C’est maintenant !

L’Alya, cet objectif tant désiré par une partie de la communauté juive vivant en dehors de l’Etat d’Israël, est en train de se réaliser.

Pour moi, pour toi, pour lui, pour elle, pour nous, pour vous, pour eux.

Des juives et des juifs de tout âge, de toutes conditions familiales et sociales, de toutes origines, font leur Alya. Rejoignent l’Etat d’Israël pour s’y installer, pour y vivre.

En 2016, en quoi cela est-il exceptionnel ?

Aujourd’hui les olim sont devenus des chiffres et faire son Alya, avec ou sans argent, avec ou sans famille, avec ou sans diplômes, c’est faire partie des statistiques.

Les accueils chaleureux, festifs, et en fanfare sont souvent là à la descente de l’avion, oui.
La prise en charge et les différentes premières étapes de tout nouvel immigrant sont ponctuellement accompagnés de « Mazel Tov », de « Barouh Aba », ou encore de « Beatslaha », en effet.

Mais dans les faits, au-delà, ou plutôt en deçà de la dimension spirituelle qu’est l’Alya, partir d’un quelconque pays pour venir vivre en Israël, c’est surtout un déménagement. Un changement de vie.

Un changement de décor…visuel, auditif, olfactif, voire gustatif.

L’Alya est souvent représentée sous forme de symboles : le drapeau de l’Etat d’Israël, son hymne l’Hatikva, la Teoudat Zeout (carte d’identité israélienne), l’avion El-Al, le chef d’Etat, les juifs religieux, Jérusalem, le Kotel, les plages, etc…

C’est important d’avoir des symboles, qui deviennent des repères quand ils se concrétisent dans nos mains, devant nos yeux, dans notre bouche, et à nos oreilles.

Cela dit, en aucun cas, ce sont ses symboles qui vont vous aider dans votre quotidien de nouvel immigrant.

Et peu importe ce qu’on a fait avant de prendre l’aller simple qui vous donnera enfin votre Teoudat Zeout entre les mains.

Car c’est à partir du moment où on fait le nécessaire pour le logement, l’école des enfants, et l’emploi, que notre Alya a déjà commencé, que nous soyons israéliens ou pas encore.

Ce qui n’est pas ou peu évoqué, c’est évidemment toutes ces premières étapes en tant que « Olé » ou que « Ola ». Les premiers instants dans un pays dont nous sommes susceptibles de ne pas ou de peu connaître la langue.

Où l’environnement, les lieux, peuvent ne pas nous paraître familiers si nous n’avons pas eu l’occasion d’y venir avant.

Où le mode de vie peut nous paraître complètement étranger. Pas mieux, pas moins bien, ceci est à l’appréciation de chacun(e), mais différent.

Les règles ne sont pas les mêmes, le fonctionnement administratif (ce dont nous avons tant besoin à notre arrivée malgré l’incroyable rapidité et la simplicité des premières démarches qui sont faites à l’aéroport, en coordination avec l’Agence Juive du pays de départ) diffère forcément de ce que nous avons connu, surtout pour les juifs de France.

Le système éducatif est complètement différent pour les enfants, même si évidemment, on peut toujours penser qu’une école reste une école, et que son but est de fournir un apprentissage et des connaissances afin d’apporter une éducation aux enfants.

Religieusement, on peut même s’y perdre, même si nous sommes supposés être dans un Etat « Juif ». Il y a différents courants, aucun d’entre eux ne prédomine, et surtout la vie religieuse ne remplit pas chaque coin de rue du pays, mais plutôt certains endroits.

Financièrement, et c’est bien là, comme souvent, le « nerf de la guerre », il faut aussi apprendre à connaître le prix du marché israélien. Et au sens propre comme au sens économique du terme. Les supermarchés, et autres commerces, ont évidemment des prix qu’il va falloir connaître, maîtriser, afin d’organiser ses dépenses. Il y a tout un nouvel apprentissage à faire au quotidien.

Et pour dépenser, il faut qu’il y ait une rentrée d’argent.

Là où Israël excelle, c’est sur son aide financière accordée aux immigrants, même si cela diffère parfois trop entre les différents pays d’origine.

A côté de l’aide, il faut pouvoir apporter la Parnassa, gagner le salaire nécessaire pour vivre, et faire vivre sa famille. Les diplômes ont besoin d’équivalence, ou dans le pire des cas, n’existent pas, et il faut parfois songer à des reconversions professionnelles ou à des emplois « alimentaires ».

Les métiers ne sont pas les mêmes, les méthodes ne sont pas forcément identiques, et surtout très souvent, bien évidemment, la maîtrise de la langue locale est indispensable.

Alors l’Alya, ce « retour » accordé aux Juifs du Monde pour rejoindre l’Etat d’Israël, cette « montée » aussi bien spirituelle que physique (au moins avec l’avion dans le ciel pour venir), en quoi diffère-t-elle d’un déménagement de la France vers les USA, ou de l’Angleterre vers le Japon ?

Tous les changements évoqués plus haut sont valables à différentes échelles pour n’importe quel déménagement d’un pays à l’autre.

Aujourd’hui, lorsqu’on annonce qu’on va faire son Alya, il peut y avoir un effet de surprise (bonne ou mauvaise), de la joie, de la tristesse, de la compréhension, de l’incompréhension.

Mais est-ce qu’il y a de l’admiration ? Du respect ?

L’Alya est devenu tellement quelque chose de courant tant les départs se sont intensifiés ces dernières années, qu’elle en est devenue banale. Et notamment à cause des chiffres, des statistiques.

Parler de 8000 Juifs qui ont fait leur Alya en une année, ça n’évoque rien de concret.

Cela n’évoque pas le bouleversement de 8000 êtres humains, petits ou grands, riches ou pauvres, religieux ou laïcs.

Quitter un pays pour en rejoindre un autre est un choc psychologique, émotionnel, physique, et spirituel. Un traumatisme. Du bébé qui ne peut pas encore parler, mais qui le ressent, jusqu’à celui qui veut finir sa longue vie ici.

Chacun et chacune ressent ce choc, et chacun et chacune le vit à sa façon.

C’est extraordinaire de faire son Alya, au premier sens du terme. D’autant que nous savons qu’Israël est un pays jeune, qui est certes allé très vite dans son développement, mais qui reste jeune avec des défauts cachés de jeunesse, c’est un pays constamment sous une menace de destruction et d’attaques en tous genre.

Ce n’est pas comme tenter le « rêve américain » ou aller vivre au Canada (où la barrière de la langue est déjà moins problématique pour les français), ou d’aller vers l’Asie, sur une île, et toute autre destination passionnelle.

Partir en Israël, c’est bien au-dessus de la passion.

Si on évoque le fait de quitter la France et de partir en Israël à un non-Juif, qui n’a pas forcément d’attachement spirituel, c’est presque insensé. Irrationnel. Pourquoi quitter la France pour aller là-bas ? Tout réapprendre ? Tout reconstruire ?

C’est presque se faire du mal. Un pays si jeune dont la qualité de vie matérielle mise surtout sur l’indispensable, le nécessaire, et moins sur le confort…quelle motivation de pouvoir quitter la France pour ça ?

Certes, il y a des remous dans l’Hexagone depuis plusieurs années, et tout n’est pas parfait, mais quel beau pays, bien construit, un système social développé, où il ne manque rien si on fait abstraction de l’ambiance environnante. Car finalement, les vrais gros problèmes concernent surtout les grandes agglomérations, mais il fait bon vivre en dehors.

Pourquoi s’infliger cette souffrance que peut apporter l’Alya par ce bouleversement, même si cela varie selon les individus ?!

Nombreux sont les Rabbanim qui ont répondu avec brio à cette question.

Et la réponse est sans aucun doute spirituelle, donc irrationnelle. Qu’on connaisse la réponse car nous l’avons trouvé dans la religion juive, ou qu’on ne la connaisse pas vraiment, ça ne change rien. Le Juif qui veut faire son Alya, même s’il va diviser son salaire par 10, qu’il va louer plutôt que d’être propriétaire, et qui va devoir en plus étudier longuement une nouvelle langue, va tout de même réaliser son Alya.

Au-delà des symboles, la « montée » est en chacun de ceux qui sont déjà venus, ou qui sont en train de venir.

C’est au fond de nous.

C’est comme demander à un sportif de haut niveau de tenter d’expliquer pourquoi il aime tant sa pratique, et pourquoi il s’inflige lui aussi tout ce travail, cet acharnement, ces souffrances aussi, mais également ses joies, ses réussites, et surtout, son accomplissement avec un titre de champion.

L’Alya, c’est également notre épreuve.
Sauf qu’il n’y a pas de concurrents. Pour 10 000 olim, il y a 10000 médailles d’or qui attendent.
Et toutes et tous réalisent de grands efforts pour l’atteindre.

Il faut passer par des moments durs, mais les symboles sont là pour nous guider et pour nous offrir les bons moments qui nous poussent à aller chercher notre titre d’israélien intégré, autonome, et enfin heureux en tout point dans notre vie, comme on n’aurait jamais pu l’être ailleurs.

Il est là, l’objectif de l’Alya.