Étrange que sont ces premiers mots de l’Hatikva (« L’Espoir ») : l’âme juive serait-elle différente des autres ? Encore plus bizarre, quand ce sont des Juifs de galouth qui l’entonnent, vibrant à l’unisson de tout leur cœur ! En quoi donc ces gens – Dont, pour la plupart, le mode de pensée s’apparente, à première vue, plus souvent à celui des Lumières qu’à celui de H’anouka ! – Peuvent-ils se sentir plus proches de gens vivant en Eretz Israël que de ceux qu’ils côtoient chaque jour ? C’est que « être Juif » est basé, souvent inconsciemment, sur ce fameux triptyque si bien décrit par le Rav Kook : « L’Amour de la Terre d’Israël ; l’Amour du Peuple d’Israël ; l’Amour de la Torah d’Israël ! »… et même si on vit loin du Pays de la Promesse, si la plupart des « relations » se trouvent être des goyim bon teint, si on est un « Frère trois points », au plus profond de soi une petite voix rappelle le lointain engagement de Routh (d’où descendra le Mashiah’ Ben David), « profession de foi » dont les fortes paroles résument ce qu’est exactement la judéité : « Où tu iras, j’irai ; où tu vivras, je vivrai ; ton peuple sera mon peuple et ton D-ieu sera mon D-ieu ! »
« Où tu iras, j’irai ! » Tout arboriculteur vous dira que seules certaines terres sont favorables au développement d’essences bien précises et que leur transplantation risque de leur être fatale… c’est pourquoi il est bon de nous fier au plan du Grand Paysagiste qui nous a fixé un terroir. Car notre peuple est comme un arbre : sans être rattachées à ses racines (l’Histoire), ses feuilles dépérissent ; sans eau (la Torah) circulant pour irriguer tout son corps, celles-ci se dessèchent et, si l’une d’entre elles se détache complètement pour « aller vivre sa vie » ailleurs, elle se flétrit tout doucement. Mais que l’on ne s’y trompe pas ! La majorité des « feuilles », semblant aujourd’hui s’être désunies du végétal à la suite de tempêtes diverses, y sont encore liées par un lien ténu, et ne demandent que la cicatrisation de la blessure. Certes ! Elles ne participent plus beaucoup, en raison de leur faiblesse, à la photosynthèse commune et semblent un poids mort pour la vitalité du tronc, mais elles frémissent comme le gros du feuillage quant à la bonne santé de celui-ci. Que la cognée du bûcheron s’approche, que le sécateur de l’élagueur se mette en action, elles partagent tant la crainte que la douleur de l’ensemble (1).
Tel est le lot de notre peuple ! « Am Israel erad », « Le Peuple d’Israël est Un » qu’il soit encore en galouth ou déjà dans notre pays. En effet, pour avoir vécu dans l’Etat Juif y compris en temps de guerre, je me demande parfois où est la plus grande souffrance : là-bas ou ici en diaspora ? Quand, sur son mur Facebook, une de vos correspondantes Israéliennes demande en direct « Quelqu’un a-t-il entendu une explosion du côté d’Eilat ? », quand vous apprenez que les terroristes bombardent Sdérot, quand on vous informe d’un attentat à Jérusalem, vous partagez – Puissance 1000 – les appréhensions et la douleur. Vous avez envie de pleurer de rage, de hurler de douleur, de vous téléporter immédiatement sur place pour apporter votre réconfort, pour leur montrer qu’ils ne sont pas seuls… mais vous êtes impuissants, et ne pouvez même pas faire partager pleinement votre mal-être à votre entourage. Car le bruit de cette explosion, le kassam qui a touché Sdérot, les éclats de la ceinture explosive du kamikaze, c’est aussi une partie de vous-même qu’ils ont atteint. Et alors viennent les questions terribles : « Qu’est-ce que je fais ici pendant que mon peuple souffre ? De quel droit suis-je bien au chaud en Europe alors que je devrais être avec lui sur le champs de bataille ? Pourquoi eux et pas moi ? » Et le soir, bien que les contraintes matérielles de la vie vous empêchent de partir, vous n’osez même plus vous regarder dans votre miroir.
C’est sans doute pourquoi – tant en guise de baume sur cette blessure que de bravade envers nos ennemis – les Juifs de l’Exil chantent, remués au plus profond de leurs entrailles, les paroles de l’Hatikva : « Tant qu’une âme juive vibre dans nos cœurs et que vers l’Orient un œil sur Sion se fixe… alors notre espoir ne sera pas perdu, un espoir vieux de deux mille ans, d’être un peuple libre dans notre pays, la Terre de Sion et Jérusalem ! »
Par Yéh’ezkel Ben Avraham pour Alyaexpress-News.
(1) L’anthropomorphisme de la métaphore semble audacieux et pourtant… Pourtant, les scientifique ont découvert, en Australie, que les eucalyptus – quand un herbivore grignote leurs feuilles – se transmettent de l’un à l’autre une « alerte » permettant à tous les arbres des alentours de sécréter un poison qui oblige leur « agresseur » à aller se nourrir beaucoup plus loin !
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