C’est la course à la présidence en France – l’élection aura lieu en avril prochain et cette campagne semble de plus en plus surréaliste. Si jusqu’à récemment la plupart des données prédisaient au second tour décisif et un affrontement entre le président Macron et Marine le Pen, la situation a changé.

Depuis lors Valérie Pécresse, la candidate républicaine de centre-droit, et Eric Zemmour, un solitaire candidat sans parti, un journaliste juif d’origine algérienne ont changé les règles du jeu.

Actuellement, Pécresse a les meilleures chances de vaincre le président sortant, mais Zemmour a laissé sa marque sur toute la campagne électorale. Malgré les divergences entre les positions des candidats sur des sujets différents, il y a un sujet avec un dénominateur commun, mais pas dans le même volume : la nécessité d’imposer des restrictions à l’immigration en France afin de maintenir son caractère français.

Pour Israël, d’ailleurs, il n’y a pas grand-chose qui changera, puisque la ligne politique française vis-à-vis du Moyen-Orient est largement déterminée par le ministère français des Affaires étrangères et ses traditions. Il n’en va pas de même des Juifs de France, pour qui la candidature de Zemmour crée une situation particulière.

Le slogan français officiel est bien « liberté, égalité, fraternité », mais aucun de ses mots, et en particulier, les deux derniers, n’a jamais reflété la vraie réalité. L’antisémitisme, par exemple, faisait partie de la culture et de la vie en France, commune à la Révolution française et à son ennemi juré dans l’Église catholique, et aux XIXe et XXe siècles a pris des formes politiques et économiques réactives, culminant avec le procès Dreyfus (qui a donné à Herzl l’impulsion pour l’idée sioniste).

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’antisémitisme est devenu la politique et la pratique officielles du gouvernement de Vichy qui a coopéré avec les Allemands, et même dans les rangs de la « France libre » dirigée par de Gaulle, il y avait ceux dont la présence de Juifs dans son entourage était négligeable.

L’apparition du candidat juif Eric Zemmour sur la scène politique crée désormais un double problème pour les Juifs de France : d’abord, un judaïsme qui donne du grenat et des munitions à l’antisémitisme et à l’anti-israélisme de l’extrême gauche et pro-palestinienne (bien que Zemmour n’a rien à voir avec le sionisme ou Israël.) sans parler du harcèlement du philosophe juif français Alain Finkelkraut.

D’autre part, c’est précisément l’extrémisme de Zemmour qui sape l’opposition légitime dans de larges avenues de la politique et de l’opinion publique en France à la présence islamique qui s’étend dans leur pays et aux activités djihadistes de certains d’entre eux.

L’affirmation de Zemmour selon laquelle les immigrés africains, et en particulier les musulmans et les Arabes, modifient sans le savoir le caractère de la France, ses slogans tels que « ils occupent la France », etc…, sont bien absorbés dans l’esprit de larges couches du public français.

Il affirme à ses auditeurs que des quartiers entiers des villes françaises ont été « occupés » par les Arabes et autres étrangers, et que le champ de l’Islam recèle en lui les germes du meurtre et de la violence. Cependant, l’attitude des Juifs est ambivalente : ils sont conscients que la xénophobie n’est pas unilatérale et peut également être dirigée contre eux, mais ils sont également conscients que l’islam extrémiste et ses affiliés mettent en danger leur sécurité, comme cela s’est produit, entre autres, dans l’attaque d’un supermarché « hyper-kasher » et dans une série d’incidents violents contre des juifs et des institutions juives dans toute la France.

Cependant, il leur est difficile d’avaler le fait que pour approcher le public réactionnaire de droite, un Juif est prêt à réécrire l’histoire et à justifier rétrospectivement la politique pronazie et antisémite du gouvernement de Vichy dirigé par le général Petain, affirmant qu’il protégeait les Juifs français des nazis (« mais pas les Juifs qu’ils n’avaient pas la nationalité française ») et ignoraient le fait que les responsables du côté français étaient ceux qui étaient parfois à l’origine des décisions de la répression, y compris la déportation d’enfants juifs vers les camps de la mort.

D’une manière ou d’une autre, les Juifs de France sont gênés par la candidature de Zemmour. La ligne qui caractérisait autrefois une partie de la communauté juive française et de ses dirigeants, l’assimilation en Allemagne (via la Haskala), fut en effet un échec complet, dont l’aboutissement tragique fut la Seconde Guerre mondiale. Zemmour représente aujourd’hui une nouvelle assimilation juive non moins toxique que son prédécesseur.