Le Prix israélien pour la responsabilité civique sera décerné au Dr Hen Kugel, directeur de l’Institut de médecine légale d’Abou Kabir.
La Treizième chaîne rapporte que le Dr Kugel sera honoré pour son travail d’identification des corps des personnes tuées lors du massacre du 7 octobre. Cela n’a pas encore été officiellement annoncé, mais le ministre de l’Éducation a déjà approuvé la recommandation du comité de récompense.
Mardi, on a appris que le prix de l’héroïsme civique serait décerné à la « Team Elhanan », trois proches de la localité d’Otniel, qui sont venus en aide au kibboutz Beeri le matin du 7 octobre et ont sauvé des dizaines d’habitants.
Elhanan Kalmanzon est mort aux mains d’un terroriste ; la récompense sera remise à son frère et à son neveu, également présents ce jour-là.
Après le 7 octobre, l’Institut de médecine légale s’est trouvé confronté à une tâche pas facile, qui dépassait les capacités humaines.
Hen Kugel a ensuite déclaré aux journalistes : « Je n’ai jamais vu de ma vie une telle cruauté, des choses aussi monstrueuses. Dans certains cas, il ne restait que des cendres et un sac d’os.
Il a fallu identifier les corps d’enfants criblés de balles, de parents brûlés vifs, serrant leurs enfants dans leur dernière étreinte.
Il y a des corps partout. Ou des morceaux de corps.
Avant d’être examinés, les cadavres reposaient sur des civières à roulettes, enveloppés dans d’épais sacs en plastique . Certains sont très petits, de la taille d’un enfant.
Un numéro est attaché à chacun d’eux. Il en arrive de partout, poussés par des hommes, la plupart des volontaires de Zaka, le plus souvent des juifs orthodoxes. Dans la religion juive, un corps ne peut être enterré que lorsqu’il est entier. Autant que faire se peut.
« Nous avons décidé d’exposer cette horreur parce qu’il y a des gens qui nous accusent de mentir et de montrer des ossements de chiens », dit à l’AFP le directeur de l’Institut, le docteur Hen Kugel qui ne cherche même pas à retenir ses larmes.
Il montre un enchevêtrement d’os et de lambeaux de chair liés ensemble par un câble électrique dont la gaine a fondu. Au scanner, explique-t-il, on voit clairement deux colonnes vertébrales. Celle d’un homme ou d’une femme, nous ne savons pas, et celle d’un enfant. La posture des deux corps montre que l’adulte a tenté de protéger le petit. Ils ont été ligotés puis brûlés vifs.
Le docteur Kugel essuie encore quelques larmes. Cela fait 31 ans que je fais ce métier. Je n’ai jamais vu ce degré de barbarie, une telle cruauté, un tel acharnement. C’est juste atroce.
– Corps sans tête –
Les autorités israéliennes ont dénombré plus de 1.400 morts depuis l’attaque menée le 7 octobre par des centaines d’islamistes du Hamas venus de la bande de Gaza pour s’infiltrer dans des localités et kibboutz adjacents au territoire palestinien.
En plus des sept médecins légistes de l’Institut de Tel-Aviv, un anthropologue, un radiologue et huit généticiens participent à l’identification des corps, assistés par une trentaine de volontaires.
Tous se disent surpris par le fait que les poumons des victimes étaient saturés de fumée. D’autres corps sont criblés de balles dans le dos. D’autres encore ont les mains transpercées par des lames ou des projectiles, ce qui révèlent qu’ils se sont battus au corps à corps contre leurs agresseurs.
« Nous ne savons pas combien de bébés sont morts, ni combien de personnes âgées. Il y a aussi beaucoup de corps sans tête ». Cela va prendre encore un peu de temps pour identifier tout le monde, admet le docteur Kugel quelques jours apres le 7 octobre.
Une famille entière d’Ukrainiens a péri dans l’attaque du Hamas. Ils avaient fui le conflit dans leur pays. Il y aussi des ressortissants américains.
Peut-être d’autres nationalités encore, précise le médecin légiste Hagar Mizrahi.
Derrière lui, s’ouvre une porte électrique coulissante percée d’un hublot. Sur une longue table métallique, un corps gris est allongé. Là encore, impossible de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Des tatouages sont visibles sur le dos et les membres gonflés. La victime n’a pas été brûlée vivante mais les impacts de balles sont bien visibles.
Les responsables du lieu demandent aux journalistes de faire preuve de responsabilité en ne donnant pas d’indications qui pourraient perturber les familles des suppliciés.
– Je sens l’odeur –
Nurit Boublil, responsable de l’unité d’identification génétique, indique que des centaines de corps ont été convoyés à l’Institut. La plupart ont été identifiés.
Mais tout est rendu difficile par le fait que souvent les suppliciés ont été attachés ensemble. Il est donc possible que dans un seul sac, il y ait deux corps, voire trois, ajoute la médecin.
Avant d’arriver à cet institut, certains corps ont d’abord transité par la base militaire de Shura, près de Ramla (centre), où ils étaient en attente d’une première identification ou d’inhumation dans des conteneurs réfrigérés.
Sur place, parmi les médecins, experts médico-légaux et volontaires, l’ancien grand rabbin de l’armée, Israël Weiss, est sorti de sa retraite pour aider.
« J’ouvre la porte des conteneurs réfrigérés, je vois les corps, je sens l’odeur, je la laisse remplir mes poumons et mon coeur, mais ce que je ressens, c’est leur douleur et leur disparition » murmure le rabbin Weiss.
Lui et d’autres membres de son équipe qui ont examiné les corps, affirment que de nombreuses victimes ont été torturées, violées ou maltraitées. L’AFP dit n’a pas été en mesure de vérifier leurs déclarations de source indépendante.
» Jamais de ma vie je n’ai vu de telles horreurs », ajoute le rabbin devant des conteneurs où sont disposés, dans chacun d’eux, jusqu’à une cinquante de corps dans des sacs mortuaires blancs.
» J’ai vu des bébés, des femmes et des hommes décapités. J’ai vu une femme enceinte dont le ventre était éventré et le bébé arraché ».
Pour identifier les victimes, les équipes se basent sur des échantillons d’ADN, des empreintes digitales et des dossiers dentaires.
Rien ne pouvait nous préparer à cela, dit la sergent-chef Avigayil, en évoquant des sévices infligés aux corps des victimes.
Des psychologues et des assistants sociaux participent également à l’opération pour aider les équipes d’identification à la fin de chaque journée.