La bataille pour l’avenir de la bande de Gaza ne se joue plus seulement sur le terrain ; elle se déplace désormais à New York, au Conseil de sécurité de l’ONU, où les États-Unis et la Russie défendent deux visions antagonistes de l’après-guerre. Deux textes, deux philosophies, deux lectures de la sécurité régionale – et au cœur de ces divergences, l’intérêt vital d’Israël : empêcher toute restauration militaire du Hamas et préserver une architecture régionale stable, alignée sur les objectifs définis par le président américain Donald Trump.
Dans ce théâtre diplomatique, Washington s’apprête à soumettre au vote son projet de résolution visant à encadrer la fin de la guerre à Gaza, avec une stratégie claire : imposer une structure internationale robuste, garantir la fin durable des capacités militaires du Hamas et installer un mécanisme de stabilisation inédit.
Face à cette démarche occidentale, Moscou oppose une proposition alternative, beaucoup plus ambiguë, qui évite soigneusement de mentionner le désarmement du Hamas et rejette toute restructuration politique profonde dans la bande.
Pour Israël, cette divergence n’a rien d’un débat théorique : elle détermine directement la possibilité – ou l’impossibilité – d’une sécurité durable au sud du pays.
Les deux projets commencent pourtant sur un terrain commun. Washington comme Moscou affirment soutenir la poursuite de la trêve, la protection des populations civiles et la nécessité d’une coordination régionale incluant l’Égypte, le Qatar, les États-Unis et la Turquie.
Les deux textes évoquent également la “solution diplomatique globale” présentée sous la forme du plan en vingt points validé à Charm el-Cheikh le 13 octobre 2025. Sur le papier, le langage semble convergent. En réalité, les approches divergent dès qu’il s’agit de définir qui doit contrôler Gaza, comment neutraliser les menaces futures et quel rôle doit jouer la communauté internationale.
C’est là que le fossé entre les deux puissances se creuse.
La Russie propose une intervention minimale, centrée sur l’ONU et sur le maintien du statu quo institutionnel palestinien. Aucune mention de démilitarisation, aucune exigence sur le Hamas, aucune dynamique de transformation profonde. Moscou s’oppose explicitement à toute modification territoriale ou démographique dans la bande, reprenant presque mot pour mot les exigences palestiniennes – y compris de la part des factions armées.
Les États-Unis défendent tout l’inverse :
→ la création d’une Mécanique internationale de stabilisation, un Board of Peace doté de larges prérogatives ;
→ un corps international de sécurisation, mandaté pour superviser la fin des hostilités, contrôler les armes, sécuriser les convois humanitaires et coordonner l’action avec Israël et l’Égypte ;
→ la démolition systématique des infrastructures militaires, tunnels, arsenaux et centres de commandement du Hamas ;
→ la mise en place d’une administration palestinienne technocratique, apolitique, sous supervision internationale, avant que la bande ne revienne progressivement sous la gestion d’une Autorité palestinienne réformée.
Pour Jérusalem, cette différence est fondamentale : une résolution internationale qui ignorerait la démilitarisation du Hamas deviendrait un feu vert déguisé au retour des groupes armés à la frontière israélienne.
Le clivage ne s’arrête pas là .
Sur la question de la gouvernance palestinienne, Moscou adoube sans réserve la structure actuelle de l’Autorité palestinienne, considérant qu’elle est la seule instance légitime pour gérer Gaza comme la Judée-Samarie. Washington, en revanche, conditionne ce retour à une série de réformes profondes, approuvées et contrôlées par un mécanisme international.
Là encore, les États-Unis se rapprochent davantage de la doctrine sécuritaire israélienne, même si Jérusalem reste résolument opposée à un retour immédiat de l’Autorité palestinienne à Gaza – un point de friction majeur, que l’ONU tente néanmoins de normaliser.
Sur la sécurité, la Russie reste volontairement évasive : pas de mention du Hamas, pas d’exigence de désarmement, aucune précision sur les tunnels ou les roquettes.
À l’inverse, la proposition américaine pose un cadre opérationnel précis :
→ destruction des capacités militaires,
→ coopération sécuritaire régionale,
→ contrôle des frontières,
→ formation possible d’une police palestinienne sous supervision internationale.
Ce déséquilibre rend les deux résolutions presque inconciliables.
La reconstruction de Gaza marque également une rupture nette. Moscou évoque une aide générale, sans mécanisme défini. Les États-Unis vont beaucoup plus loin, proposant une grande architecture financière pilotée par la Banque mondiale, avec un fonds de reconstruction dédié.
La Russie défend la souveraineté palestinienne dans sa forme actuelle ; Washington aspire à une redéfinition structurelle complète.
Au final, le contraste entre les deux visions révèle un affrontement plus large : un retour à la logique onusienne classique d’un côté ; une internationalisation contrôlée et sécurisée par l’Occident de l’autre.
Pour Israël, les implications sont majeures.
Même si les deux propositions évoquent le “besoin urgent d’une paix durable”, elles partagent un élément problématique : la mise en avant explicite de la solution à deux États. Une orientation rejetée par la quasi-totalité de l’échiquier politique israélien à la lumière du 7 octobre, qui a démontré les dangers létaux d’un retrait supplémentaire ou d’une souveraineté hostile à quelques kilomètres de Sderot, Netivot ou Ashkelon.
Plus encore, les deux résolutions placent l’Autorité palestinienne au cœur du futur gouvernement de Gaza. Pour Israël, dont les services de sécurité dénoncent depuis des années la coopération entre factions armées et institutions officielles palestiniennes, c’est une perspective jugée dangereuse.
Washington tente de rassurer avec l’exigence de réformes ; Moscou ne pose aucune condition. Mais la conclusion demeure la même : le retour de Ramallah au pouvoir figurera tôt ou tard dans l’équation.
La bataille diplomatique qui s’annonce au Conseil de sécurité n’est pas qu’un débat technique : elle façonne les lignes rouges de l’après-guerre.
Avec le veto potentiel russe et chinois, l’issue est incertaine. Mais le message central pour Israël est limpide : dans un contexte international de plus en plus hostile, la défense de ses intérêts sécuritaires – démilitarisation totale du Hamas, absence de concessions territoriales, refus d’un État palestinien imposé par l’ONU – devient une lutte politique à part entière.
À New York, comme à Gaza, Israël se retrouve à mener une double bataille : militaire sur le terrain, diplomatique dans les couloirs de l’ONU. Et c’est précisément dans ce second front que se joue une partie du destin stratégique du pays pour la décennie à venir.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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