Une cellule cyber iranienne a diffusé les noms, photos, numéros de téléphone et adresses d’ingénieurs israéliens travaillant dans les industries de défense, promettant 10 000 dollars à quiconque transmettra des informations permettant leur arrestation. Une escalade inquiétante dans la guerre numérique, qui poursuit un objectif limpide : exporter la terreur jusque dans les foyers israéliens.
L’annonce a retenti comme une gifle de Téhéran : une organisation cyber iranienne, se présentant comme un bras du renseignement des Gardiens de la Révolution, a publié samedi une liste de dix ingénieurs et cadres israéliens issus de sociétés de défense sensibles. Les informations diffusées sont d’une précision glaçante : photos personnelles, numéros privés, adresses mail, postes occupés, lieux de résidence, parcours professionnels, et même des éléments susceptibles d’identifier leur famille.
« Ceux qui pensaient pouvoir se cacher dans l’ombre vont désormais sentir le poids de l’effroi », ont écrit les hackers dans un communiqué menaçant.
Le message est sans ambiguïté : 10 000 dollars en échange d’une information “fiable” menant à l’arrestation de l’un des ingénieurs. Le groupe précise que tous les signalements seront traités “en totale confidentialité”. Une manière détournée d’encourager la délation, voire des tentatives d’enlèvement à l’étranger.
Les autorités israéliennes étudient désormais l’origine exacte de la fuite. Plusieurs données semblent avoir été extraites de réseaux professionnels comme LinkedIn, mais la nature et la profondeur de certaines informations suggèrent des infiltrations plus sérieuses — peut-être issues d’attaques simultanées menées contre des serveurs ou des appareils personnels.
L’escalade cyber iranienne : de la propagande à la traque ciblée
Cette opération intervient alors qu’un autre site anonyme, révélé récemment par Ynet, appelait au meurtre d’universitaires israéliens travaillant dans le nucléaire, la cybersécurité et l’aéronautique. Le site proposait même 100 000 dollars pour l’assassinat d’un scientifique. Là encore, la rhétorique mêlait obsession anti-israélienne et volonté d’intimidation psychologique.
Ces deux affaires confirment la montée en puissance de ce que des analystes appellent « la stratégie de harcèlement numérique extraterritorial » de l’Iran. L’objectif : déstabiliser la société israélienne en s’en prenant directement à ses civils les plus exposés, en particulier les scientifiques, ingénieurs et responsables travaillant dans les secteurs clés de la sécurité nationale.
Selon un rapport du média d’opposition Iran International, qui a publié une enquête approfondie sur la mystérieuse “Division 40”, ce département des Gardiens de la Révolution est chargé de cibler les Israéliens dans le monde. Le groupe aurait notamment piraté des cliniques à Istanbul pour localiser des Israéliens venus y subir des opérations de chirurgie esthétique ou des greffes de cheveux.
Ces révélations ont confirmé ce que le Mossad laissait entendre depuis des années : des équipes iraniennes traquent physiquement les Israéliens à l’étranger, attendant l’occasion de mener un enlèvement ou une attaque. Le renseignement israélien a déjoué plusieurs tentatives, certaines à la dernière seconde — ordonnant à des touristes de s’enfermer dans leur chambre d’hôtel en Turquie, quelques minutes avant qu’un tueur à gages ne les atteigne.
Cette fois, l’Iran passe un cap supplémentaire : désigner des ingénieurs israéliens comme des cibles publiques, presque comme s’il s’agissait de criminels recherchés.
Une guerre psychologique assumée
La rhétorique utilisée par les hackers ne laisse aucun doute : il s’agit d’une campagne psychologique soigneusement orchestrée. Dans leur communiqué, ils s’adressent directement aux ingénieurs :
« Chaque couloir que vous empruntez, chaque secret que vous croyez encore protéger, tout cela peut devenir une preuve contre vous. Vous êtes traqués, non par des fantômes, mais par la vérité inévitable. »
Ce langage s’inspire des pratiques de groupes terroristes tels que le Hezbollah ou certaines milices chiites irakiennes, qui ont l’habitude de publier des listes de “cibles” à éliminer.
En désignant des civils israéliens travaillant dans la défense, l’Iran cherche clairement à :
- Créer un climat de peur dans les industries stratégiques israéliennes
- Pousser certains ingénieurs à changer de poste ou quitter leur secteur
- Faire pression sur les entreprises de défense et leurs familles
- Créer un récit anti-israélien mobilisateur pour leur opinion interne
L’Iran tente d’instrumentaliser la guerre psychologique au moment où Israël renforce ses capacités technologiques dans le cadre du programme « Sword of Iron » (חרבות ברזל), notamment dans les domaines de la cyberdéfense, des drones et de la détection avancée — des secteurs où les ingénieurs ciblés jouent souvent un rôle crucial.
Que sait-on des données volées ?
Certaines informations proviennent clairement de bases de données accessibles ou semi-accessibles en ligne. Mais les analyses de cyber-experts indiquent également :
- des métadonnées de localisation
- des détails sur les proches
- des descriptions de projets spécifiques
- des historiques professionnels internes non publics
Ce niveau de détail ne peut être obtenu que par :
- une fuite interne (peu probable),
- un piratage ciblé,
- ou des intrusions dans les services cloud personnels.
L’un des chercheurs cités par Reuters rappelle que les cyber-unités iraniennes ont investi massivement ces dernières années dans les attaques par spear-phishing, souvent très sophistiquées.
Le gouvernement israélien réagit
À Jérusalem, cette escalade est prise très au sérieux. Bien que les autorités ne commentent pas publiquement les actions iraniennes, plusieurs responsables sécuritaires affirment que :
- les ingénieurs concernés ont été immédiatement contactés,
- leurs réseaux privés et professionnels ont été analysés,
- des protocoles renforcés ont été activés dans les entreprises sensibles.
Dans les industries de défense, où la paranoïa est un outil de travail, cette divulgation constitue un choc. Mais elle révèle aussi la dépendance iranienne à ces tactiques : faute de pouvoir frapper directement Israël, Téhéran cherche à provoquer la panique par la terreur numérique.
La longue main de l’Iran : une stratégie globale
La campagne des hackers s’insère dans un vaste ensemble d’opérations hostiles menées par Téhéran :
- soutien militaire massif au Hamas et au Jihad islamique,
- financement et supervision opérationnelle du Hezbollah,
- attaques cyber contre des infrastructures civiles israéliennes,
- harcèlement d’Israéliens à l’étranger,
- infiltration et propagande en ligne.
Israël se retrouve face à un adversaire qui combine guerre classique, terrorisme par procuration, cyberattaques, et désormais menaces personnalisées contre des civils.
Analyse : un tournant dangereux mais révélateur
Ce que révèle surtout l’opération de samedi, c’est l’extrême nervosité du régime iranien. En exposant des ingénieurs israéliens au grand public, l’Iran tente de masquer :
- ses difficultés internes,
- son isolement diplomatique,
- son incapacité à freiner la nouvelle architecture sécuritaire entre Israël et les États-Unis sous le président Trump,
- l’érosion de ses milices régionales.
L’“opération d’intimidation numérique” vise donc autant le public iranien que les Israéliens.
Mais du point de vue israélien, ce choix comporte un effet inverse :
il justifie plus que jamais la nécessité d’une posture offensive dans le cyberespace, domaine où Israël conserve un avantage stratégique incontestable.
L’attaque cyber iranienne ne se limite pas à une violation de vie privée : elle constitue un acte hostile, ciblé et prémédité contre des civils israéliens travaillant pour la défense de leur pays. En publiant des noms, photos et adresses, l’Iran cherche à introduire la peur dans les foyers israéliens ; mais en retour, il rappelle au monde la nature profondément terroriste de son appareil militaire.
Dans une époque où les conflits se jouent autant sur les lignes de front que dans les disques durs, Israël doit renforcer encore ses défenses, protéger ses experts, et continuer à neutraliser — sur tous les terrains — les tentatives de Téhéran d’exporter sa politique de terreur.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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