Alors que l’allié du Hamas est attaqué à Gaza, le chef de la force iranienne Al-Qods s’est rendu à Beyrouth en février pour discuter du risque posé si Israël cible à nouveau le Hezbollah libanais, une offensive qui pourrait nuire gravement au principal partenaire régional de Téhéran, ont indiqué sept sources.

A Beyrouth, le chef de Quds, Esmail Qaani, a rencontré le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, ont indiqué des sources, pour au moins la troisième fois depuis l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre contre le sud d’Israël, qui a déclenché l’offensive israélienne visant à éliminer le groupe terroriste.

La conversation a porté sur la possibilité d’une offensive israélienne à grande échelle au nord du Liban, ont indiqué les sources. En plus de nuire au groupe terroriste chiite, une telle escalade pourrait pousser l’Iran à réagir avec plus de force qu’il ne l’a fait jusqu’à présent depuis le 7 octobre, ont déclaré trois des sources, des Iraniens proches du pouvoir.

Depuis le 8 octobre, les forces dirigées par le Hezbollah ont attaqué presque quotidiennement les communautés israéliennes et les postes militaires le long de la frontière, causant des morts et des dégâts considérables, et le groupe prétend qu’il le fait pour soutenir Gaza dans le contexte de la guerre qui y est menée.

Lors de cette rencontre, qui jusqu’à présent n’avait pas été rapportée, Nasrallah a assuré à Qaani qu’il ne voulait pas que l’Iran soit impliqué dans une guerre avec Israël ou les États-Unis et que le Hezbollah se battrait seul, selon toutes les sources.

« C’est notre combat », a déclaré Nasrallah à Qaani, selon une source iranienne proche des pourparlers.

Calibrés pour éviter une nouvelle escalade, les escarmouches au Liban ont néanmoins poussé des dizaines de milliers de personnes à abandonner leurs foyers des deux côtés de la frontière. Les attaques du Hezbollah ont tué sept civils côté israélien, ainsi que la mort de 10 soldats et réservistes de Tsahal. Il y a également eu plusieurs attaques depuis la Syrie, sans faire de blessés.

Le Hezbollah a nommé 244 membres tués par Israël lors des escarmouches en cours, la plupart au Liban mais aussi en Syrie. Au Liban, 41 autres membres d’autres groupes terroristes, un soldat libanais et au moins 30 civils, dont trois journalistes, sont morts.

Ces derniers jours, les contre-attaques israéliennes ont gagné en intensité et en ampleur, alimentant les craintes que la violence ne devienne incontrôlable même si les négociateurs parviennent à une trêve temporaire à Gaza.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant a indiqué en février qu’Israël prévoyait d’augmenter les attaques pour chasser de manière décisive les combattants du Hezbollah de la frontière en cas de cessez-le-feu temporaire à Gaza, bien qu’il ait laissé la porte ouverte à la diplomatie.

En 2006, Israël a mené une guerre aérienne et terrestre courte mais intense avec le Hezbollah, qui s’est avérée dévastatrice pour le Liban.

Des sources de sécurité israéliennes ont précédemment déclaré qu’Israël n’avait pas l’intention d’étendre les hostilités, mais ont ajouté que le pays était prêt à se battre sur de nouveaux fronts si nécessaire. Une guerre totale à sa frontière nord mettrait à rude épreuve les ressources militaires d’Israël.

L’Iran et le Hezbollah sont conscients des graves dangers d’une guerre plus large au Liban, ont déclaré deux des sources partageant les vues du gouvernement de Téhéran, y compris le danger qu’elle puisse se propager et conduire à des attaques contre les installations nucléaires iraniennes.

Les États-Unis incluent l’Iran sur la liste des États soutenant le terrorisme et tentent depuis des années d’arrêter le programme nucléaire de Téhéran. Israël considère depuis longtemps l’Iran comme une menace existentielle. L’Iran nie vouloir se doter de l’arme nucléaire.

Pour cet article, Reuters s’est entretenu avec quatre sources iraniennes et deux sources régionales, ainsi qu’une source libanaise qui a confirmé le contenu de la réunion. Deux sources américaines et une source israélienne ont affirmé que l’Iran voulait empêcher qu’une guerre n’éclate entre Israël et le Hezbollah. Tous ont demandé l’anonymat pour pouvoir parler de sujets sensibles.

Le Département d’État américain, le gouvernement israélien, Téhéran et le Hezbollah n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

Selon les analystes, la réunion de Beyrouth met en lumière les tensions dans la stratégie iranienne consistant à éviter une escalade majeure dans la région tout en projetant sa force et son soutien à Gaza à travers le Moyen-Orient par le biais de groupes armés alliés en Irak, en Syrie et au Yémen.

Qaani et Nasrallah « veulent isoler davantage l’Iran des conséquences du soutien à une série d’acteurs indirects à travers le Moyen-Orient », a déclaré Jon Alterman du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington en réponse à une question sur la réunion.

« Probablement parce qu’ils considèrent que la possibilité d’une action militaire au Liban augmente et non diminue. »

L’influence soigneusement entretenue de Téhéran dans la région est déjà minée, entre autres par l’offensive israélienne contre le Hamas et les potentiels accords de défense américano-saoudiens et de normalisation israélo-saoudiens, ainsi que par les avertissements des États-Unis selon lesquels l’Iran ne devrait pas s’impliquer dans le conflit entre Israël et le Hamas.