Mercredi dernier, à Holon, un motard a froidement assassiné un piéton innocent, âgé de 52 ans, qui traversait la route avec sa femme. La tragédie sociale israélienne nous interpelle tous d’une manière particulièrement individuelle. Nul doute que le philosophe, André Comte-Sponville, n’ait raison lorsqu’il dit que la morale n’a pas assez de pouvoir pour faire de nous des êtres imbus de justice ou de compassion.

L’assassin

Néanmoins, de tels actes ont un énorme effet sur notre sens de l’humanité et notre réponse s’identifie fortement aux victimes. Au-delà de cette réaction morale, il est nécessaire, plus que jamais, de réfléchir à la manière dont nous devons analyser cette inhumanité, la cruauté de l’homme. Est-ce que, comme le pensait Spinoza, ne pas être un reflet de l’humain, c’est-à-dire être « hors de l’humanité », ou au contraire faut-il considérer que pour « monstrueux » qu’il soit, l’inhumain est aussi un enfant de notre monde humain
Elle oblige à mieux comprendre son processus évolutif… Cette question n’a cessé de se poser même après les « crimes contre l’humanité » du 20ème siècle commis au nom de la civilisation. Penser l’inhumain, savoir de quoi il est fait, reconnaître les racines de la barbarie, c’est aussi être mieux armé, s’en défendre et lutter plus efficacement contre le mal absolu qu’il représente.

Il existe une inhumanité en l’homme.
Elle se rencontre dans le mouvement de nos institutions, dans les conflits entre les pouvoirs. Chimère de penser pouvoir évincer la violence en réformant le politique ou le système social uniquement. Il est certes possible de le corriger, mais l’homme demeurant ce qu’il n’est pas, la corruption et la violence persistent.
Vous pouvez changer de nom et de lieu de résidence vous resterez toujours le même non-être.

L’homme est une créature sujette à une cruauté inutile.
Il n’hésite jamais à user de la force pour réaliser sa volonté.
Depuis Caïn et Abel, les annales humaines ont été les témoins tragiques de sa violence, de sa cruauté, une espèce barbare et sauvage au nom de ses passions obscures.
Selon l’Histoire biblique, Dieu Lui-même désespérait des pensées du cœur de l’homme.

« L’Éternel vit que les méfaits de l’homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais; et l’Éternel regretta d’avoir créé l’homme sur la terre, et il s’affligea en lui-même. » (Bereshit 6, 5-6)

Un Tanna du nom de Rabbi Sinaï, cité par Rachi dans Parashat Tazria, dit :

« Pourquoi les lois concernant les animaux, les bêtes et les oiseaux précèdent-elles les lois concernant l’homme, apogée de la création, finalité du tout? Tout comme la création de l’homme est postérieure à la création des bêtes et volailles dans l’acte de la Genèse. »

Le premier homme fut créé le vendredi, tandis que les poissons et les oiseaux le furent au cinquième jour de la création du monde. Les animaux et les bêtes paraissent le sixième jour, mais avant l’homme. Ce dernier est l’œuvre ultime, de même sa doctrine sera expliquée après la théorie de la bête, de l’animal et de la volaille.
Mais les grands hommes d’Israël ont donné un autre sens au sermon de Rabbi Sinaï:
Les enseignements de l’homme sont interprétés après ceux de la bête, de l’animal et de la volaille.

C’est-à-dire que le modèle humain peut sombrer vers le palier inférieur, vers un niveau si bas qu’il deviendra pire qu’un animal, une bête et une volaille.
Les survivants de la Seconde Guerre mondiale ont raconté, témoigné des atrocités des nazis, et de leurs collaborateurs, trempant dans la vomissure d’une Europe vendue à l’infamie. Il y eut certes des Justes parmi les nations mais nulle nation ne fut juste, elles portent toutes une tache indélébile, celle des scélérats, des jeanfoutres et autres larves inhumaine.

Avant la Shoah, pendant la Shoah et bien après la Shoah, nous savions pertinemment, pour les tenants du pessimisme dont je suis, que l’homme peut se pervertir, perdre l’image Divine de son visage devenu inhumain.
Aucun animal, aucune bête, aucune volaille ne le pourrait.
Les animaux prédateurs déchirent et dévorent leur proie mus par leur nature propre, lorsqu’ils ont faim, poussés par un besoin naturel intérieur.
Des hommes et des femmes, du commun des mortels, ont dévoré d’autres êtres humains et les ont poussés dans des chambres à gaz…. sans aucune raison, sans faim et sans nul besoin naturel.

Seule la haine, l’inimitié, le racisme, l’antisémitisme, le nationalisme, le conformisme, le fondamentalisme religieux et toutes les idéologies radicales sont à l’origine des drames et tragédies de notre Histoire.
Quand l’Homme préfère le mal, choisit de se défigurer, il plonge dans les abysses de la déchéance, de la dégénérescence, ses conduites et comportements sont pires que ceux du monde naturel de l’animal.
Des êtres humains uniques et courageux ont compris la nécessité de mettre en œuvre différentes institutions sociales qui enseignent et éduquent afin d’apaiser les violentes pulsions humaines.

Souvent, l’homme trouve le moyen de s’améliorer vers de meilleures vertus et valeurs, grâce à la tradition, à la sagesse des générations, aux écoles, aux synagogues et à l’expérience humaine accumulée.
Mais le savoir moral, contrairement au savoir technologique, n’est pas un savoir accumulé qui se transmet de génération en génération.
Chacune d’elles doit l’appréhender et le vivre à nouveau.

Par conséquent, tant que le monde sera composé d’êtres humains, animés de passions et de convoitises, notre liberté ne pourra devenir une évidence.
Nous avons besoin de souveraineté nationale, d’ordre, de loi et de justice pour briser les vagues de violence qui éclatent et nous submergent de plus en plus chaque jour.

« Rabbi ‘Hanina, suppléant du Cohen Gadol, dit : « Prie pour la paix du pays, car s’il n’y avait la crainte du pouvoir, les hommes se dévoreraient mutuellement. » (Pirkei Avot 3, 2)

L’anarchie de la violence, des crimes, des viols, de la maltraitance, des grossièretés, règne en toute liberté sur nos routes, sur nos parkings, en Galilée, dans le Néguev, dans nos villes mixtes, dans nos stades, nos rues, nos villes et nos cités.
La non souveraineté de l’état de droit, l’impunité du crime organisé, la justice bafouée, la police plus que claudicante, offrent gracieusement, à tous les barbares, à tous les sauvages à ‘visage humain’, une invitation à poursuivre leurs œuvres dévastatrices.

Il est vrai que la seule peur du gendarme ne pourra accomplir cette énorme tâche, car la « police » ne peut, physiquement, être partout et à tout moment.
Cela nécessite une culture où les personnes se sentent engagées les unes envers les autres, reconnaissent le droit de l’autre à la vie et à la propriété. Elle doit éradiquer toutes les criminalités de son sein et enfermer dans des camps de détention pour redressement et rééducation ceux qui semblent récupérables.
Notre monde est sauvage, notre société une jungle.

Nous sommes au quotidien témoin de la violence des propos, des faits et des gestes, le tumulte, et l’inhumanité ne cessent de se manifester à travers des relations hostiles. La violence est dans les injures que les créatures s’adressent, selon un certain faire valoir du révolté, l’interdiction d’interdire.

La violence est omniprésente dans le mépris, la haine, le snobisme à l’égard de la diversité, de l’autre, de tout autre.
Responsable, pour beaucoup aimant les raccourcis, est la « société », rien de très nouveau pour notre époque, c’est toujours la faute des tiers: le régime politique, les conditions économiques, les oppositions sociales etc…
Cela me parait être de bonne commodité!

Nous recherchons dans notre vie sociale une satisfaction essentiellement matérielle! Nous y quêtons aussi l’inutile et l’accessoire. Le plus haut faîte, jouissif, pour notre ego, reste l’image adulatrice de notre propre puissance, d’une autosatisfaction même fourvoyée.
Sa plus grande détresse et son plus grand désespoir est de paraitre caricatural et dédaigné, d’où l’exigence de rancune et de vengeance.
La violence est le fruit abimé de l’individu débilité par un manque flagrant d’éducation, de culture, de foi, d’éthique et de morale.

Quelle sera la peine de ce meurtrier, de cette salissure terrestre, de ce rebut de l’humain, de cette créature du néant et du rien?