Djerba | La communautĂ© juive au cƓur d’un État arabe

Alors qu’en IsraĂ«l, les relations arabo-juives connaissent des hauts et des bas, c’est prĂ©cisĂ©ment sur l’üle de Djerba Ă  Tunis, au cƓur du monde arabe, que l’une des plus anciennes communautĂ©s juives du monde, qui existe depuis environ mille ans, prospĂšre. Kikar Shabath  a eu l’honneur de parler aux membres de la communautĂ© et de les entendre parler de leur vie quotidienne en tant que juifs religieux dans les profondeurs du monde arabe.

L’üle de Djerba Ă  Tunis Ă©tait autrefois connue dans le monde juif comme un centre important et le siĂšge des rabbins et des Ă©rudits de la Torah. La glorieuse communautĂ© a immigrĂ© principalement en IsraĂ«l mais il y a encore environ un millier de Juifs vivant au cƓur de Tunis. Les mĂȘmes Juifs vivent encore aujourd’hui, en 2021, une vie juive ramifiĂ©e au cƓur de l’État arabe. Kikar Shabath s’est entretenu avec diverses personnalitĂ©s de la communautĂ©, dont le rabbin Eitan Elia, rabbin et directeur de la Yeshiva Or-Torah sur l’üle tunisienne, pour comprendre Ă  quoi ressemble la vie d’une communautĂ© juive au cƓur d’un pays arabe.

Avant le dĂ©but de l’entretien, quand je demande au rabbin avec apprĂ©hension s’il y a des choses dont il vaut mieux ne pas parler, aprĂšs tout, c’est une communautĂ© juive au sein d’un État arabe. Je suis surpris par sa rĂ©action. Il rĂ©pond en riant : « Je sais ce que vous pensez dans le pays, que parce que nous vivons dans un pays arabe alors nous sommes empĂȘchĂ©s de parler, mais la vĂ©ritĂ© est que je peux parler librement de ce que je veux ! Nous vivons dans un pays qui a la libertĂ© d’expression, donc, vous pouvez demander n’importe quoi ».

TOUT D’ABORD, POUVEZ-VOUS PRÉSENTER BRIÈVEMENT LA COMMUNAUTÉ DE DJERBA ?
« La communautĂ© de Djerba trĂšs ancienne, certains disent qu’elle a existĂ© de façon continue depuis la destruction du Second Temple et il y a ceux qui disent qu’elle a existĂ© de façon continue depuis la destruction du Premier Temple. Nous sommes trĂšs liĂ©s aux gĂ©nies dont certains ont vĂ©cu Ă  Tunis et prĂ©server leurs propres traditions. Nous prĂ©servons une filiale de tradition ancienne depuis environ mille ans et fiers de l’ĂȘtre. Au sein de notre communautĂ© organisĂ©e, il y a deux sessions, il y a des Ă©coles pour les filles, des Ă©coles pour les garçons. Nous n’avons pas d’étiquetage comme Orthodoxe, religieux ou laĂŻc. Nous sommes une communautĂ© oĂč tout le monde aime la religion, observe le sabbat et met les tĂ©filines, parfois je dis  » Dieu merci c’est bien  » car je suis nĂ© Ă  Djerba.

RABBI ELIA EXIGE L’INTRODUCTION D’UN ROULEAU DE LA TORAH DANS LA COMMUNAUTÉ :

La premiĂšre question qui se pose probablement lorsque l’on entend parler de votre communautĂ© est : qu’est-ce que ça fait d’ĂȘtre juif dans un pays arabe ?

« Dieu merci, nos relations avec nos voisins sont trĂšs bonnes. Parfois, quand il y a des problĂšmes en IsraĂ«l, il peut y avoir des problĂšmes ici aussi. Mais surtout, nous les respectons et ils nous respectent. Le gouvernement et le peuple.  « Regardez l’histoire du peuple d’IsraĂ«l, vous verrez que les communautĂ©s qui vivaient dans les pays arabes ont toujours Ă©tĂ© mieux traitĂ©es. Je suis conscient que des pogroms ont effectivement eu lieu dans les pays arabes Ă©galement, mais relativement parlant, la situation ici a toujours Ă©tĂ© meilleure. »

Une communautĂ© Ă  l’ombre de la tempĂȘte du « printemps arabe »
Tunis est le pays oĂč le « printemps arabe » a Ă©clatĂ© en 2011 lorsque le prĂ©sident Zin al-Abdin bin Ali, qui dirigeait le pays Ă  un niveau Ă©levĂ©, a Ă©tĂ© Ă©vincĂ©. Je lui demande comment les Ă©vĂ©nements ont affectĂ© Tunis en gĂ©nĂ©ral et la communautĂ© juive en particulier. En rĂ©ponse, il rĂ©pond : « L’ancien prĂ©sident Ben-Ali a tenu le pays Ă©conomiquement et l’économie a prospĂ©rĂ© pendant son temps. Depuis qu’il a Ă©tĂ© Ă©vincĂ©, l’économie ici s’effondre. Dans quelques mois, ils vont probablement arrĂȘter de payer les salaires des fonctionnaires. Aujourd’hui, entre soixante-dix et quatre-vingts pour cent disent qu’il reviendrait (ici le rabbin Elia remarque que mĂȘme dans l’État d’IsraĂ«l, Bibi manquera toujours aux gens, mais il souhaite toujours du succĂšs Ă  tout premier ministre qui le dirige).

« Vous pouvez dire que la Tunisie est aujourd’hui un peuple pratiquement dĂ©mocratique. Ici, les gens pratiquent davantage cette idĂ©e. L’état de droit ici n’est pas fort et les gens ici ne croient pas en une maniĂšre dĂ©mocratique et n’acceptent pas les points de vue opposĂ©s, mais nĂ©anmoins, il faut dire que la Tunisie est un Etat dĂ©mocratique dans tous les pays arabes. Il y a la pleine libertĂ© d’expression. « 

« En mĂȘme temps », dit le rabbin, « il y a une lutte entre les FrĂšres musulmans et l’opposition dans le pays. La rĂ©volution a touchĂ© les Juifs parce qu’elle a nui Ă  l’économie et lorsque l’économie s’est effondrĂ©e, les Juifs ont Ă©galement Ă©tĂ© touchĂ©s. « 

ConnectĂ© Ă  IsraĂ«l et parle couramment l’hĂ©breu
En travaillant sur l’article, lorsque j’ai pu parler Ă  certains membres de la communautĂ©, il est difficile d’ignorer une caractĂ©ristique trĂšs importante qui est commune Ă  tous – ils parlent couramment l’hĂ©breu. De plus, ils connaissent tout ce qui se passe dans le pays, Ă  tel point que lorsqu’on leur parle, il est parfois difficile de s’apercevoir qu’ils ne sont pas IsraĂ©liens. A ce sujet, le rabbin me dit : « Plus tu es religieux, plus tu seras juif. Ici on garde la tradition et la religion. La yeshiva est enseignĂ©e en hĂ©breu et en arabe tunisien, qui sert de langue de tous les jours Ă  la communautĂ©. Au nom de David Kadoshim, zal qui Ă©tait comme Eliezer Ben Yehuda, il s’est assurĂ© d’enseigner aux membres de la communautĂ© l’hĂ©breu moderne parlĂ© en IsraĂ«l. Il a fait beaucoup pour la langue hĂ©braĂŻque.

« De plus, nous, dans la yeshiva, n’étudions que la Torah toute la journĂ©e, Ă  l’exception d’une heure consacrĂ©e Ă  des sujets gĂ©nĂ©raux – pour cette raison, le sentiment pour la langue hĂ©braĂŻque et l’État d’IsraĂ«l est renforcĂ©. Nous avons Ă©galement un lien profond avec le monde de la Torah dans IsraĂ«l et nous Ă©tudions la littĂ©rature de la Torah Ă©crite en IsraĂ«l. Et Ă  Rabbi Meir Mazuz. « 

« En dehors des Ă©tudes sacrĂ©es, nous, Garbaim, sommes trĂšs intĂ©ressĂ©s par ce qui se passe en IsraĂ«l et sommes informĂ©s de ce qui se passe dans le pays via les chaĂźnes d’information israĂ©liennes. N’oubliez pas que nous avons des familles en IsraĂ«l et que nous sortons tous pour visiter IsraĂ«l. On peut dire que mĂȘme si on habite Ă  Tunis.

DE QUOI VIVENT LES MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ AUJOURD’HUI ?

« Le mĂ©tier traditionnel des membres de la communautĂ© Ă©tait le travail dans l’orfĂšvrerie et la joaillerie. Maintenant qu’il n’y a plus de tourisme de travail, il y en a moins. Nous avons environ 40 scribes dans la communautĂ© et nous vendons des rouleaux de la Torah en IsraĂ«l, en France et dans d’autres pays. « 

« Notre fierté », dit le rabbin Elia, « est d’ĂȘtre le pays avec le pourcentage le plus Ă©levĂ© de sofrim ordinaires au monde. Il y a ceux qui gagnent leur vie comme bouchers ainsi que les jeunes qui travaillent comme surveillants casher partout dans le monde. Les femmes de la communautĂ© ne travaillaient pas traditionnellement, mais rĂ©cemment une Ă©cole de filles a Ă©tĂ© ouverte sous le format israĂ©lien. »

Enfin, voudriez-vous faire passer un message aux IsraĂ©liens qui lisent l’interview ?

« Ces jours-ci, je suis trĂšs déçu de ce qui se passe dans le pays. Je n’aime pas le mĂ©pris de la religion et cela me brise vraiment le cƓur. Le judaĂŻsme est une trĂšs bonne chose. Le monde entier prend ses valeurs. Pourquoi jetons-nous le judaĂŻsme ? ! J’aimerais que les gens du pays soient plus connectĂ©s Ă  la Torah et Ă  la tradition et c’est le message que je voudrais faire passer. « 


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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