Mais qui est exactement Gideon Behar ?

Ancien ambassadeur d’Israël au Sénégal, où il a laissé un souvenir impérissable, Monsieur l’Ambassadeur Gideon Behar dirige aujourd’hui le Département de la lutte contre l’antisémitisme au ministère israélien des Affaires Étrangères. Infatigable, dévoué corps et âme à sa mission et à notre État, ce diplomate est – Cela mérite d’être signalé ! – d’une efficacité rare. Parlant couramment non seulement l’hébreu et l’anglais, le français et le néerlandais, toutes ces langues n’ont pas de secrets pour lui… et c’est d’ailleurs en un français impeccable qu’il a répondu à cet interview). Même en tant que journaliste, ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre un homme aussi exceptionnel sur qui notre État et nos communautés peuvent compter!

Interview entre Mr l’Ambassadeur Gideon Behar et Y. Ben Avraham, journaliste sur Alyaexpress-News

 

Monsieur l’Ambassadeur, nous vous remercions de bien avoir voulu accorder cet interview à Alyaexpress-News, en introduction à la prochaine publication in extenso du « Plan d’action visant à combattre l’antisémitisme – 2013 et au-delà », mis au point lors de la 4ème Conférence Internationale  du « Forum global pour combattre l’antisémitisme » qui s’est tenu à Jérusalem en mai 2013, outil que – vu son importance primordiale tant pour les communautés juives de diaspora que pour les Justes des nations qui tentent de combattre ce fléau – nous comptons publier prochainement, avec votre permission, dans son intégralité (en français et en plusieurs volets).

Y. Ben Avraham – Monsieur l’Ambassadeur, l’importance du fait psychologique et tactique que l’Etat d’Israël en est finalement venu à accepter de prendre la direction générale de la lutte contre l’antisémitisme veut-il dire que ce combat, laissé jusqu’alors aux diverses communautés juives ainsi qu’à nos rares amis dans le monde, était trop dispersé, voire quasi-inefficace, ou que l’antisémitisme a atteint une telle proportion mondiale que l’État juif se devait moralement de prendre d’urgence les choses en main ?

G. Behar – Alors… la réponse est que, en Israël, le Département pour combattre l’antisémitisme existe déjà depuis dix ans, à mon avis. Ce n’est pas une nouvelle création. Car pour nous, Israël, nous connaissons notre responsabilité de protéger et d’être solidaire avec le monde juif partout, avec chaque Juif. Ça c’est depuis la création de l’Etat d’Israël et vous pouvez le voir aussi dans le passé avec l’aide que l’Etat d’Israël a donnée aux Juifs qui habitaient en Union soviétique, qui voulaient sortir, qui voulaient émigrer vers Israël ou ailleurs. Or Israël a été toujours, toujours, toujours, impliqué dans la sauvegarde des communautés juives dans le monde, ce n’est pas une chose nouvelle. Une autre chose c’est que, à cause de ou grâce à, la démographie juive dans le monde juif, le centre de vie juif devient de plus en plus Israël ; c’est de plus en plus évident qu’Israël est le centre, parce que Israël est devenu le centre principal de vie juive, la majorité des Juifs habitent en Israël, ensuite aux Etats-Unis et en France, alors il est donc normal que les questions qui sont relatives au monde juif deviennent de plus en plus l’intérêt de l’État d’Israël. Donc, ce n’est pas une nouvelle chose ! Nous avons comme Etat juif une obligation morale de protéger les Juifs partout dans le monde. Et vous pouvez l’entendre partout, par les déclarations des dirigeants de l’État d’Israël. 

Y. Ben Avraham – Existe-t-il un représentant de votre département dans chaque ambassade d’Israël, personne auprès de laquelle il serait possible de prendre conseil et – si non – ne serait-il pas nécessaire de créer un tel poste ? Si oui, serait-il possible d’en avoir la liste pour les pays francophones ?

G. Behar – Chaque ambassade est responsable aussi pour la lutte contre l’antisémitisme. Il n’y a pas un poste spécial pour cela mais je peux vous assurer que nos diplomates, nos émissaires hors d’Israël sont très conscients de l’importance de la lutte contre l’antisémitisme. Cela commence par nos ambassadeurs, les chefs adjoints de nos ambassades, les personnes responsables pour la Hasbara (« Information/Explication »), les personnes responsables pour les contacts avec les communautés juives : ils sont tous conscients de l’importance de la lutte contre l’antisémitisme et je peux vous assurer que pour l’année passée – Nous avons 99 ambassades et consulats dans le monde ! – nous avons mené des centaines d’actions contre l’antisémitisme ! Un exemple des plus proéminents du travail du ministère des Affaires Etrangères, c’est le « Forum global pour combattre l’antisémitisme » qui a réuni plus de 550 personnes, de 50 différents pays, 6 différentes religions, qui ont créé ce document. Ce documents a été écrit par des centaines de personnes. Ça c’est la particularité de ce texte ! Il y avait dix groupes de travail, chaque groupe consistait en quelques dizaines de personnes qui ont pris une journée complète pour discuter. Ils ont préparé avant, et même après, leur plan de bataille, c’était donc un effort collectif de plusieurs centaines de personnes. Je pense donc que cela donne un bon exemple de notre engagement, notre responsabilité, pour lutter contre l’antisémitisme. L’antisémitisme n’est pas qu’un danger pour les Juifs, c’est aussi un danger pour l’Etat d’Israël : c’est bien évident !  

Y. Ben Avraham – L’antisémitisme est souvent mis en parallèle avec le racisme et la xénophobie. Ne s’agit-il pas de choses également condamnables, certes, mais complètement différentes ? Une sorte de melting-pot que les médias touillent à leur gré pour mettre en évidence les relents du racisme et de la xénophobie afin de mieux noyer l’odeur pestilentielle de l’antisémitisme ?

G. Behar – Regardez ! L’antisémitisme, par définition est un crime haineux (« hate crime »). C’est le plus ancien crime haineux qui existe dans le monde. Si vous voulez trois mille ans, deux mille ans… c’est très, très ancien. Il y a des différences entre xénophobie et antisémitisme, parce que l’antisémitisme est spécialement contre les Juifs. Il y a de l’antisémitisme aussi dans des pays où il n’y a pas de Juifs, où il n’y a jamais eu de Juifs là-bas. Alors, ce n’est pas une sorte de xénophobie, s’il n’y a pas de Juifs là-bas… vous voyez ! Mais c’est dans la même famille et les mesures pour combattre l’antisémitisme à de nombreuses reprises sont les mêmes moyens que ceux pour combattre les crimes haineux et le racisme… à de nombreuses reprises, il s’agit des mêmes moyens. Nous sommes contents qu’aujourd’hui, dans l’Union européenne, il existe de nombreux moyens primordiaux pour combattre l’antisémitisme : par exemple, le FRA (« Fondamental Rights Agency »/ « Agence pour les Droits Fondamentaux ») – c’est une agence très importante – qui combat toutes sortes de racismes, xénophobies, inégalités et l’antisémitisme…

Y. Ben Avraham – Mais, ne pensez-vous pas qu’il faut diviser…

G. Behar – Pas forcément ! Pas forcément ! Des fois, c’est mieux de laisser le combat contre l’antisémitisme dans la grande bataille contre le racisme et la xénophobie. C’est plus utile !

 Y. Ben Avraham – La plupart des Etats européens ont actuellement un arsenal législatif condamnant l’antisémitisme mais certains d’entre eux délèguent les poursuites judiciaires à des associations chargées également de la lutte contre le racisme et la xénophobie, associations souvent dirigées par des personnes plus sensibles aux agressions anti-Arabes et anti-musulmanes qu’aux autres et qui, donc, n’entament des poursuites contre les antisémites que contraintes et forcées. Dans quelle mesure l’Etat d’Israël pourrait-il faire pression sur ces Etats européens pour que leurs lois soient également respectées quant à l’antisémitisme ?

G. Behar – Je pense que je ne suis pas d’accord avec votre affirmation selon laquelle il existe une préférence pour lutter contre l’islamophobie ou des choses comme cela… ou anti-Arabes. Je pense que ce que nous voudrions voir des autorités compétentes en Europe, c’est un traitement sérieux de la question de l’antisémitisme. Okay, je ne veux pas comparer la question de l’antisémitisme avec d’autres choses. Je voudrais voir un traitement clair et direct contre l’antisémitisme. Ça, c’est le plus important !

Y. Ben Avraham – La Cour européenne des droits de l’homme saisie par un citoyen helvète qui avait nié que la tragédie arménienne de 1915 était un « génocide » et avait donc été condamné pour cela par la justice de son pays, vient de condamner la Suisse car – selon elle – cette négation relevait de « la liberté d’expression » et de « la liberté d’opinion ». Ne craignez-vous pas qu’une telle décision de la Cour européenne ne soit une porte ouverte au négationnisme de la Shoah ?

G. Behar – J’ai lu la décision de la Cour européenne. Elle a dit que le négationnisme de la Shoah n’est pas acceptable. Je ne sais pas si vous-même, vous avez lu cette décision ?

Y. Ben Avraham – Euh… Non! (Grosse faute de ma part… C’est ce qui arrive quand on lit l’article d’un confrère en cogitant sur les conséquences éventuelles, sans prendre le temps d’aller vérifier les sources ! Après vérification – voir : hudoc.echr.coe.int/webservices/content/pdf/003-4613818-5581434 – Monsieur l’Ambassadeur Behar a parfaitement raison!)

G. Behar Alors, je vous conseille d’aller vérifier cette décision et de voir par vous-même – Vous pouvez le trouver facilement ! – qu’ils ont mentionné que la négation de la Shoah n’est pas acceptable. Ils ont établi la différence mais il faut être sûr que ce que je dis est 100% correct.

Y. Ben Avraham – En 2007, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une « Recommandation », titrée « Les dangers du créationnisme dans l’éducation », se voulant interdire, en dehors des cours de religion, l’enseignement du fait que le monde n’est pas le fruit de l’évolution mais a été créé en 6 jours. Dernièrement, cette même Assemblée parlementaire a également adopté une « Recommandation » se voulant interdire la circoncision et l’on parle aussi d’interdire la Ch’hita (NDLR : « abattage rituel juif »… très différent de l’abattage rituel musulman dans le sens où, chez nous, de nombreuses précautions sont prises afin que l’animal souffre le moins possible. Ainsi, par exemple, l’abatteur rituel avant de pouvoir exercer doit étudier de nombreuses années, doit parfaitement connaître l’anatomie de la bête – dont l’emplacement exact de la carotide – et, si son couteau aussi effilé qu’un rasoir a la moindre ébréchure, la viande devient – vu la douleur supposée – impropre à la consommation pour les Juifs !) partout en Europe. N’y voyez-vous pas une atteinte aux fondements du judaïsme, donc de l’antisémitisme masqué ?

G. Behar – Je pense que la  Ch’hita kchéra (« Ch’hita cachère ») et Brit mila (« Circoncision ») sont fondamentales pour la continuation de la vie juive en Europe. Je pense que ce serait presque – Probablement ! – impossible de vivre sans avoir la possibilité de faire la Ch’hita kchéra ou la Brit mila. En plus, je peux dire que si ça arrive, alors les gens qui feront la Brit mila seront des « criminels » aux yeux de la loi. Alors ça, ce n’est pas acceptable ! Nous, en Israël, nous faisons tout ce qui est possible pour faire réviser cette « Recommandation » par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous espérons que cette « Recommandation » sera changée. En ce qui concerne la Ch’hita kchéra, c’est également difficile mais vous savez que cela existe déjà dans cinq pays. La Ch’hita est interdite dans cinq pays en Europe : c’est la Suisse, la Suède, l’Islande, la Norvège et, depuis l’année passée, la Pologne. Alors, ça c’est aussi une problématique… c’est moins problématique que la circoncision qui, aux yeux de plus de gens, est plus importante parce que c’est véritablement la base : presque chaque Juif pratique la Brit mila mais ce n’est pas tous les Juifs qui mangent de la viande cachère. Mais, quand même, nous pensons que c’est très sérieux et que qu’il s’agit d’une atteinte aux droits rituels religieux. La base de ces initiatives n’est pas antisémite. Ce n’est pas antisémite car cela concerne d’autres choses qui se passent en Europe, cela concerne l’attitude que certains groupes ont envers les animaux, par exemple. Mais quand même, si ce n’est pas de l’antisémitisme, cela crée une pression sur les communautés juive en Europe et c’est néfaste. Il faut avoir une existence juive libre en Europe.

Y. Ben Avraham – La TV de la (dite) « Autorité » (dite) « Palestinienne », faisant écho à l’idéologie de cette (dite) « Autorité » dans un documentaire sur le Fatah, affirmait dans le but de diaboliser les Juifs : « L’Europe ne peut supporter leurs traits de caractère, monopoles, corruption, de même que leur contrôle et arrivisme au sein des gouvernements. En 1290, le roi Edouard Ier a publié un décret bannissant les Juifs (de l’Angleterre). Vinrent ensuite la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la Tchécoslovaquie, l’Espagne et l’Italie. Les nations européennes sentaient qu’elles avaient souffert une tragédie en donnant refuge aux Juifs. Plus tard, les Juifs obtinrent la Déclaration Balfour et l’Europe a vu cela comme une solution idéale pour s’en débarrasser » (Emission du 01/01/2013). Selon vous – en dehors de l’antisémitisme que contient cette affirmation – n’y aurait-il pas un peu de vrai dans celle-ci… dans le sens où – consciemment ou inconsciemment – les nations occidentales, constatant l’échec de notre éradication par le nazisme, ne nous auraient donné un Etat que dans l’espoir secret que les Arabes achèvent le « travail »… ce qui expliquerait la renaissance européenne de la propagande antisémite, après 1973, lorsqu’elles ont constaté les échecs répétés de la soldatesque arabe ?

G. Behar – Quelle est la question exactement ?

Y. Ben Avraham – La question : est-ce que les nations ne nous ont pas donné un Etat que pour se débarrasser de nous définitivement ?

G. Behar – Non, non ! Pas du tout ! Pas du tout !

Y. Ben Avraham – L’antisémitisme perdure depuis Avraham Avinou (Abraham) et « Esav sonnet Ya’acov » (NDLR : Axiome talmudique, se basant sur l’exégèse biblique et l’expérience, soulignant que l’Occident, descendant d’Esaü/Esav… « hait » Israël, c’est-à-dire les descendants de Jacob/Ya’acov… étant entendu qu’il s’agit d’une généralité d’où sont bien sûr exclus les Justes des nations) sans parler d’Ichmaël (ancêtre des musulmans) ! Espérez-vous que votre département puisse le juguler avant l’arrivée du Machiah’ Ben David  (Le Messie descendant de David) ?

G. Behar – (Eclat de rire… qu’il faut être Juif, avec le poids de notre Histoire, de nos désillusions et de nos espérances, pour comprendre pleinement !) Non… c’est… Nous faisons le maximum que nous pouvons faire!

Y. Ben Avraham – Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, de votre dévouement au combat contre l’antisémitisme ainsi que d’avoir bien voulu nous répondre, de façon franche et précise, à cet interview.

 

 

1 COMMENTAIRE

  1. Je suis très content que cette noble mission soit confiée à monsieur Gideon Behar que je connais très bien. En tant qu’ambassadeur d’Israel à Dakar, son engagement pour améliorer l’image et la perception de l’Etat d’Israel étaient sans équivoque. Il est humain et généreux. Son désir de paix et de justice font de lui un être exceptionnel. C’est vraiment l’homme qu’il faut pour mener une telle mission et ce n’est pas Israel seulement qui gagne, mais aussi l’Afrique et les africains qu’il aime autant que les juifs. Nous seront très heureux de contribuer à sa réussite et c’est un sentiment de devoir moral qui nous habite. Je félicite Israel pour ce choix et je souhaite plein succès à Gideon Behar car aucun moyen ni aucune énergie ne doit être économisée pour lutter contre l’antisémitisme, le terrorisme et le racisme. Ces fléaux qui humilient et dévalorisent l’espèce humaine doivent disparaitre de la surface de la terre pour que notre survie soit assurée.