ISRAËL – Jeudi 25 octobre, Bibi Netanyahou a réalisé un coup de théâtre comme seul notre Premier ministre en a le secret: la fusion entre la liste de son parti, le Likoud, et celle d’Israël Beitenou (Israël notre maison) d’Avigdor Liberman, actuel ministre des Affaires Etrangères, pour les prochaines élections législatives qui se tiendront fin janvier 2013.
Lors de la conférence de presse commune entre les deux protagonistes, le Premier ministre a donné les raisons et les objectifs de cette union: augmenter la stabilité gouvernementale et permettre une gouvernance plus performante pour les défis actuels.
Les oppositions à un mariage de raison révèlent un bilan en demi-teinte de l’actuel gouvernement et provoqueront peut-être un réveil salutaire de l’autre côté de l’échiquier politique.
Dissidence
Au sein du Likoud, pour l’instant, peu de voix se sont déclarées.
« En période de primaires, on ne s’oppose pas au chef, beaucoup de ministres craignent pour leur poste et se taisent » déplore un militant à la radio Reshet Beth.
Le seul vrai leader à avoir clairement manifesté son opposition est Mickael Eitan: d’après lui, à cause de cette union, beaucoup d’électeurs historiques du parti au pouvoir voteront pour des listes concurrentes. Sa voix compte à plus d’un titre: d’une part il était de ceux à l’origine de la fusion des listes de droite en 1996 et peut se prévaloir de son expérience comme responsable de cette coalition. De plus, comme actuel ministre de l’amélioration des services gouvernementaux aux citoyens, il est apprécié du public en Israël.
En jouant la carte de la transparence totale, il a publié en ligne, outre sa fiche de paie et son agenda, l’ensemble des statistiques gouvernementales en accès complet et gratuit pour tous. Ces progrès ont permis à Israël de se voir classé dans les premiers rangs mondiaux des services publics en ligne, selon une étude de l’Onu qui, une fois n’est pas coutume, a décerné à Israël pour l’occasion, un prix spécial.
Dissensions
Les dissensions idéologiques entre les deux partis sont patentes et devraient conduire, au mieux, à un statu quo dans bien des domaines.
En politique intérieure, les différences sont criantes pour la place de la religion et l’introduction du mariage civil dans la société, la conscription universelle ou le statut des arabes israéliens. Sur ce dernier point, Liberman souhaiterait un engagement écrit de loyauté des citoyens arabes alors que Netanyahou rejette fermement cette stigmatisation, contraire à l’héritage de la pensée du fondateur du mouvement, Zeev Jabotinski.
En politique extérieure, le Premier ministre, dès 2009, avait appelé de ses vœux à la création d’un état palestinien, alors que pour Liberman, l’objectif de celui-ci est l’annihilation d’Israël. Par ailleurs, pour le ministre des Affaires Etrangères, Abou Mazen est « le pire des interlocuteurs », alors que Netanyahou le considère comme le représentant légitime du peuple palestinien.
On le voit, ces calculs d’apothicaires ne masqueront pas longtemps les différences sur des dossiers essentiels qui nécessitent une position gouvernementale claire et imminente.
Enfin, Liberman est soupçonné d’être impliqué dans plusieurs affaires judiciaires. Que se passerait-il si le conseiller juridique du gouvernement, Yehouda Weinstein, décidait de le mettre en accusation? Voilà qui mettrait à mal l’image d’Israël, avec un ministre des affaires étrangères qui est déjà persona non grata dans bien des chancelleries.
Bilan mitigé
La large coalition gouvernementale qui lie notamment les deux partis depuis 2009 n’est pas parvenue à ses objectifs essentiels: la paix et la sécurité dans le pays et la justice sociale. Certes, Israël se sort très bien en apparence de la crise économique mondiale, mais au prix de grands sacrifices qui empêchent actuellement aux classes moyennes de boucler les fins de mois.
Les résidents du sud du pays, traumatisés, subissent également l’incapacité d’un gouvernement à arrêter définitivement les tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza. Aucun responsable politique n’a réussi à répondre à la question simple: quelle sera la valeur ajoutée de cette alliance avant l’élection.
Réactions au centre gauche?
L’alternative est assez peu convaincante pour le public israélien, qui voit mal revenir en politique Ehoud Olmert, ancien Premier Ministre, condamné dans une affaire et objet d’une enquête dans un dossier de corruption.
Shelly Yahimovitch, tête de file du parti travailliste, a tenté en vain de convaincre l’ancienne ministre des affaires étrangères Tzipi Livni de la rejoindre sur sa liste. La women team ne semble pas l’attirer. Pourtant sa liste devrait arriver en seconde position après l’alliance « biberman » .
Yair Lapid continue à tracer sa voie et présente de nouvelles personnalités issues de la société civile, comme le rabbin Shay Piron très impliqué dans la réforme de l’éducation nationale et Maître Karine Elharar, responsable du département « la clinique juridique » à la prestigieuse université de Bar Illan.
De son côté, Haim Ramon, ancien ministre, se porte en chevalier de l’unification au centre gauche en proposant pour commencer un pacte a minima: engagement politique de ne pas rejoindre la coalition de Bibi. Sur la deuxième chaîne, il surenchérit dans le drame:
« Il ne s’agit pas du destin de chacun des leaders de centre et de gauche mais bien du dernier combat pour faire perdurer Israël comme état juif et démocratique ».
Il est patent que, même si ces formations n’atteignent pas le pouvoir en janvier prochain, le débat démocratique a besoin d’une opposition forte et unie pour préparer l’alternance le moment venu. Tous les commentateurs politiques s’accordent à dire qu’il y a moins de haine entre Livni, Yahimovitch, Lapid et Olmert qu’entre Liberman et Netanyahou.
Encore une preuve, s’il en est besoin, qu’en politique, les affinités le cèdent à l’intérêt.