Eilat frappée par un drone houthi : un ex-général de l’armée de l’air israélienne dénonce « un échec de la défense aérienne

Un drone lancé depuis le Yémen par les rebelles houthis, alliés de l’Iran, a réussi mercredi soir à atteindre le cœur touristique d’Eilat. L’attaque a fait plus de vingt blessés, dont deux dans un état grave, et a provoqué un choc considérable en Israël, où l’on croyait la ville balnéaire protégée par l’un des systèmes de défense les plus sophistiqués au monde.

« La défense de l’espace aérien est la mission numéro un de l’armée de l’air. Hier soir, elle a échoué », a reconnu sans détour le général de brigade (rés.) Ran Kochav, ancien commandant du système de défense aérienne de Tsahal et ex-porte-parole de l’armée, dans un entretien au Globes. Selon lui, les rebelles houthis « ne sont pas des idiots » et ont su exploiter les failles propres à la topographie d’Eilat pour contourner le système Dôme de Fer.

Les limites d’Iron Dome face à des drones discrets

Le système Dôme de Fer a été conçu principalement pour intercepter des roquettes et missiles, tirés en trajectoire ascendante. Or, les drones houthis volent à basse altitude, avec une vitesse relativement lente et une signature radar réduite. Dans le secteur d’Eilat, coincé entre les montagnes de l’Edome en Jordanie et les reliefs du Sinaï, l’environnement complique encore davantage la détection.

« La batterie est positionnée hors de la ville pour protéger l’ensemble de la zone », explique Kochav. « Mais quand un drone rase le sol et vise directement le centre urbain, la tentative d’interception peut représenter un danger en elle-même. » Résultat : certains engins parviennent à passer.

Une défense éclatée entre plusieurs systèmes

En théorie, Israël dispose de cinq couches de défense pour contrer ces menaces : Dôme de Fer, aviation de chasse, hélicoptères d’attaque, systèmes navals de type Chetz Hayam (version maritime du Dôme de Fer) et enfin la guerre électronique. Mais leur coordination n’est pas toujours optimale, surtout à Eilat.

Pour engager un avion de chasse, il faut parfois demander l’autorisation de survol à la Jordanie ou à l’Égypte. Les corvettes Sa’ar 6, équipées de systèmes antimissiles avancés, sont souvent déployées au large de la mer Rouge pour frapper directement les positions houthis au Yémen — ce qui les éloigne du golfe d’Eilat. Quant aux brouillages électromagnétiques, leur utilisation près de l’aéroport Ramon risquerait de perturber l’aviation civile et les communications dans la zone.

« Lors de l’opération Avec Galbiya, nous avons intercepté des centaines de drones grâce à des impulsions électromagnétiques », rappelle Kochav. « Mais ici, leur usage peut paralyser un avion civil ou brouiller la navigation d’un navire. »

Un bilan lourd et des inquiétudes grandissantes

L’attaque contre Eilat n’est pas la première. Ces derniers mois, les Houthis ont déjà frappé l’aéroport Ramon et multiplié les tentatives contre la ville. Chaque nouvelle percée alimente la peur parmi les habitants et menace l’industrie touristique, pilier de l’économie locale.

« Eilat est une station balnéaire. Les gens veulent s’y reposer, vivre, investir, faire des affaires. Ils attendent 100 % d’interceptions », insiste Kochav. « Les excuses techniques sont valables, mais au bout du compte, l’armée doit délivrer. »

Cette critique rejoint celles d’une partie de l’opinion israélienne, de plus en plus inquiète face à la capacité des proxies iraniens — du Liban au Yémen — à saturer et parfois contourner les défenses israéliennes.

Les Houthis, un bras armé de Téhéran

Depuis 2023, les Houthis se sont imposés comme un acteur central de la stratégie régionale de l’Iran. Leurs attaques contre Israël s’inscrivent dans un cadre plus large de guerre par procuration, visant à étirer les capacités de Tsahal sur plusieurs fronts simultanément.

Si la majorité des drones et missiles sont interceptés en vol, les quelques succès houthis, comme celui d’hier soir, nourrissent la propagande de Téhéran et minent le sentiment de sécurité en Israël. « Il suffit d’un drone qui passe pour faire oublier cent interceptions réussies », observe un expert militaire.

Vers une adaptation urgente

Pour l’ancien commandant de la défense aérienne, l’armée israélienne doit impérativement adapter sa stratégie : « Ce n’est pas seulement une affaire de technologie. C’est une question de doctrine et de coordination. L’ennemi a compris où se trouvent nos angles morts. À nous de combler les failles. »

En pratique, cela pourrait impliquer le redéploiement permanent de moyens navals dans le golfe d’Eilat, le positionnement plus agressif d’hélicoptères de combat et l’extension de la couverture radar. Mais surtout, Israël devra trouver le moyen de neutraliser les drones avant qu’ils ne traversent ses frontières, quitte à intensifier les frappes préventives au Yémen.

Conclusion : Eilat, symbole d’un nouveau défi

La frappe houthie sur Eilat agit comme un révélateur : malgré des systèmes de défense multi-couches parmi les plus sophistiqués au monde, Israël reste vulnérable aux attaques asymétriques. La guerre des drones, moins spectaculaire que celle des missiles, menace directement les villes et les infrastructures civiles.

Eilat, vitrine touristique et porte sud du pays, devient aujourd’hui le symbole de ce nouveau champ de bataille. La question qui se pose désormais est claire : Israël saura-t-il transformer ses défenses pour faire face à une menace qui, loin d’être marginale, s’inscrit au cœur de la stratégie régionale de l’Iran et de ses alliés ?


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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