Le doublement du soutien du Rassemblement national en deux ans, à 34 %, marque une étape importante. Autrefois considéré comme un paria en raison de ses associations historiques avec l’antisémitisme, le parti a connu une transformation remarquable sous la nouvelle direction. Son ferme soutien à Israël et sa vive opposition à l’antisémitisme représentent un changement radical par rapport à ses positions passées. Cette évolution a placé les Juifs français dans une position complexe, déchirés entre la position pro-israélienne du parti et les inquiétudes persistantes concernant sa rhétorique nationaliste.
De l’autre côté du spectre politique, l’émergence de la coalition du Nouveau Front populaire présente son lot de défis. Traditionnellement, les institutions juives étaient associées au Parti socialiste et au parti présidentiel. L’alliance récente du Parti socialiste avec des éléments d’extrême gauche, dont certains ont été critiqués pour leurs sentiments antisionistes, voire antisémites, est profondément troublante pour de nombreux membres de la communauté juive et a été perçue comme un abandon. La sympathie présumée de la coalition pour le Hamas et son utilisation du drapeau palestinien comme symbole de ralliement ont exacerbé les craintes d’une montée de l’antisémitisme déguisé en antisionisme. Malheureusement pour les Juifs, le drapeau qui unit les partis de gauche n’est plus le drapeau rouge mais le drapeau palestinien.
L’affaiblissement de l’alliance centriste du président Macron complique encore les choses. Pour tenter de construire un bloc commun contre l’extrême droite et de maintenir sa position centrale, Macron, suivant l’exemple du Parti socialiste, a annoncé son adhésion au Nouveau Front populaire, un parti considéré par 92 % des juifs français comme promouvant l’antisémitisme. Les juifs qui comptaient sur la protection du président se retrouvent aujourd’hui abandonnés par leur protecteur. Le dernier rempart de l’arc républicain qui était censé protéger les juifs s’est effondré. Cela signifie de fait que les juifs français et leurs institutions risquent d’être sacrifiés par tous les partis qui les protégeaient jusqu’à présent.
La situation est compliquée par le contexte géopolitique plus large. Les événements du 7 octobre 2023 ont jeté une ombre sur la situation, intensifiant les débats autour d’Israël, de la Palestine et de l’antisémitisme en France. L’utilisation de Gaza comme cri de ralliement contre les Juifs et Israël a créé une atmosphère de tension et de peur au sein de la communauté juive.
Ces développements politiques surviennent à un moment de vulnérabilité accrue pour les Juifs français. Le souvenir des émeutes de juin 2023, où des entreprises juives ont été ciblées, reste frais. Alors que le Nouveau Front populaire menace de manifester massivement en cas de victoire du Rassemblement national, des inquiétudes légitimes existent quant au risque de nouveaux troubles et à leur impact sur la communauté juive.
La relation de la France avec Israël est également en jeu. La montée en puissance du Rassemblement national pourrait conduire à une politique étrangère plus ouvertement pro-israélienne. A l’inverse, si le Nouveau Front populaire acquiert une influence significative, l’approche traditionnellement équilibrée de la France à l’égard du conflit israélo-palestinien pourrait pencher plus résolument en faveur de la cause palestinienne.
Alors que la France entre dans une période d’instabilité politique potentielle, les enjeux pour ses citoyens juifs et ses relations avec Israël sont élevés. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si la France peut trouver une voie garantissant la sécurité et les droits de sa communauté juive tout en conservant un rôle constructif dans la diplomatie au Moyen-Orient.
Le Dr Dov Maimon, Senior Fellow au Jewish People Policy Institute (JPPI), coordonne les activités de l’Institut en Europe sur le Jerusalem Post .