« 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi » fait partie de ces films dont on ne peut sortir indemne. Dès les premières minutes, le spectateur s’identifie au destin d’Ilan et aux souffrances de la famille Halimi. Il faut reconnaître que le visionnage du film est à la limite du supportable, non pas à cause de sa violence supposée, mais parce que nous dépassons pour la première fois le cadre du simple récit et des témoignages rapportés par les médias pour vivre l’histoire d’Ilan au plus près de ses proches.
Il est important de rappeler que les sœurs d’Ilan Halimi ont reconnu que le film se rapprochait beaucoup de ce qu’elles avaient vécu. Au-delà des mots, les images se succèdent, plus terribles les unes que les autres, et se mêlent aux pleurs, à l’angoisse et aux cris.

Le jeu très réaliste des acteurs et le choix d’un scénario fidèle au récit de Ruth Halimi contribuent à plonger le spectateur dans la terrible réalité d’un enlèvement, d’une séquestration et d’un crime dont le caractère antisémite pourtant incontestable n’a été reconnu que trop tardivement par les autorités françaises. Quant aux tortures infligées au jeune Ilan, elles sont davantage suggérées par Alexandre Arcady que mises en avant de sorte que le film parvient à rester sobre malgré l’horreur du drame.

Incontestablement, cette œuvre cinématographique participe au nécessaire devoir de mémoire puisqu’elle a le mérite de rappeler –ou de faire connaître- l’histoire d’Ilan au plus grand nombre. Cependant, son visionnage et le contexte qui entoure sa diffusion en salles ne manquent pas d’interpeller les observateurs engagés que nous sommes.

Tout d’abord, la responsabilité de la police dans l’issue dramatique de cette affaire mérite d’être soulignée. L’incompétence des différentes personnes chargées d’enquêter ainsi que d’orienter la famille durant cette période particulièrement difficile n’est pas seulement éloquente, elle reste inquiétante à l’image de la négation par la police du caractère antisémite de l’affaire malgré l’apparition récurrente d’éléments allant dans ce sens. Les multiples occasions manquées et les nombreuses erreurs commises par les enquêteurs et les policiers  ne manquent pas de nous laisser perplexes d’autant plus que la diffusion des portraits-robots après la découverte du corps d’Ilan permit d’identifier très rapidement les membres du « gang des barbares » alors que l’enquête piétinait à cause de fausses pistes et surtout d’une analyse complètement erronée de la situation.
Alexandre Arcady expliquera d’ailleurs au Parisien que « la mère d’Ilan, très lucide, était en opposition avec les enquêteurs. Ils ont été manipulés par une bande de gamins sauvages. Ils ont perdu du temps et de l’énergie. Ils portent d’ailleurs cela comme une cicatrice et ils me l’ont dit ».

Un autre point mérite également d’être mis en avant : il s’agit de l’hostilité d’un certain nombre de médias, d’intellectuels et de journalistes faisant suite à la sortie de ce film dont le seul tort serait d’adopter le point de vue des victimes et donc de ne pas se mettre du côté des bourreaux pour analyser l’environnement dans lequel ils évoluent afin de « comprendre » leurs motivations et faire porter à la société sa part de responsabilité. Parce que face à l’antisémitisme et à la barbarie, il ne peut y avoir la moindre volonté de « compréhension », il importe de reconnaître que les personnes liées de près ou de loin au « gang des barbares » sont pleinement responsables de leur participation directe ou indirecte à l’assassinat d’Ilan.

En fait, la seule analyse globale que nous pouvons tirer de ce drame réside bien dans la permanence des clichés antisémites qui conduisent immanquablement à la violence et au meurtre. Des clichés relayés par les nouveaux porte-paroles de l’antisémitisme en France que sont Dieudonné, Soral et les propagandistes « antisionistes » qui déshumanisent le juif et le rendent responsable de tous les maux. Et si les assassinats de Sébastien Selam et d’Ilan Halimi, sans oublier le terrible attentat ayant visé l’école Ozar Hatorah de Toulouse, ont tous été commis par des criminels influencés par les discours islamistes et antisionistes, c’est bien parce que ces derniers conduisent immanquablement à l’antisémitisme le plus abject qu’il soit.

En outre, la polémique qui entoure l’altercation opposant Alexandre Arcady à Aymeric Caron – et qui fut d’ailleurs coupée au montage de l’émission « On n’est pas couché » – illustre à quel point le lien de cause à effet est ténu entre la propagande antisioniste et l’antisémitisme meurtrier.
C’est en cherchant à comprendre les motivations des bourreaux d’Ilan Halimi que le polémiste Aymeric Caron est allé jusqu’à préparer des fiches comportant des données sur les « enfants palestiniens tués par Tsahal » tout en faisant un parallèle odieux avec les crimes de Mohamed Merah dont la motivation consistait effectivement à « venger les enfants de Gaza ».

Ainsi, Aymeric Caron importe non seulement le conflit israélo-arabe en France mais il accuse aussi l’Etat d’Israël et Tsahal d’endosser une responsabilité lorsque des juifs sont assassinés à travers l’Hexagone parce que juifs. Le cynisme et la malhonnêteté intellectuelle dont il a fait preuve n’ont d’égale que son ignominie !

En réalité, l’Etat d’Israël offre plus que jamais l’espoir d’une vie digne et épanouie aux juifs de diaspora qui sont confrontés à la banalisation de l’antisémitisme des adeptes de Dieudonné, de Fofana et de Merah. Et pour cause, il convient de rappeler à chacun les propos tenus récemment par la maman d’Ilan. Ce n’est pas sans raison qu’elle prévenait des conséquences néfastes du discours de Dieudonné.  « Il se dit humoriste mais quand on lance des paroles très dangereuses à l’égard des juifs, cela veut dire qu’il faut les tuer. C’est un message de violence absolue » déclarait Ruth Halimi à l’antenne de RTL.

Mais le courage de cette mère, meurtrie dans sa chair, ne s’arrête pas là. On l’entend dire à la fin du film : « je veux que la mort de mon fils serve à donner l’alerte ».

Par ailleurs, lorsque le commissaire responsable de l’enquête cherche à comprendre les raisons qui poussent Ruth Halimi à s’infliger une souffrance supplémentaire en demandant l’exhumation du cercueil d’Ilan pour l’enterrer en Israël, celle-ci lui répond avec un ton empreint de conviction : « pour que ses assassins ne puissent pas venir cracher sur sa tombe ».

En 2007, le corps d’Ilan est transféré en Israël. Cinq ans après, Jonathan Sandler et ses deux enfants, Arieh et Gabriel, ainsi que la petite Myriam Monsonego rejoignaient leur dernière demeure à Jérusalem. Aujourd’hui, ils reposent tous en paix au cimetière de Guivat Shaoul.

Difficile constat que celui de reconnaître que la barbarie antisémite n’empêche pas à la haine de perdurer. Dans une France où « le plus jamais ça » semble avoir définitivement perdu de son sens, il est de notre responsabilité de rester en alerte. Et si nous avons un devoir vis-à-vis de nos martyrs, celui-ci ne consiste pas seulement à lutter contre l’oubli mais avant tout à leur rendre hommage en faisant en sorte que le peuple juif soit plus vivant que jamais. Pour ce faire, notre confiance en l’Eternel est immuable tout comme notre volonté de renforcer l’Etat d’Israël. Plus qu’un simple hommage, c’est notre revanche sur l’Histoire et la plus belle des réponses.


Yonathan Laïk – Alyaexpress-News

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