Depuis l’annonce de la nomination du général Roman Gofman comme prochain chef du Mossad, le système sécuritaire israélien est en ébullition. Si la décision n’a surpris personne dans les couloirs du renseignement, elle a néanmoins provoqué une déception palpable au sein de l’organisation. Plusieurs experts et anciens responsables voient dans ce choix un message clair de Benjamin Netanyahu : la loyauté personnelle l’emporte sur la continuité institutionnelle. C’est aussi l’analyse d’Oded Ilam, ancien chef de la division terrorisme du Mossad, qui rappelle qu’une partie significative des directeurs du Mossad venaient historiquement de l’armée. Pour lui, « il ne s’agit pas d’une anomalie, mais d’un signal de Netanyahu envers l’organisation : je n’ai trouvé personne d’assez bon parmi vous ».
Cette critique s’inscrit dans un climat de tension déjà marqué par le précédent récent : la nomination d’un responsable extérieur au système pour diriger le Shin Bet. Dans les deux cas, le Premier ministre semble vouloir imposer une rupture avec ce qu’il perçoit comme un “deep state” hostile à son leadership. La désignation de son secrétaire militaire, un officier perçu comme combatif, discret et idéologiquement aligné, s’inscrit dans cette logique.
Des voix internes affirment même que Gofman aurait été reçu par Sara Netanyahu avant la décision finale, une accusation que l’entourage du couple rejette comme totalement infondée. Mais l’existence de rumeurs aussi insistantes témoigne d’un malaise interne rare dans la communauté du renseignement. À cela s’ajoute une critique récurrente sur son profil : son anglais, jugé insuffisant pour un rôle qui exige une coopération permanente avec les services occidentaux. Plusieurs responsables ayant travaillé avec lui confirment le niveau limité de sa maîtrise linguistique, mais affirment que ce handicap n’est pas déterminant, le Mossad opérant surtout dans des zones non anglophones et disposant d’équipes dédiées.
Le parcours de Gofman, né en Biélorussie soviétique, est marqué par une montée rapide dans les rangs de Tsahal. Officier blindé, commandant d’unités opérationnelles, puis chef de division et responsable d’un large éventail de missions sensibles, il s’est imposé comme un homme de terrain, reconnu pour son sérieux extrême, sa discipline et une approche offensive de la stratégie militaire. Mais ces qualités sont aussi perçues comme des limites par certains vétérans de la sécurité nationale, qui déplorent son manque d’expérience directe dans les opérations clandestines, cœur du métier du Mossad. Un ancien responsable du renseignement le décrit comme « un officier qui pense hors du cadre, mais qui n’a aucune expérience de gestion d’un organisme aussi complexe, ni de l’univers des opérations spéciales ou du renseignement humain ».
Plus encore, un incident survenu durant son commandement dans le nord, lorsque Gofman avait approuvé l’utilisation d’un adolescent comme vecteur d’opérations psychologiques, continue de susciter des interrogations sur son discernement. L’affaire, qui avait conduit à l’arrestation du jeune et à l’ouverture d’une procédure judiciaire, avait finalement été classée, mais la controverse demeure.
À l’opposé, ses partisans affirment que Gofman est précisément le profil dont le Mossad a besoin dans la période actuelle : un homme audacieux, imprévisible, extrêmement loyal et doté d’une capacité à penser la guerre moderne à partir d’une lecture stratégique des alliances hostiles, notamment l’axe Iran–Russie. Plusieurs sources soulignent que sa maîtrise du russe lui a permis de mener des missions sensibles à Moscou, où il aurait servi d’émissaire direct de Netanyahu auprès du président Vladimir Poutine. Sa participation à de nombreuses opérations majeures — élimination d’Ali Haïtham Tabatabai, ciblage de dirigeants du Hezbollah, actions clandestines contre l’infrastructure iranienne — alimente l’image d’un officier redouté mais efficace.
Le chef d’état-major Eyal Zamir a tenu à féliciter publiquement le nouvel élu, rappelant leurs années de collaboration et décrivant Gofman comme « un commandant professionnel, courageux, déterminé et apte à affronter les défis stratégiques de l’heure ». Le chef du Mossad sortant, David Barnea, l’a également contacté pour lui souhaiter réussite dans « une période historique pour la sécurité d’Israël ».
Mais certains anciens hauts responsables préviennent : il faudra à Gofman « des années » pour maîtriser les subtilités d’un service de renseignement aussi centralisé et sensible. Ils redoutent même un exode de cadres, conséquence d’un sentiment de mise à l’écart au profit d’une nomination perçue comme politique. D’autres, à l’inverse, affirment que le Mossad est suffisamment solide pour absorber tout choc interne, et voient dans cette transition un tournant vers une nouvelle doctrine : la “huitième frontière”, une guerre mondiale pour la conscience et la légitimité de l’État juif.
Ce débat, qui oppose pragmatisme opérationnel et loyauté politique, révèle une fracture profonde dans l’appareil sécuritaire. Pour Netanyahu, Gofman est l’homme de confiance absolue. Pour ses détracteurs, il est le symbole d’une politisation dangereuse. Une chose est certaine : sa nomination marque le début d’une nouvelle ère au Mossad, dont l’impact se fera sentir bien au-delà des murs du siège de l’organisation.
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