Dans un entretien diffusĂ© ce jeudi matin sur la radio publique israĂ©lienne Kan Reshet Bet, FrĂ©dĂ©ric JournĂšs, ambassadeur de France en IsraĂ«l, a dĂ©taillĂ© la position de son pays aprĂšs lâannonce choc du prĂ©sident Emmanuel Macron sur la reconnaissance dâun Ătat palestinien. Alors que JĂ©rusalem considĂšre cette dĂ©claration comme avant tout symbolique, Paris veut y voir une stratĂ©gie capable de redessiner le jeu diplomatique au Proche-Orient.
« Ce nâest pas seulement une posture. Nous travaillons dĂ©jĂ avec le prince hĂ©ritier saoudien, Mohammed ben Salmane. La reconnaissance dâun Ătat palestinien doit ĂȘtre le socle dâune normalisation rĂ©gionale », a insistĂ© le diplomate. Selon lui, cette dynamique permettrait Ă IsraĂ«l de transformer une menace en opportunitĂ© : « IsraĂ«l peut sortir de cette guerre en vainqueur, si elle choisit le chemin de la reconnaissance et de lâintĂ©gration rĂ©gionale. »
Le pari français : isoler le Hamas, non Israël
Lâargument de Paris repose sur une conviction : la reconnaissance dâun Ătat palestinien ne serait pas une victoire du Hamas, mais une façon de lâĂ©carter dĂ©finitivement. « Le jour dâaprĂšs, Gaza ne sera plus sous contrĂŽle du Hamas. La reconnaissance dâun Ătat palestinien signifiera aussi la reconnaissance dâIsraĂ«l comme puissance rĂ©gionale », a expliquĂ© JournĂšs.
En ce sens, le diplomate reprend une ligne chĂšre Ă Emmanuel Macron, qui veut positionner la France comme acteur central dans la relance dâun processus de paix depuis longtemps moribond. Lâambassadeur a mĂȘme soulignĂ© : « Pendant trop longtemps, il nây avait rien sur la table. Aujourdâhui, il faut crĂ©er une alternative crĂ©dible Ă la guerre. »
Une guerre interminable ou une sortie par le haut ?
JournĂšs ne cache pas son inquiĂ©tude face Ă lâimpasse actuelle. « Cette guerre pourrait durer 20 ans », a-t-il averti, avant dâajouter : « Lâimmense sacrifice des soldats israĂ©liens ne donnera pas nĂ©cessairement plus de sĂ©curitĂ©, mais risque de provoquer un isolement croissant. »
Pour Paris, la sortie rĂ©side dans une sĂ©quence claire : cessez-le-feu, libĂ©ration des otages, puis mise en place dâune force de sĂ©curitĂ© internationale et, en parallĂšle, un processus politique menant Ă la crĂ©ation dâun Ătat palestinien. « Cela suppose que les AmĂ©ricains donnent lâimpulsion nĂ©cessaire pour convaincre le Premier ministre Netanyahu », a glissĂ© lâambassadeur, appel du pied direct Ă Washington.
Gaza : du militaire au civil
JournĂšs a Ă©galement reconnu les succĂšs militaires de Tsahal contre le Hamas, mais il estime que le dĂ©fi principal est dĂ©sormais dâordre civil et sĂ©curitaire. « IsraĂ«l a dĂ©truit la direction du Hamas. Mais le problĂšme, ce sont les âpetits combattantsâ. Ils recrutent plus de jeunes quâils nâont dâarmes. Câest une guĂ©rilla continue », a-t-il observĂ©.
Pour lui, la stabilisation ne pourra passer que par des institutions locales crĂ©dibles : « Ce nâest plus une affaire militaire mais de police. Il faut des autoritĂ©s respectĂ©es, capables de traiter la criminalitĂ© et dâoffrir aux habitants une vie normale. »
Lâombre dâun bras de fer diplomatique
Lâambassadeur français a toutefois tenu Ă avertir IsraĂ«l : si JĂ©rusalem dĂ©cidait en reprĂ©sailles de fermer la consulat français Ă JĂ©rusalem, Paris rĂ©agirait fermement. « Nous avons fait savoir que si une telle dĂ©cision Ă©tait prise, nous rĂ©pondriions avec dĂ©termination », a-t-il prĂ©venu, tout en minimisant les rumeurs qui circulent actuellement.
Le diplomate a aussi voulu dĂ©samorcer toute perception hostile : « Nous ne sommes pas lâennemi. Notre initiative est un chemin vers la paix et la reconstruction. Plus de cent Ătats partagent cette approche. IsraĂ«l doit choisir entre lâintĂ©gration et lâisolement. »
Une fracture profonde avec Jérusalem
Les propos de JournĂšs illustrent lâĂ©cart croissant entre la France et IsraĂ«l. Tandis que le gouvernement Netanyahu rejette catĂ©goriquement toute reconnaissance unilatĂ©rale dâun Ătat palestinien, Paris sâaligne sur une dynamique europĂ©enne plus critique envers la stratĂ©gie israĂ©lienne Ă Gaza. Cette divergence nâest pas nouvelle, mais elle prend aujourdâhui une dimension symbolique, alors que les guerres au Proche-Orient reconfigurent les Ă©quilibres diplomatiques.
Pour IsraĂ«l, qui voit dans cette reconnaissance une prime donnĂ©e aux violences du Hamas, la position française rĂ©sonne comme une trahison. Pour Paris, elle reprĂ©sente au contraire un pari stratĂ©gique : offrir Ă IsraĂ«l la possibilitĂ© de rĂ©intĂ©grer un environnement rĂ©gional transformĂ©, plutĂŽt que de sâenfoncer dans une guerre sans fin.
Conclusion : entre opportunité et confrontation
Les dĂ©clarations de lâambassadeur JournĂšs mettent en lumiĂšre la ligne de fracture actuelle : entre un IsraĂ«l qui insiste sur la victoire militaire et une France qui prĂŽne une issue politique. La reconnaissance dâun Ătat palestinien, prĂ©sentĂ©e comme « une chance pour IsraĂ«l », est perçue Ă JĂ©rusalem comme une menace existentielle.
Cette dissonance traduit une rĂ©alitĂ© plus large : lâOccident peine Ă parler dâune seule voix sur le conflit israĂ©lo-palestinien. Pour IsraĂ«l, le dĂ©fi reste de prĂ©server son indĂ©pendance stratĂ©gique sans se couper de partenaires historiques comme la France. Pour Paris, le pari est clair : sans horizon politique, la guerre ne peut que mener Ă lâisolement.
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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