tout dĂ©bat sur les origines rĂ©elles de cette attitude qui atteint des sommets de l’irrationnel. Or on ne peut faire l’économie d’une analyse de ce phĂ©nomĂšne sous le prĂ©texte fallacieux que les multiples expressions de la judĂ©ophobie contemporaine n’utiliseraient pas exactement les mĂȘmes termes que l’antisĂ©mitisme du moyen-Ăąge.

 

Il y a certes l’antisĂ©mitisme grossier, ouvert, « franc », le « sale juif » lancĂ© en pleine rue envers un jeune homme coiffĂ© d’une kippa, avec souvent Ă  la clĂ© des coups et des humiliations. Celui des allusions Ă  peine voilĂ©es sur un « pouvoir juif » qui tenterait de prendre le contrĂŽle du monde. Mais avec ces lieux communs de « l’antisĂ©mitisme Ă  papa » on est loin de ce que recouvre la haine nouvelle des juifs qui emprunte aujourd’hui des voies beaucoup plus pernicieuses par le biais d’un rĂ©flexe conditionnĂ© par tout un environnement créé par la propagande arabe venant se greffer sur un atavisme sĂ©culaire prĂȘt Ă  l’emploi. Ainsi, aux cĂŽtĂ©s de l’antisĂ©mitisme ouvert et frontal, il y a celui issu de toutes ces petites omissions, ces inexactitudes, exagĂ©rations, prises de positions rapides et automatiques, raccourcis, celui d’une terminologie bien ficelĂ©e et imposĂ©e Ă  la pensĂ©e, qui sont parfois involontaires certes mais qui traduisent une disposition d’esprit, un « air du temps », une fatigue intellectuelle et morale, qui font le lit Ă  une Ă©volution qui rappelle de sinistres Ă©poques.

 

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C’est ce qui est arrivĂ© au site Internet du magasine « L’Express » qui a publiĂ© le 18 avril un article relatant de la situation des terroristes palestiniens dĂ©tenus en IsraĂ«l. Une photo valant plus que mille mots, le clichĂ©, pris par un photographe de l’AFP et publiĂ© Ă  l’appui de l’article montrait un « prisonnier palestinien » coincĂ© entre deux « soldats israĂ©liens » pointant chacun leur arme vers la gorge du « malheureux ». Cette photo avait elle-mĂȘme paru dans des sites arabes palestiniens qui avaient eu pour une fois l’honnĂȘtetĂ© de spĂ©cifier qu’il s’agissait d’un montage rĂ©alisĂ© au Liban. Inutile de s’imaginer l’effet d’une telle scĂšne sur les opinions lorsqu’un site aussi respectable et visitĂ© que l’Express diffuse cette photo comme dĂ©crivant une scĂšne rĂ©elle.

 

Nos confrĂšres du site  Alyaexpress-News  avaient Ă©tĂ© les premiers Ă  remarquer [intlink id= »6722″ type= »post »]cette supercherie [/intlink]en cherchant au hasard une photo qui correspondrait Ă  un article voulant montrer que la situation des terroristes palestiniens dĂ©tenus en IsraĂ«l Ă©tait bien meilleure que celle des prisonniers de droit commun en France. [intlink id= »6987″ type= »post »]Ils se saisirent de l’affaire, exigeant de « l’Express » qu’il retire cette photo. [/intlink]

La diffusion du scandale de la photo par des sites comme la MENA, JSSNews et autres, l’ampleur des rĂ©actions indignĂ©es des milliers d’internautes ainsi que l’intervention du directeur du « P’tit Hebdo », Avraham Azoulay, qui demandait des excuses de la part de l’Express, obligeait alors le journaliste Michael Blum, qui travaille pour l’AFP en IsraĂ«l Ă  faire retirer la photo tout en dĂ©nonçant comme il le fait souvent « le dĂ©lire paranoĂŻaque des certains sites juifs » ! A noter aussi l’attitude de Brice Couturier courageux journaliste sur France-Culture qui dĂ©fend ouvertement et rĂ©guliĂšrement la cause d’IsraĂ«l.

[intlink id= »7164″ type= »post »]La rĂ©action de l’Express [/intlink]doit ĂȘtre relevĂ©e mĂȘme si elle porte en elle toute la problĂ©matique de l’antisĂ©mitisme qui se rĂ©pand aujourd’hui dans les veines de la planĂšte. Sous le titre « Nous ne sommes pas antisĂ©mites » le journaliste Eric Mettout se lance le 18 mai dans un long mea culpa qui est tout Ă  son honneur tant la chose est rare dans cette corporation, mais en mĂȘme temps, il pointe du doigt sans le savoir l’un des vecteurs de l’antisĂ©mitisme contemporain : le parti-pris automatique et aveugle en faveur de la cause palestinienne ainsi que la mise en accusation immĂ©diate d’IsraĂ«l par des reflexes conditionnĂ©s.

 

Les mots qu’il utilise pour exprimer ses regrets sont dĂ©nuĂ©s d’ambigĂŒitĂ© : « C’est une faute – qu’attĂ©nuent Ă  peine la prĂ©cipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquĂ©e. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-lĂ : laisser planer la moindre ambiguĂŻtĂ© sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent ĂȘtre utilisĂ©es comme des armes de guerre, donner du crĂ©dit Ă  un stratagĂšme aussi grossier, qui peut contribuer Ă  alimenter l’exaspĂ©ration antisioniste lĂ  oĂč elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons dĂ©connĂ©, gravement. J’ai dĂ©connĂ©, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dĂ©rapage
 » Et il ne s’agit que d’une partie de son Ă©minent repentir.

Mais le bĂąt blesse lorsque le journaliste rajoute « qu’il arrive que les journalistes se trompent, car nul n’est parfait ». Certes. Mais cette excuse serait recevable s’il n’y avait pas Ă  la clĂ© depuis des dĂ©cennies une cohorte « d’erreurs » commises systĂ©matiquement et comme par hasard dans le mĂȘme sens. Et pour leur quasi-totalitĂ© jamais corrigĂ©es. Mettout en profite alors pour contre attaquer et reprocher « Ă  de nombreux sites pro-israĂ©liens d’accuser les mĂ©dias français dans leur ensemble de dĂ©sinformer systĂ©matiquement et sciemment », « d’encourager l’antisĂ©mitisme et le terrorisme et pourquoi pas d’avoir ‘fabriqué’ Mohamed Merah» ! Mettout se lance ensuite dans un plaidoyer corporatiste qui ne l’honore pas en se rangeant rĂ©solument du cĂŽtĂ© de Charles Enderlin dans l’affaire Al-Dura, autre haut-lieu de la dĂ©sinformation antisĂ©mite.

Erreur supplĂ©mentaire du journaliste lorsqu’il tombe dans l’amoralitĂ© ambiante concernant le conflit qui oppose juifs et arabes : « C’est d’ailleurs un regret supplĂ©mentaire: en manquant de rigueur, nous avons involontairement contribuĂ© Ă  discrĂ©diter nos confrĂšres qui font bien leur travail, qui relatent les emprisonnements arbitraires des uns, l’extrĂ©misme religieux et les diatribes antisĂ©mites des autres, les opĂ©rations militaires implacables comme les tirs de roquettes, les colonies illĂ©gales comme les attentats aveugles
 ». Autre avatar de l’antisĂ©mitisme dĂ©guisĂ© actuel : mettre sur le mĂȘme plan l’emprisonnement de terroristes par IsraĂ«l et la haine antisĂ©mite distillĂ©e dans les mosquĂ©es et les mĂ©dias, et surtout, quelle gravitĂ©, mettre au mĂȘme niveau la construction de maisons juives avec les attentats terroristes aveugles ou les reprĂ©sailles ciblĂ©es de Tsahal avec les tirs aveugles de roquettes vers des zones civiles israĂ©liennes! Son compliment qui suit « sur l’exemplaritĂ© d’IsraĂ«l comme unique dĂ©mocratie de la rĂ©gion » n’enlĂšve rien Ă  l’énormitĂ© de ce qu’il affirme juste avant et qui fait aussi partie – il n’en n’est pas conscient – de l’arsenal de la propagande palestinienne.

Il se fĂąche ensuite en « ayant marre de l’accusation systĂ©matique d’antisionisme atavique ou d’antisĂ©mitisme des journalistes français surtout lorsqu’il ne s’agit parfois que regrettables bĂ©vues ». Et il avertit « que les mĂ©thodes d’intimidation (de la part de sites juifs) ne l’empĂȘcheraient pas de parler librement du conflit israĂ©lo-palestinien ». On en revient donc Ă  la fameuse excuse selon laquelle « toute critique de la politique israĂ©lienne n’est pas de l’antisĂ©mitisme » mais sans demander en mĂȘme temps pourquoi IsraĂ«l doit ĂȘtre le seul Etat au monde Ă  ĂȘtre ainsi quotidiennement sous les projecteurs des censeurs et autres indignĂ©s universels.

Ce nouvel Ă©pisode de dĂ©sinformation montre Ă  quel point l’antisĂ©mitisme actuel a rĂ©ussi Ă  se faufiler Ă  travers de nombreux chemins. Mettout se dĂ©fend d’avoir « fabriquĂ© Mohamed Mera » mais il est incapable de comprendre que c’est justement cette « bĂ©vue » qui est grave car elle est le reflet d’un phĂ©nomĂšne qui se gĂ©nĂ©ralise et qui fournit Ă  des Merah en puissance toutes les images et les « justificatifs » Ă  leur folie. L’assassin de Toulouse ne s’est pas posĂ© la question de la vĂ©racitĂ© de ce qu’il voyait Ă  la tĂ©lĂ©vision ou sur Internet.

Ce mea culpa bienvenu d’Eric Mettout devrait appeler Ă  l’étape supplĂ©mentaire dans l’éthique journalistique et qui n’a pas Ă©tĂ© faite aprĂšs la tragĂ©die de Toulouse : la remise en question totale de la maniĂšre de traiter le conflit ĂŽ combien complexe du Proche-Orient. Tant que les informations de sources arabes palestiniennes seront accueillies comme argent comptant, tant que les rĂ©dactions et les rĂ©gies feront au contraire barrage Ă  des informations essentielles fournies par Tsahal ou des sources officielles israĂ©liennes, tant que la terminologie journalistique restera ce qu’elle est concernant les acteurs et les tenants de ce conflit, les excuses certes louables de journalistes tels qu’Eric Mettout ne serviront Ă  rien. Et pour cela il faudrait aussi un signe en ce sens de la part des responsables politiques, ce qui est encore moins garanti qu’avant.

Ce qui se passe Ă  l’ONU, Ă  Durban, Ramallah ou Toulouse est aussi le rĂ©sultat de ces milliers d’« innocentes bĂ©vues » et de « jugements-express » qui transforment le Juif-Etat en dĂ©mon et dĂ©lĂ©gitiment son existence.

 

Source : JSSNews

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